Il y a 35 ans Les bavards étaient un hameau abandonné à l’ouest du Poitou, à deux pas du Berry.
Deux habitations encore debout, une grange, quelques bâtiments agricoles et beaucoup de ruines, dont il ne restait souvent que les portes et leurs linteaux, envahies par la broussaille. Un point d’eau incertain à 100m et une ligne électrique encore sous tension. On accédait par un long chemin empierré qui sinuait dans une forêt sombre. Mais quelle paix à l’arrivée ! Philippe, le premier acquéreur avait rapidement convaincu quelques amis parisiens de retrousser leurs manches pour redonner vie au hameau. On y vivait à la dure mais enfin loin de l’enfer parisien, entassés sous le seul toit disponible, ravis de ce silence, coupés du monde.
Reconstructions, débroussaillages, aménagements, agrandissements, plantations, récupérations en tout genre ont occupé les vacances des valeureux et des valeureuses. Après Diane et Philippe, Françoise et Dominique acquièrent l’autre maison encore debout. Puis Geneviève prend possession d’une ruine enfin remontée grâce aux efforts de tous, et moi je traverse le chemin pour m’installer dans une ferme en location. Et puis Diane, désormais séparée de Philippe, récupère l’habitation d’origine et, plus tard, fait construire une aile qui la complète. La bétonnière – et les bras des habitants servent indifféremment dans l’une ou l’autre maison. La vie s’organise autour d’un espace qui recrée petit à petit l’ancienne place du village.
L’idée de vivre à demeure dans ce havre de paix, de trouver une activité à proximité, nous anime tous plus ou moins. Au printemps 1981 voici nos parisiens embarqués dans un projet collectif de librairie-salon de thé-restaurant à Poitiers qui les amène à des allers-retours entre la capitale régionale et les Bavards. Mais l’abandon du restaurant, trois ans plus tard, redistribue les cartes. Installé désormais à Lyon je ne tarde pas à résilier ma location. Pour les autres, revenus à Paris ou installés à Poitiers, le hameau ne sera plus qu’un lieu de vacances.
Les pionniers du début ont toutefois conservé un esprit collectif, tourné vers la coopération, renforcé désormais par la nouvelle génération qui peuple les maisons. Les gamins ont vécu beaucoup d’étés ensemble, devenus adultes ils restent fidèles à ce lieu à nul autre pareil. C’est maintenant un hameau coquet de quatre habitations pimpantes dotées d’une terrasse chacune. Les maisons ont grandi en surface et en confort, comme celle de Françoise et Dominique, agrandie deux fois.
Le hameau a sa place centrale, sa mare bordée d’un cyprès chauve du plus bel effet et appréciée des canards, sa piscine hors-sol (désaffectée cette année pour cause de sécheresse). Un plan astucieux et longuement réfléchi préserve intimité et vie collective. Chacun s’est ingénié à garder l’aspect simple et rustique de ces petites maisons basse typiques de l’architecture rurale du Berry.
Les Bavards : ce nom de hameau en a intrigué plus d’un, en premier ses nouveaux propriétaires. Les habitants seraient-ils forcément cancaniers, des pipelettes enclines à parler pour ne rien dire?
Il ne faut pas négliger l’importance dans les moeurs autochtones d’un certain art de la conversation. Botanique, jardinage, techniques écologiques de construction, cuisine nouvelle, voire médecine douce et soins vétérinaires, rien n’échappe aux affirmations, aux commentaires voire aux controverses de ces autodidactes formés sous le signe du magazine Rustica, du catalogue Kokopelli (qui prône » la libération des semences et de l’humus ») et des sites spécialisés d’internet. Bouvard et Pécuchet ne seraient pas dépaysés en leur compagnie.
Heureusement, l’oeuvre accomplie, le devenir du village, tout le travail investi dans les murs et la terre sont là pour attester que l’action et la constance ont primé sur les discours sans suite.
Tradition heureuse : pas de séjour sans soirée qui réunit autour d’une table les habitants et les connaissances des environs . La convivialité aux Bavards n’est pas un vain mot.
Les couples ont évolué, les enfants ont grandi, des indigènes sont devenus des amis proches, la retraite s’annonce pour certains et Les Bavards s’apprêtent à prendre un nouvel essor comme centre de diffusion des techniques culturales respectueuses de l’environnement et des variétés oubliées. Le savoir-faire jardinier patiemment accumulé au fil des années, des lectures et des contacts, les pratiques culturales testées selon des plans expérimentaux rigoureux font des adeptes . Dernières expérimentations : le Kiwano , sorte de concombre avec piquants dont on consomme la pulpe sucrée et le Giraumon d’Essine à peau curieusement verruqueuse. Lors de notre dernier passage les Bavards vivaient un évènement jamais vu : Le départ d’un couple fondateur et la vente de leur maison dans le cadre d’un divorce. Un déchirement et beaucoup de peine du coté de ceux qui partent et du coté de ceux qui restent. Heureusement un dénouement heureux : l’acquéreur est une parisienne habituée et fan des bavards dont la venue est souhaitée par tout le monde. Les Bavards continuent !
Voir aussi le compte-rendu concernant Bras d’Asse un village des Alpes provençales abandonné depuis plus d’un siècle
Merci Nono !
Voilà 4 ans que je n’ai pas vu les lieux. Ton récit laisse la trace de mon passage puisque chaque maison garde un peu de mes bras et de ma tête. Je n’avais pas imaginé cette évolution là ; toutes les photos que j’ai prises au fil de 25 ans sont entre des mains bavardes.
Quant à moi, je cherche aussi un lieu pour démarrer une semblable expérience, car je demeure assez collectiviste. Nettement blanchi, c’est plus difficile d’y mettre autant de forces aujourd’hui.
Patrick
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Souvenir, souvenir!
Combien de WK passés là bas???
Pas de travaux manuels pour moi, quoique?
Mais un des rares endroits ou le jeu de GO était pratiqué dans le monde d’ignorants de l’époque.
Bises
Ketchup
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La visiteuse de passage , qui a aussi parfois oeuvré au début de ce hameau ……se souvient …….quelles belles rencontres ……discussions , déja au petit- déjeuner ……
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Les bavards restent pour moi la mémoire de l’enfance et un exemple de convivialité que j’aime évoquer régulièrement auprès de mes amis. Ce lieu ne manque pas de succiter, à chaque fois, beaucoup de curiosité. Si les gens pouvaient s’en servir pour réinventer la vie et le plaisir d’être ensemble.
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Sympathique observation Norbert de votre passage estival avec Danièle en terres bavardes. Tu as raison, tout tient là-bas sans doute depuis si « longtemps » maintenant grâce à cette préservation de « l’intimité et de la vie collective », c’est ça la magie des Bavards : parvenir à ce que l’un et le multiple ne soient pas en conflit. La possibilité de la convivialité mais aussi de la solitude…c’est le contraire de l’esprit collectiviste ou communautaire pur et dur en fait, c’est pour ça que c’est durable. Il n’y a sans doute pas de plans écrits pour cela, c’est comme une recette de cuisine qu’on mène à tâtons, sans livre. Un mélange d’intuitions des uns et des autres, brassé dans une bétonnière même parfois! ça crée de joyeuses saveurs dans nos assiettes et de de belles couleurs sur les maisons et dans les jardins! Lieu ouvert, revenez j’espère!
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MDR Norbert 😉
Lol XD XD
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WTF! PT de rire…
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dans « la tradition orale » des bavards, on raconte que Diane a habité o bavards dans les tout débuts,..et puis il me semble qu »elle y a une petite maison (dans laquelle mes enfants,mes amis et moi avons souvent dormi…) ,qu’elle fait partie des habitants officiels de ce hameau de copains,…je suis « un peu » surprise de ne pas la voir citée…, bon, comme il y a une photo de moi, après tout ce n’est pas bien grave…maintenant que j’ai, grâce à Diane,entre autres amis, investi les lieux, je compte bien trinquer avec elle à chaque occasion, bizes de la petite dernière (qui tient à rétablir la vérité vraie, historiquement correk….)
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hello patrick…., ciel, un revenant , j’ai un peu peur des fantomes, christine lameme
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salut les copains!bravo pour l’histoire non exhaustive des Bavards,mais je trouve comme la personne plus haut qu’il y a des évênements non rapportés, c’est tout de même dommage,comment ce fait-ce?dans la série « mystère »,le « club des cinq » mène l’enquête, le « clan des sept » contre-attaque,les « jumelles » se révoltent,…, signé: »oui-oui » qui aime tant l’endroit, oui,oui…
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Merci pour cette plongée dans les souvenirs. Je ne suis venu qu’une fois par chez vous, mais quel bonheur ce fut !
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Un beau témoignage qui provoque des bavardages. Un récit ponctué de souvenirs.
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