En Chartreuse : Le Guiers , Mort ou Vif ?

La Chartreuse, qui se dresse entre Grenoble et Chambéry est un pays de frontière, dont le tracé grimpant sur les sommets, se coulant dans les vallées, a toujours séparé la Savoie et le Dauphiné, autrefois états (France et Savoie, indépendante jusqu’en 1860), aujourd’hui départements.chartreuse01-659x656
Mais l’affaire n’a jamais été simple : Le traité de Paris en 1355 amène une délimitation géographique : C’est le Guiers qui définit la frontière ; mais lequel ?
Eh bien celui qui se jette dans le Rhône à Saint-Genix en Guiers et qui remonte jusqu’au village d’Entre Deux Guiers. Jusque-là tout va bien. Mais en amont tout se complique.
Nous avons deux candidats à l’appellation Guiers jusqu’à sa source : D’une part le Guiers (Vif) qui traverse Saint-Pierre (d’Entremont) et rejoint la vallée à travers les Gorges du Guiers (Vif) , d’autre part le Guiers (Mort) qui traverse Saint-Pierre (de Chartreuse) et rejoint la vallée à travers les Gorges du Guiers (Mort). Au nord la Savoie ( Le Duché de Savoie). Au sud le département de l’Isère (autrefois le Dauphiné et la France) ,
La question est maintenant tranchée, c’est le Guiers Vif qui sépare les départements. Mais on imagine à quel point cette incertitude sur la frontière a pu faire le bonheur des contrebandiers dont le premier d’entre eux Mandrin a laissé sa marque dans tout le pays.
Mais la dispute ne s’arrête pas là : le Guiers Vif (en Savoie, donc) a deux affluents l’Herbetan et le Cozon ; Le Guiers Mort (en Isère donc) a deux affluents … l’Herbetan et le Cozon. Saint Pierre d’entremont est une commune d’Isère mais de l’autre coté du pont, en Savoie, l’autre commune s’appelle aussi Saint-Pierre d’Entremont, chacun son Eglise, sa mairie, son école, sa pharmacie!
En Isère nous avons bivouaqué au col du Cucheron (photo ci-dessous), au-dessus de Saint-Pierre (de Chartreuse). Le lendemain, à quelques km de là, en Savoie, au-dessus de Saint-Pierre (d‘Entremont) nous faisons halte au Col … du Cucheron.bis-6279
Cependant, sur cette frontière, il est un site unique  : c’est le cirque de Saint-Même, en remontant la haute vallée du Guiers Vif. Promenade très populaire, dominicale ou estivale, l’affluence est telle que l’accès depuis la vallée est régulé aux moments de pointe.IMG_6356 Nous arrivons très tôt, à 8 h et demie sur le parking encore désert, ce qui nous permet de choisir la place la plus ombragée.  Les chemins partent au sud ou au nord de la rivière,longent le Guiers en traversant de larges pelouses où s’installent les pique-niqueurs autour des tables implantées par le parc. Les familles ne vont souvent pas plus loin, ravies de passer une après-midi dans la fraîcheur. Les promeneurs plus sportifs se retrouvent dans les chemins en direction des cascades  sur des pentes plus escarpées, surtout sur l’accès Nord qui permet une arrivée par le haut . C’est là qu’on aperçoit la source (l‘exsurgence puisque le Guiers Vif est dans un premier temps une rivière souterraine) qui sort de la falaise et  alimente les quatre cascades inférieures :cascade des Sources, Grande cascade, cascade Isolée, Pisse du Guiers. Des deux cotés la perspective est fermée par ces falaises calcaires qui dominent de 500m le plancher du cirque.IMG_6342

Isère ou Savoie ? La meilleure manière de dépasser ce malaise et cette incertitude géographique c’est de se tourner vers le vrai repère spirituel du Massif , le monastère de la Grande Chartreuse . Parking auprès du Musée, approche à pied (zone de silence) .IMG_6270

Les bâtiments, immenses , parfaitement entretenus se dressent derrière un mur d’enceinte continu qui isole totalement les moines du monde extérieur. La règle des Chartreux est parmi les plus rigoureuses :   bis-6271les religieux observent une clôture perpétuelle, un silence presque absolu, de fréquents jeûnes et l’abstinence complète de viande.  Enfin… un isolement presque total, puisqu’il faut bien sortir les poubelles…

Un peu à l’écart, en dehors de l’enceinte, une hostellerie abrite les familles en visite (pas plus de deux jours par an pour ceux qui ont prononcé leurs voeux). Le chemin continue ensuite en direction de la chapelle Saint-Bruno et des ruines du premier monastère. C’est aussi une randonnée en direction du Grand Som.

Le massif de la Chartreuse est vraiment destiné aux randonneurs -nous n’en faisons pas partie- qui aiment flirter avec les 2000m après de longues marches d’approche  , car peu de routes carrossables rapprochent des sommets. Sauf Charmant Som.  La petite route en lacet nous amène directement à l’estive. Ici, oubliées les pentes noires, les plantations vert sombre d’épicéa, les horizons barrés des vallées encaissées. Enfin des perspectives dégagées, des pelouses à l’infini, et le troupeau paisible au dessus des sommets. bis-6263Le lendemain nous trouve plus au Nord , du coté du col de La Cluse, petite station de ski où nous bivouaquons sur le parking. Pentes douces, grands espaces et vue sur le Mont Blanc. Le crépuscule s’avance, effaçant petit à petit les silhouettes des fermes isolées.bis-6382 La Savoie nous attire ( Andréas et Dorine, en attente d’une naissance habitent Aix-les-Bains). Chambéry, longtemps capitale du Duché de Savoie, ferme l’angle nord de la Chartreuse, à partir du Col du Granier.  Nous nous attardons peu au col, juste pour observer l’impressionnante falaise (la plus haute de France, 700m, qui domine Chambéry). On voit encore qu’une partie importante de la montagne a cédé à cet endroit au 13eme siècle, ensevelissant tous les villages en dessous.bis-6386

Chambéry c’est la porte ouverte vers le lac du Bourget. Nous délaissons Aix-les-Bains où les enfants ne nous attendent pas pour explorer la « cote sauvage » . A l’ouest la montagne plonge quasi à la verticale dans les eaux du Lac. La route monte sous la Dent du Chat, parcourt la corniche élevée et s’abaisse pour rejoindre l’Abbaye de Hautecombe. Au milieu de la canicule de ce mois de juillet de 2015, c’est un havre de paix et de fraîcheur, au milieu des baigneurs qui profitent de la douceur de cette fin de journée. Un petit paradis !bis-6404

5 commentaires sur “En Chartreuse : Le Guiers , Mort ou Vif ?

  1. Merci Norbert. Ce n’est pas loin de Lyon, l’autoroute longe le Guiers à un moment lorsque l’on se rapproche de Chambéry mais cette région est à découvrir. Je me souviens de parties de pêche au lancer dans le Guiers (mort ?). Nous avions le choix entre la 2ème catégorie et attraper des hotus (tunards en langage de pêcheurs) ou la 1ère catégorie et essayer de pêcher la truite.

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  2. Une invitation trés documentée à découvrir une région que je ne connais pas du tout , à part l ‘Abbaye de Hautecombe , destination d ‘une traversée du lac en bateau , dans mon enfance ….et bravo pour les photos !

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  3. Oui , une très belle région que j’ai visitée a une époque .Surtout le Sappey et le Col du Coq .Je me souviens d’une prairie près du Sappey couverte de crocus .Magnifique ! !
    Bonne journée et vive le Clairon .

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  4. Belle balade. Merci. Un petit reproche : ce Guiers, vif ou non, figure certainement sur la carte mais n’est pas désigné… Pour qui ne connait pas le coin, cela ne rends pas la lecture facile… Une autre carte ?
    Bien cordialement
    JS

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