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Norbert

Interview de Norbert Livet, formateur ANPE, avant son départ à la retraite

Alors, tu pars quand ?

Mon dernier jour de travail c’est le vendredi 14 Avril, le Vendredi saint, dernier jour de la passion du Christ, avant-veille de la résurrection de Pâques :

 » Mon Dieu, c’est comme si tout était neuf, comme si tout commençait depuis ce matin » (Charles Péguy).

Je ne suis pas croyant, mais je pourrais y voir un signe.

Déjà, la retraite ?

Je n’ai pas 60 ans (malgré une blancheur capillaire précoce), mais j’ai bénéficié d’une remise de peine de 2 ans grâce à une jurisprudence – vite annulée par une nouvelle loi- qui considère que les fonctionnaires pères de 3 enfants ont autant de droit à une retraite anticipée que leurs homologues féminins. Dans mon cas ce n’est pas un abus de droit, car j’ai pris une part active dans l‘élevage de mes 4 enfants, sans compter mes 2 belles-filles. Et d’ailleurs ma carrière s’apparente plutôt à celle d’une mère fonctionnaire (syndicaliste de surcroît !) : Disponibilité de 2 ans pour convenance personnelle, Congé de 2 ans pour élever un enfant, Temps partiel le mercredi, et au final pas d’autre promotion que l’ancienneté…

Un peu discret, ton départ de l’ANPE…

Je n’ai pas le goût des célébrations officielles, genre remise de médailles du travail.

Et puis l’ANPE, c’est pas plus de 20 ans dans un parcours hétéroclite : ouvrier agricole, attaché au Ministère de l’agriculture, journaliste au quotidien Rouge, restaurateur-libraire à Poitiers, conseiller à l’ANPE, membre du Conseil économique et social Rhône-Alpes, consultant en relations sociales, formateur interne de nouveau à l’ANPE … et syndicaliste depuis ma première fiche de paye.

C’est pour cela que j’ai préféré réunir, hors contexte ANPE, les collègues, les amis et les camarades militants pour une fête qui reflète cette variété bigarrée..

T’as des projets ?

A un moment où mes collègues conseillers ANPE sont mobilisés pour le suivi mensuel personnalisé, la construction d’un « Projet Personnalisé d’Accès à l’Emploi – PPAE» devient une injonction permanente pour tous les chômeurs concernés. Cet impératif du projet, omniprésent dans une société qui n’en a plus, semble aussi s’étendre aux retraités : un Projet Personnalisé de Retrait de l’Emploi – PPRE ? (pépère, hein ?)

Alors quel projet ? Un grand voyage (la Papouasie en camping-car) ? Des responsabilités syndicales (les retraités du Val d’Azergues), humanitaire (Chômage Sans Frontières), associative (les amateurs des pommes « belle de Boskoop ») ? Une liste « Oui à l’autoroute !» pour les municipales de 2008 ? Que sais-je encore?

Alors je dis STOP ! Je revendique une année sabbatique. Et que mon chemin ne soit inspiré que par mes envies, celles de mes proches ou … par le soleil qui pointe aujourd’hui derrière les arbres.

Tu as tout de même des idées, des buts poursuivis ?

L’important c’est de prendre le chemin, que l’on parte vers l’Est ou l’Ouest. Une heure ou deux de marche à pied quotidienne dans les sentiers des monts d’or, c’est une activité qui me convient. .

Alors bon pied, mais aussi bon œil, derrière le viseur d’un appareil photo. Avoir enfin le temps de peaufiner une mise au point, trouver la bonne lumière et exploiter ces images numériques aux multiples possibilités.

Et les partager sur le Web, avec un blog à venir…

Et puis rester branché, faire marcher sa tête et trouver les lieux ou les occasions d’échanges.

Les retraités sont rangés dans la catégorie « inactifs ». ça ne te fait pas peur ?

C’est vrai qu’à l’ANPE, question activité, on n’a pas le temps de s’ennuyer, soit qu’on ait toujours une file de chômeurs devant notre guichet, soit qu’on se trouve mobilisés dans le plan d’urgence pour l’emploi, dans le nouveau dispositif de formation d‘«alternance intégrative», ou dans le dernier contrat de progrès … Autant de bouleversements qui se succèdent à un rythme effréné.

Demain c’est plutôt le rythme des saisons qui dictera mes priorités : réparer la pompe à eau avant l‘été, couper la haie avant l’automne, aménager les chambres à louer avant la rentrée. Je ne m’inquiète pas de la menace de l’ennui.

Et comme dit Henry David Thoreau :

« L’art de la vie, de la vie du poète, c’est d’être occupé sans avoir rien à faire. »

Une pensée pour ceux qui restent ?

A force de parler de la guerre contre le chômage, de la bataille pour l’emploi, de mobilisation générale, ceux qui quittent, pour une raison ou une autre, les tranchées de l’ANPE sont considérés facilement comme des déserteurs ou au moins des planqués. Et les partants, souvent culpabilisés d’abandonner leurs collègues et les chômeurs à leur triste sort, se gardent bien d’afficher leur vif soulagement et s’interdisent tout commentaire apitoyé sur la situation qu’ils laissent derrière eux.

Si j’essaye de déroger à cette règle, je dirais ceci :

Je suis de ceux qui trouvent quelque bienfait au principe d’un suivi personnalisé et périodique des chômeurs. Mais, le danger principal qui guette à mon sens nos collègues, au-delà des moyens qui ne sont pas à la hauteur des ambitions, réside dans l’individualisation des objectifs et des méthodes pour gérer son « portefeuille » de chômeurs. Cette logique de l’individualisation, que nous connaissons aussi à la formation, s’accompagne d’une mise sous pression à tous les niveaux. Dans cette situation, le risque est grand de voir chacun essayer de « sauver sa peau», ce qui peut se révéler un poison pour le principe même de coopération dans le travail. Or, on ne peut pas exercer notre métier sans coopération, au risque de «péter les plombs » ou au moins d’être inefficace.

Il faut sauver le collectif dans les équipes, dans les agences, dans le respect du professionnalisme de chacun et souvent malgré ou contre le management. Je ne vous surprendrai pas en ajoutant que le syndicalisme, malgré ses défauts et ses manques, reste à mes yeux un appui essentiel dans cette entreprise.

2 commentaires sur “interview

  1. Jolie idée que celle du Clairon,le fait journalistique fait parti de ta vie, le conserver de cette manière te ressemble!Tu pourras lier le texte à l’image et nous faire part de tes réflexions dans ta façon originale et humouristique de rédaction.
    C’est un début tout à fait épatant pour ce départ .
    Bravo!
    Bises
    Hanna

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