Une agriculture sans agriculteurs *

Voici plus de 50 ans, un livre nous annonçait « La Fin des paysans ». Quand l’ouvrage sort, en 1967, le constat dressé par Henri Mendras fait l’effet d’une bombe :

le sociologue y prédit rien de moins que la disparition de la civilisation paysanne et son remplacement par une autre, technicienne. « C’est le dernier combat de la société industrielle contre le dernier carré de la civilisation traditionnelle », prévient-il en introduction.

Que s’est-il passé depuis ? Si tout le monde s’accorde sur la place décroissante des agriculteurs dans l’économie, la société et la vie politique de notre pays, le modèle et la réalité de l’exploitation « familiale » comme base essentielle de la production agricole n’a pas vraiment été contesté. De tous les bords , de la FNSEA qui a tout intérêt à maintenir cette fiction, de la Confédération Paysanne qui milite pour le maintien et le développement d’une agriculture paysanne, de la classe politique dans son ensemble, on feint de ne pas voir une évolution qui modifie profondément les conditions de la production agricole. Pourtant comment ne pas voir ce vrai chambardement ?

Les agriculteurs : de moins en moins nombreux !

1 587 600 en 1970 ; 389 000 en 2020 : un nombre d’exploitations divisé par quatre en cinquante ans. Et ce n’est pas fini : 342 000 attendus en 2025. Premières victimes les exploitations d’élevage et généralement les petites fermes. Les chiffres ne surprennent pas, tant la tendance est connue et vérifiée sur plusieurs décennies

La part des agriculteurs exploitants dans l’emploi total ne représente en 2021 que 1,5% contre 7 ,1 % il y a quarante ans.

Les terres délaissées sont d’abord vendues aux voisins qui s’agrandissent, entraînant l’augmentation des surfaces moyennes. Entre 1970 et 2020 la superficie moyenne a augmenté de 50 ha .elle est actuellement de 69 ha (comparable à l’ Allemagne , mais 2,5 supérieur à l’Espagne, 3 fois à l’Italie). Cette croissance en taille profite aux moyennes et aux grandes exploitations.

De la ferme à la firme …

Cultiver la terre en famille est une figure maintenant largement minoritaire. Le temps est loin où le couple partageait la même activité agricole (aujourd’hui 80% des conjoints n’ont pas d’activité sur l’exploitation), où le grand-père à la retraite donnait la main aux travaux des champs et où au moins un des fils avait le statut d’ « aidant familial » .

L’agriculture « familiale » se réduit maintenant à un chef d’exploitation travaillant souvent seul (42% des exploitations en France) ou avec des salariés et associés non familiaux. Les exploitations authentiquement « familiales » ne représentent plus que 30% des exploitations et 28% de la production agricole française.

Reste la propriété foncière comme caractéristique familiale. La terre s’acquiert encore essentiellement par l’héritage. Au moment des successions, les frères et sœurs ne se satisfont plus comme jadis de l’indivision, ou de soultes au long cours lorsque le frère resté à la ferme tentait difficilement de dériver une partie des revenus vers les collatéraux. D’où le succès des outils financiers : Groupement foncier agricole GFA, société civile d’exploitation agricole SCEA, ou même société anonyme SA, SARL. Les collatéraux se comportent de plus en plus comme des investisseurs, pouvant valoriser ou même vendre leurs parts, ou exploiter via un prestataire, plutôt que de conclure des baux avec un fermier trop protégé à leur goût.

L’agriculteur désormais seul à organiser la production ne peut lui-même tout faire et maîtriser toutes les opérations.

D’où une explosion de la sous-traitance, du recours à des firmes spécialisées dans les travaux agricoles et même le conseil à la conduite de l’exploitation, sans parler de l’intervention d’acteurs en amont (coopératives, fournisseurs), ou en aval (coopératives aussi et distributeurs, labels …)

L’agriculture familiale est un modèle qui n’a plus vraiment de réalité sauf dans des secteurs particuliers : produits régionaux de qualité, élevage de montagne, petit maraîchage/horticulture, agriculture bio, qui se maintiennent et se développent à coté de ce grand chambardement.

 Comment peut-on promouvoir un modèle d’agriculture paysanne et à quelle condition ? Telle est la question urgente qui se pose à tous ceux qui se sentent concernés par la production de notre alimentation.

*J’ai repris le titre d’un livre excellent : Une agriculture sans agriculteurs de François Purseigle et Bertrand Hervieu éditions Sciences Po

Mâcher

À la Une

(Croquer la vie à pleines dents)

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Respirer, Boire, Manger, Bouger. Voilà bien les fonctions essentielles pour tous les organismes animaux, dont nous faisons partie. On y pense quelquefois, on oublie souvent. Heureusement ! Cette évidence, cette insouciance, voilà bien le privilège de la bonne santé. Et rien de tel qu’un épisode de défaillance fonctionnelle pour en retrouver la conscience.

Comme tout le monde j’avais connu des petits soucis dentaires, ces périodes où il nous est interdit de mâcher le temps qu‘un plombage durcisse ou qu’une couronne se stabilise. Avec l’âge ça ne s’arrange pas.

Mais dernièrement l’affaire est devenue plus sérieuse. Plus aucune dent ne pouvait être sauvée. Il fallait tout extraire et prévoir des prothèses, avec des implants pour les stabiliser.

Le dentiste, mon entourage, tout me poussait à prendre la décision.

Ce n’est qu’un mauvais moment à passer !

Je ne m’étendrais pas sur l’opération d’extraction elle-même. L’anesthésie a fait son œuvre, j’entendais chaque dent tomber sur le plateau du dentiste. C’est plus tard, au réveil des nerfs endormis qu’on déguste. S’ouvre alors une période à la durée indéfinie où on cherche le salut auprès des médicaments anti-douleurs. C’est un calvaire mais on se dit que demain ça ira mieux. Je pense que, si les dentistes disaient la vérité, on n’accepterait jamais de se faire arracher les dents. Ne dit-on pas « menteur comme un arracheur de dents ? »

Ça va bien se passer !

En théorie on peut installer les prothèses provisoires, en pratique la gencive est trop sensible pour supporter quoi que ce soit. Me voici amené pour un bout de temps dans la situation des « sans dent » moqué, parait-il, avec mépris par le président Hollande. Alors il faut adapter son régime alimentaire et retrouver la gastronomie des premiers mois de notre vie. Et d’abord faire des courses adaptées.  Et c’est là dans les rayons des supermarchés que je découvre l’univers du mou.

Petit déjeuner :

C’est au rayon petit déjeuner que je vais trouver l’offre la plus abondante. Classiques, les diverses brioches, gâches vendéennes et autres pandorro me promettent le fondant adapté à mon état. Ils tiennent toujours la vedette sur les rayons.

 Mais ce qui me sidère c’est l’explosion des pains de mie : blancs, complets, avec ou sans croûte, grands formats pour tartine ou sandwich, ou petits destinés aux toasts. Mais tous partagent la même consistance, celle qui avait fait la réputation des « sandwichs SNCF ». Aucun cependant n’annoncent la mollesse, ils ne sont pas mous, ils sont tendres, moelleux mais aussi « puissants, ils se proclament «sans huile de palme » mais n’affichent pas la matière grasse indispensable à leur souplesse.

Les amuse-gueules ne sont pas en reste : les bouchées au maïs soufflé au goût de fromage qui fondent dans la bouche sont toutes présentées comme « croustillantes », on se demande où on peut trouver la croûte annoncée.

Question dessert, les contrastes se renforcent : les « croquants » du midi ( Provence, Corse) annoncent la couleur. Sur leurs amandes, leurs noisettes on peut vraiment se casser des dents fragiles. A l’autre bout, les fondants, coulant au chocolat puis les desserts lactés qui s’échelonnent entre liquide (à boire) et onctueux (à la cuillère).

Mais que choisir en plat principal ? Il y a des spécialités qui nous évitent les petits pots pour bébés et qui sont amies des édentés : Les quenelles, les purées de légumes, l’aligot, la brandade de morue, le boudin, les terrines de poissons…

Et puis il y a ce qu’on peut confectionner à la maison à partir de légumes cuits à la vapeur et passés soit au mixeur plongeur (ça donne des soupes, des potages), soit au blender (ça nous donne des mousses fines et délicates).

Il y a donc toute une gastronomie possible qui nous permet de survivre un temps sans mâcher. On peut tout à fait satisfaire nos besoins alimentaires.

Mais au fil des jours, on se rend compte que l’appétit s’amenuise, que l’envie de passer à table se réduit.

Vient le jour où on va retrouver le mordant des prothèses. Pas encore de quoi croquer une pomme entière, comme on le voit dans les publicités pour les colles à dentier, juste de quoi mâcher, ça change tout. On redécouvre le désir, le plaisir de manger.

Alors, conclusion : prenons soin de nos dents (d’origine quand elles tiennent le coup) ou de nos prothèses en veillant à ce qu’elles soient bien adaptées par un professionnel compétent et attentionné.

Prochaine étape : des implants pour arrimer les dentiers. Encore des périodes délicates et…  un trou dans mon budget !

Identité : Au singulier ou au pluriel ?

J’ai du mal avec ce terme qui envahit tous nos espaces : Identité visuelle, littéraire, politique, sociologique, nationale, raciale, sexuelle, genrée…

Quand j’étais gamin, au moment où on rentre au collège, au moment où on découvre le monde et la société dans laquelle on va évoluer, en matière d’identité, je ne connaissais que la carte d’identité, un document qui désigne et atteste la singularité d’un individu, et puis en mathématique les « identités remarquables » où les deux termes de chaque côté du signe = ont même valeur. Il n’était pas question que l’identité désigne l’appartenance à : un groupe, une nation, un genre ou que sais-je encore. Cette polysémie du terme est récente, elle fait florès dans tous les domaines. Cela mérite de s’y attarder.

L’identité c’est d’abord ce qui me désigne, moi, comme entité singulière, unique.

Dans la plupart des pays développés, chacun se voit associé à un numéro national d’identification qui certifie, avec la carte d’identité, que je suis bien moi.

Et la malveillance n’est jamais loin :  il peut arriver qu’on se fasse passer pour moi. Et cela peut m’attirer bien des ennuis. La loi réprime sévèrement l’usurpation d’identité  : Elle peut constituer un délit pénal, pouvant être sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, comme le précise l’article 434-23 du Code pénal. Avec internet l’usurpation d’identité peut devenir massive. 

Mais cette nécessité de prouver son identité touche aussi les objets, dès le moment où ils sont uniques. Ainsi toute œuvre d’art précieuse n’est rien sans son certificat d’authenticité. Et le processus s’invite aussi dans le domaine de la création numérique (NFT) et dans les actifs financiers :

ainsi les cryptomonnaies : Bit Coin et autres Ethereum n’auraient pas vu le jour sans le processus de certification numérique : la blockchain.  

Je citais plus haut les identités remarquables. C’est aussi dans la vie : Madeleine et Marie -Jo mes copines d’enfance étaient des vraies jumelles, j’avais du mal à les distinguer. Elles étaient identiques, presque totalement. Leur ADN est le même, ce qui complique sérieusement certaines affaires criminelles impliquant des jumeaux. En avançant en âge elles avaient pris chacune leur personnalité et les années avaient marqué différemment leurs traits. Elles étaient bien deux personnes distinctes.

Mais tous les jours, nous rencontrons des identités plus vagues, comme ces pêcheurs que j’ai croisés au cours de ma promenade le long de la rivière.

Peu m’importe de savoir s’il s’agit de Pierre, Paul ou Jacques : ce sont à mes yeux des pêcheurs qui ont en commun une caractéristique : celle de passer des heures à surveiller distraitement le bouchon qui danse sur l’eau. Une catégorie, mais qui ne livre pas la nature de chacun d’entre eux, son essence. C’est leur identité du moment, face à mon regard qui ne cherche pas à en savoir plus.

Les choses se compliquent lorsque la catégorie tend à résumer une personne ou un groupe, qu’elle tend à constituer l’essence même des individus. Je ne sais pas si Willy Schraen, le président des fédérations de chasseurs est un cinéphile passionné, un bon père de famille ou s’il est collectionneur de timbre. Quand il parle à la télévision, c’est un chasseur, c’est le chasseur, celui qui représente tous les chasseurs, l’essence même du Chasseur.

Et lorsqu’il appelle à une manifestation pour défendre la chasse, ceux qui y répondent se rassemblent pour défendre leur identité de chasseur. C’est donc un mouvement d’appartenance qui les motivent. C’est là qu’on trouve le ressort puissant qui met dans nos sociétés modernes l’identité en tête de bien des opinions et des mouvements et son besoin jamais satisfait de reconnaissance.

Ce sentiment d’appartenance, qui est d’autant plus fort qu’il est porté par une minorité qui se sent en danger, remise en cause, ne résume pas la totalité de l’individu. On peut être chasseur et militant de gauche, ou même écologiste sincère (pas seulement de façade comme l’expose le discours « vert » des chasseurs). L’individu n’est pas obligé de respecter la cohérence, il porte en lui ses contradictions. Il peut héberger plusieurs identités.

Les identités sont désormais en question sur tous les terrains. Le gamin que j’étais, ne songeait pas à se définir comme mâle, blanc et hétérosexuel, français issu d’une classe (relativement) aisée. Insouciant de ces enjeux devenus maintenant envahissants, il ne se doutait pas qu’un enfant, puis un adolescent se verrait un jour sommé par ses camarades, son entourage, de se définir dans son genre, son orientation sexuelle, sa nationalité, sa couleur de peau. Preuve d’une interrogation existencielle, une étude récente au sein d’une dizaine de lycées de Pittsburgh a révélé une incertitude croissante en matière d’identité sexuelle : 10% des élèves se déclaraient transgenres ou non binaires ou de genre incertain

Dans certains cas, la découverte de son (ses) identité(s) est une occasion de prendre conscience des discriminations, des injustices subies et de les affronter. Le mouvement LGBT+, le mouvement Black Lives Matter, le féminisme militant, en sont l’illustration avec bien d’autres

En revanche il existe des courants qui mettent en avant une identité unique, particulièrement à droite, plutôt à l’extrême droite, une identité qui surplombe tout : la nation, la race … Ces groupes se désignent eux-mêmes comme identitaires et en sont fiers. L’identité joue en l’occurrence le rôle d’un poison qui intoxique nos sociétés et visent à détruire le vivre ensemble.

Alors, laissez-nous un peu respirer, tenons à distance ces identités qui nous enferment !

Prix Nobel : qui est Annie Ernaux ?

Je ne suis pas un grand lecteur mais j’ai toujours eu de l’attention pour les romans d’Annie Ernaux : Les années , évidemment, Passion simple , et  Mémoires de filles .  Une bien petite partie de son « œuvre ».

Et c ‘est toujours avec intérêt et plaisir que j’ai retrouvé ses récits , toujours inspirés de sa vie. Tout le monde souligne à juste titre la qualité de l’écriture, son souci de précision, son honnêteté, une honnêteté rare dans ce domaine de l’autobiographie qui est souvent l’occasion de se donner le beau rôle.

Faut-il  d’ailleurs parler d’autobiographie quand l’auteur s’interdit souvent de parler à la première personne du singulier?  Dans les années on lit plutôt le nous, les on , dans Mémoires de Fille c’est plutôt La fille  ou elle qui est nommée, que l’auteure examine avec détachement  sur une photo d’époque. Si l’auteure renoue avec le je dans Passion simple c’est plutôt pour s‘attribuer un rôle d’observatrice, qui respecte une distance considérable avec elle-même.

Lorsqu’on fait de sa biographie la matière de son œuvre, il faut bien se soumettre au regard public et interroger les rapports de Annie Ernaux auteure littéraire avec Annie Ernaux, la vraie personne, sa réalité sociale. L’actualité nous donne l’occasion de recenser les images qui courent dans les médias, plus ou moins déformées, plus ou moins suscitées par Ernaux elle-même. Essayons d’en faire le tour et d’en évaluer la portée :

« Annie Ernaux est une transfuge de classe. »

Annie Duchesne est née le 1er septembre 1940 à Lillebonne (Seine-Maritime). Elle passe son enfance et sa jeunesse à Yvetot en Normandie. Née dans un milieu social modeste, de parents qui étaient parvenus à s’extraire de leur milieu ouvrier, devenus petits commerçants qui possédaient un café épicerie, Annie Ernaux fait ses études à l’université de Rouen puis de Bordeaux. Mais c’est à l’âge du lycée qu’elle est percutée par les différences sociales, lorsqu’elle se retrouve au pensionnat Saint-Michel avec les jeunes filles de la bonne société de Rouen, à mille lieues de l’épicerie d’Yvetot.

La petite bourgeoise, bien modeste, se frotte pour la première fois à la grande bourgeoisie provinciale. Après le bac, elle délaissera une carrière d’institutrice de campagne avec sa démission de l’école normale d’instituteur de Rouen. Elle n’est pas douée pour faire la classe, elle ne se sent pas la vocation

Il s’agit là du récit d’une ascension sociale pas toujours facile, confrontée au mépris des classes dominantes, suscitant parfois de la honte chez l’auteur.

De là à tresser une légende qu’elle a en partie alimentée, de « transfuge de classe » qui se serait arrachée au petit prolétariat ouvrier d’Yvetot grâce à sa  qualité de « bonne élève » et ses succès académiques qui la conduisent à l’agrégation de lettres et au professorat, il y a peut-être une précaution à respecter avec la réalité sociologique, n’est pas Didier Eribon ou  Edouard Louis *  qui veut.

« Annie Ernaux est une féministe »

En choisissant de parler de sa vie de jeune fille , de jeune femme, sans crainte d’évoquer son initiation sexuelle dans un contexte humiliant ( Mémoire de fille) ou son avortement dans la clandestinité (L’évènement), Annie Ernaux a su mettre en lumière des épisodes difficiles qui attendaient beaucoup de femmes de sa génération, une génération d’avant 1968 et ses remises en question. A cette époque, l’auteure était déjà installée dans la vie, un métier, un mari , deux enfants … La vie rangée est progressivement remise au placard, ce qui l’amènera sans doute à l’écriture avec son premier roman Les armoires vides en 1974. Elle reprendra cette évolution vers plus de liberté  dans Les années  (2008).

Annie Ernaux , c’est le thème d’une femme dans ses bonheurs et malheurs dans une société dominée par les hommes, écrit à la première personne. Pas de doute, ces sujets parlent à la plupart de ses lectrices. Mais est-ce pour autant une auteure féministe ?

Ce n’est sans doute pas à moi, mâle hétérosexuel, d’en juger.

Mais je dois dire que j’ai été choqué du récit de Passion simple où la narratrice raconte une liaison torride avec ce jeune étranger « qui aimait les costumes Saint-Laurent, les cravates Cerruti  et les grosses voitures » (on n’en saura guère plus). Pendant ces longs mois d’une passion totale, la narratrice ne fera rien d’autre que l’aimer et l’attendre pendant ses longues absences. Rien d’autre n’occupera son esprit. N’est-ce pas un exemple d’emprise qui ne peut s’établir que dans un rapport de domination ?  La servitude est-elle plus belle lorsqu’elle est volontaire ? Ce récit d’un consentement total à la soumission est-il envisageable pour une féministe à l’heure de #MeTo ?

« Annie Ernaux est une révoltée »

Il s’agit là d’une constante dans l’évolution de l’auteur, estimant que ses origines sociales (l’épicerie d’Yvetot ) la désignent naturellement comme un des porte-drapeaux de la gauche de la gauche .

C’est de notoriété publique que l’auteure s’est engagée publiquement à de nombreuses reprises, signant en mai 2019 une tribune proclamant « Les gilets jaunes, c’est nous ! », jusqu’à sa désignation au parlement de l’Union Populaire, éphémère création dans le cadre de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. « Les rêves n’existent pas au passé. Je suis toujours révoltée. Je ne peux pas me taire » dira-t elle.

C’est une constance qui l’honore, qu’on partage ou non son attrait pour les insoumis. Mais quelle légitimité pour parler au nom des déshérités, soixante ans après avoir quitté son milieu populaire d’origine ?

A l ‘annonce de son prix Nobel, Mélenchon « pleure de bonheur » (sic) sur son compte Twitter…

*Didier Eribon (Retour à Reims) , Edouard Louis  (Pour en finir avec Eddy Belle Gueule ) ont tous les deux publié des succès de librairie qui rapportent leur jeunesse et leur sortie d’un milieu ouvrier très pauvre  grâce aux études .

Retour du parlementarisme ou quatrième tour ?

À la Une

Tout le monde l’a dit : avec ces élections législatives du 12 et 19 juin, le parlement se retrouverait au centre du jeu politique. Fini ce régime hyperprésidentiel créé par la Vème république et poussé jusqu’à la caricature par Emmanuel Macron, l’heure est maintenant à l’initiative parlementaire et à des majorités directement issues des différents courants de l’assemblée élue. Ce sont les électeurs qui auraient choisi le principe d’une assemblée sans majorité, comme si la proportionnelle était enfin reconnue.

 Mais est-ce que ça va vraiment marcher ?

Du coté de l’Elysée, pas vraiment préparé à cette perspective, la surprise a été mauvaise.

Et Macron a continué à faire du Macron : « le 26 avril j’ai été élu président sur un projet clair ». De quoi faire rire (jaune) tous ceux qui, comme moi, ont voté Macron au 2ème tour juste pour s’opposer à Le Pen. Alors après avoir cité – pour la forme – la possibilité d’un gouvernement d’Union Nationale, puis d’une hypothétique coalition dont personne ne veut, il s’est fixé sur la perspective de compromis au cas par cas.  

  Mais à ses conditions, c’est-à-dire sur son programme et avec interdiction d’augmenter les impôts ou la dette. Bref rien ne change, prééminence du Président même s’il n’a plus la majorité absolue au parlement. On se demande comment il va s’y prendre – ou comment sa première ministre qu’il n’a pas citée va s’y prendre- pour faire passer ses réformes.

Tout le monde regarde du côté de la droite LR au Palais Bourbon (qui a évité le naufrage et sauvé les meubles). On sait que le programme de Macron s’était beaucoup rapproché de celui de Pécresse qui criait même au plagiat. Et un Jean-François Coppé et et un Gaël Perdriau plaident pour un rapprochement. Mais la plupart des leaders des républicains savent qu’ils n’ont rien à gagner à soutenir Macron. Pas question de ralliement ou de coalition.

Tout le monde s’interroge sur la position du RN. Marine Le Pen savoure la bonne performance de son camp et revendique sa place de première opposante au président. Mais … Elle pense à 2027 et au brevet de respectabilité qu’elle pourrait acquérir grâce à une attitude coopérative à l’assemblée. Quelques échanges de services avec la macronie, pour désigner les vice-présidences et la présidence de l’assemblée, par exemple.

Du côté de la NUPES, chaque composante, à part le PCF, a gagné à la démarche unitaire. Mais le succès a ses limites.

Avec 133 sièges elle a de quoi peser en tant qu’opposition mais pas de quoi renverser le gouvernement par une motion de censure, encore moins de quoi porter Mélenchon au poste de premier ministre. Quel sera son positionnement dans la vie parlementaire ?     

Lorsqu’on parle de stratégie il faut regarder du côté de JL Mélenchon. Certes on ne peut résumer la NUPES à la France Insoumise, certes on ne peut résumer la FI à son leader, mais on ne peut que constater le poids considérable de son influence, malgré sa décision (qu’il regrette sans doute maintenant) de ne pas briguer de mandat.   

Et il faut suivre sur son blog ses dernières analyses. Pour lui Macron est condamné à quémander l’abstention de LR et du RN. Ses jours sont comptés et la dissolution n’est pas loin. D’où son insistance à réclamer un vote de confiance à la première ministre lors de sa déclaration de politique générale, dans l’idée de faire tomber le plus tôt possible le gouvernement. Son horizon ? « Le quatrième tour est déjà commencé ».

A le suivre, le seul objectif de la gauche est de tout faire pour bloquer toute avancée à l’assemblée qui pourrait apparaître comme favorable à Macron  et préparer de nouvelles élections, avec la même certitude : se retrouver premier ministre.

Cette obsession électorale, cette foi inébranlable dans son destin du Lider Maximo peut-elle tenir lieu de boussole pour la NUPES ? Les forces qu’elle a rassemblées peuvent-elles se résigner à suivre Mélenchon dans cette impasse ? La gauche sortirait-elle renforcée de nouvelles élections ?

Finalement ce grand retour annoncé du parlementarisme risque de faire long feu. Il ne faut pas se faire d’illusion. On n’est pas en Allemagne, ni dans les pays scandinaves. Personne, dans les travées de l’assemblée et à l’Elysée, n’a de volonté sincère de faire vivre des compromis dans l’intérêt général.

Charolais : entre canaux et pâtures

À la Une

Le week-end de Pâques s’annonçait magnifique : soleil, ciel bleu, douceur de l’air printanier. L’idée c’était de prendre le vert pas loin de chez nous, avec des circuits en vélo. A la différence des vrais amateurs de cyclo qui apprécient la pente et l’effort, ce qu’il nous faut, à nous, ce sont les véloroutes paresseuses, le long des canaux ou sur l’emplacement des anciennes voies de chemin de fer. Pari réussi, même si une petite grippe m’a empêché d’accompagner Danièle dans ses sorties en vélo et ses longues promenades avec Snoopy.
De la verdure, beaucoup de vaches dans les prés, des canaux, une ligne de chemin de fer (Givors- Paray le Monial), nous voici dans le Brionnais-Charolais.

Quatre jours à se repaître d’herbe verte en regardant brouter les vaches blanches, à observer notre chien retrouver dans son pays natal ses instincts de berger de troupeau (avec plus ou moins de succès), quatre jours à admirer les viaducs et canaux, tel a été notre programme d’un week-end pascal bien paisible et ensoleillé.

Danièle voulait retrouver un viaduc qui l’obsédait depuis que nous l’avions raté lors de notre dernière visite, un viaduc particulièrement imposant entre deux rives, entre deux tunnels, sur une ligne qui ne manquait pourtant pas de prodiges de construction. Il s’agit du viaduc de Mussy-sous-Dun

Mais bien avant le chemin de fer, c’est la voie d’eau qui a assuré le transport dans cette région centrale de la France, jusqu’à la Loire atlantique mais aussi vers la capitale. Et nous apprécions particulièrement ces paysages de canaux, de darses, de ports, de pont-canaux (ci-dessous à Digoin), d’écluses, de ponts, de chemins de halage avec leurs rideaux d’arbres.

Le canal du centre ( le plus ancien , inauguré en 1793) a permis de relier la Saône à la Loire, potentiellement Marseille à Nantes. Il traverses une région agricole bien connue du fait de ses vaches blanches : le Charolais.

Et puis, il y a la Loire toujours sauvage. Bordée de quais aux belles maisons bourgeoises dans les lieux urbanisés, laissée à ses divagations et aux oiseaux ailleurs avec parfois la mention d’un bac ou d’une pêcherie qui n’existe plus.

Dans ses vertes étendues, entre les canaux, les étangs et les rivières paresseuses, ne cherchez pas des parcelles de maïs au feuillage allongé, de colza au jaune intense au moment de la floraison, de tournesol avec ses capitules toutes orientées vers le soleil. Il n’y a que de l’herbe, de l’herbe, de l’herbe ! Je ne connais pas de terroir agricole aussi homogène. Avec ses grands troupeaux paisibles de vaches blanches, accompagnées de leurs veaux. La pâture est leur cadre de vie, à l’année, qu’il vente ou qu’il neige, l’hiver on complète avec du foin dans les parcelles, on ne les rentre qu’autour du vêlage. On est loin de l’élevage intensif. Pas loin du bio, même si beaucoup de parcelles reçoivent un peu d’engrais chimique.

Mais comme dans toutes les zones d’élevage, les prix stagnent, les marges sont faibles, le malaise est là, poussant quelques éleveurs à mettre la clé sous la porte, dès le moment où leur situation est plus fragile pour une raison ou une autre : endettement, investissements mal calibrés, accidents de troupeaux, évènements familiaux …

Mardi, nous reprenons la route du retour, après une nuit paisible auprès du Canal à Artaix, face à un ancien lavoir entouré de floraisons généreuses.

Mélenchon, premier ministre à défaut de président ?

À la Une

Tout le monde est d’accord, il a fait une campagne efficace, gagnant 5à 6 % dans les derniers jours, prenant à la fois sur les autres listes de gauche (vote utile) et sur les abstentionnistes. Mais il lui a manqué moins de 500 000 voix pour figurer au 2ème tour. Mélenchon aurait pu se lamenter comme en 2017, accuser les autres mais le leader a une meilleure idée : Inventer un 3ème tour de la présidentielle avec les législatives du 12 et 19 juin.

L’idée c’est qu’on pourrait avoir une majorité d’opposition à l’assemblée qui forcerait le (ou la) président (e) à nommer un premier ministre de gauche (Mélenchon par exemple). Ça s’appelle la cohabitation, comme Balladur en 1986, comme Chirac en 1993 sous la présidence Mitterrand ou Jospin en 1997 sous la présidence Chirac.

Première remarque : Ces cohabitations ont été permises par une déconnexion entre la présidentielle (qui intervenait alors au bout de 7 ans) et les législatives (au bout de 5 ans). Depuis la réforme du 2 octobre 2000, les législatives et la présidentielle ont la même fréquence (5 ans) et les législatives sont organisées dans la foulée de la présidentielle. Elles ont donnée systématiquement un avantage – et un avantage important – au camp du vainqueur de la présidentielle. On pourrait espérer un miracle mais l’histoire récente n’est pas favorable à une hypothèse de victoire de l’opposition.

Deuxième remarque : Les élections législatives se font localement sur des noms dans 560 circonscriptions qui sont autant de terrains différents. En 2017, les listes Macron, avec le renfort du Modem avaient raflé la mise avec 350 élus, le Parti Socialise, majoritaire sur la période 2012-2017, n’obtenait que 30 sièges. La France insoumise comptait 17 élus, le Parti communiste français 11 et le Front national 8. Les négociations à gauche avaient été compliquées, les insoumis ne s’engageant vraiment qu’avec le PCF (qui faisaient candidature présidentielle commune avec Mélechon). Le PS avait offert des possibilités aux écologistes d’EELV, sans succès, vu que beaucoup de ses sortant étaient passés chez Macron. EELV n’a finalement eu aucun député.

Cette fois-ci la France Insoumise forte de son succès national, veut dicter ses conditions : les -rares candidats choisis dans la gauche écologique et sociale – devraient adhérer à un programme inspiré de l’Avenir en Commun (le mantra des insoumis), ils devraient respecter une discipline de vote une fois à l’assemblée et devraient présenter des excuses publiques pour avoir dit du mal de Mélenchon (!). Et de toute façon le Parti Socialiste en est exclu -définitivement, a précisé Mathilde Pannot, la chef du groupe insoumis à l’assemblée. Une manière étrange de vouloir rassembler la gauche écologique et sociale. Bref : tous derrière l’étendard des insoumis, je veux voir qu’une tête.  

Troisième remarque : Dans ses déclarations, Mélenchon nous appelle à l’élire premier ministre. Le coup politique a peu de chance de succès. Mais d’un seul coup, il se présente comme seul recours, face à un Macron ou même à une Le Pen élue présidente, (apparemment, l’un ou l’une, c’est un détail pour lui), il a la prétention de dominer, à lui tout seul, tout l’éventail de la gauche. Oubliés les 50% de ses voix qui ont voté utile mais qui auraient préféré voter écologiste, communiste, ou social-démocrate. Le rouleau compresseur insoumis est en marche.

Alors, assez des calculs foireux de Mélenchon ! Votons pour des candidats que nous choisissons selon nos convictions. Et agissons pour une recomposition de la gauche qui soit respectueuse de chacun. La gauche n’est pas morte, quand on regarde au-delà de nos frontières, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, souvent dans des coalitions particulières.

Mais pour l’instant, ne sautons pas les étapes. Dimanche faisons barrage à Le Pen , éloignons ce danger mortifère pour notre démocratie, notre état de droit. Pas d’autre choix efficace que :

VOTEZ MACRON !

2017 – 2022 : Bis repetita ?

À la Une

Au soir du premier tour c’est la même photo : Macron, Le Pen, Mélenchon, trois candidats au premier plan, tous les trois un peu plus hauts, par rapport à la photo de 2017, malgré l’abstention plus importante.

Même dilemme : faire barrage ou s’abstenir, même hésitation des insoumis. Mêmes reproches adressés aux autres candidats de gauche qu’ils avaient pourtant méprisés.

Sur la photo en arrière-plan les déçus : Zemmour, et Jadot. Et des fantômes : Pécresse, Hidalgo, Roussel (qui avait rêvé mieux pour les communistes). Mais des fantômes (LR, EELV, PCF) qui sont encore très implantés dans des régions, des départements, des grandes villes… (les communistes de moins en moins)

Même scenario pour le second tour ? Non! Maintenant la situation est bien plus grave, car MLP a des réserves de voix et Macron ne peut pas invoquer le bénéfice du doute (« ni droite, ni gauche»? ). Son programme annoncé pour le premier tour est vraiment à droite (retraite à 65 ans, contreparties pour le RSA, vers une école néo-libérale), ce qui rendra plus difficile le front républicain.

Malgré tout, je n’hésiterai pas : pour faire barrage à MLP, je voterai Macron, la mort dans l’âme. L’urgence de la lutte pour le climat et la justice sociale devront, hélas, attendre, à un moment où le GIEC nous donne à peine trois ans pour inverser la course vers la catastrophe. Il faudra compter sur les initiatives , les mobilisations pour avancer.

Et après ?

Nous aurons à voter pour les législatives.  

Question : la gauche désunie saura-t ’elle se reprendre ? Les Insoumis sauront-ils tendre la main aux autres formations pour des alliances de terrain. Ou bien profiteront-ils de leur score national pour faire cavalier seul (malgré une très faible implantation locale). La tonalité du discours de Mélenchon pencherait plutôt pour la posture dominatrice (l’Union Populaire, seule issue).
C’est que la gauche n’est pas morte quand on additionne les voix : près de 32% quand les derniers sondages donnaient 26,5 pour toutes les listes. Elle pourrait peser au parlement.

Nous vivons une période de dépérissement de la forme parti (même s’il ne faut pas mettre dans le même sac PS, EELV et PCF). Mélenchon, depuis dix ans, a tout misé sur la forme mouvement dans une vision populiste de gauche. C’est une démarche assumée et théorisée par des penseurs comme Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, qui s’éloigne des approches classiques d’alliance pour conquérir le pouvoir et qui prône un rassemblement autour d’un leader charismatique.
Les Insoumis pourront-ils aller plus loin sans alliance ? Ce mouvement pourra-t-il faire l’impasse sur l’absence de cadres intermédiaires, sur l’absence consécutive de démocratie interne (deux caractéristiques qui faisaient la force dans la durée des partis traditionnels) ?

Entendrons-nous en 2027 la même rengaine : 2017 : il nous a manqué 600 000 voix – 2022 : il nous a manqué 500 000 – combien en 2027 ?

Et question subsidiaire : que deviendra le vieux leader ? Je parie pour une quatrième candidature…

Galice ou Toscane ?

À la Une

Ce début mars on allait retrouver nos amis en Charente pour un tour en Camping-car . L’idée c’était direction La Galice, au Nord-ouest de l’Espagne. On nous avait prévenu : la Galice c’est un peu la Bretagne de la péninsule ibérique, quand le temps est à la pluie, ça ne fait pas semblant. Un coup d’oeil aux prévisions sur 15 jours ne me rassurait pas – une belle succession de dépressions. Alors nous voici partis à la recherche (avec les prévisions moyen terme de l’ECMWF de Reading) de zones géographiques exempte de pluie. Résultat des courses : la Toscane ! C’est à dire à l’exact opposé de notre objectif initial : la Corogne.

Première étape dans le Languedoc : Gruissan ! Je ne compte pas le nombre de fois que nous avons frôlé ce pays d’étangs, de lagunes, de canaux, sans jamais dévier de l’autoroute A9. Quelle erreur !

Nous n’avons pas regretté cette étape, une idée de Danièle, un souvenir de cinéma : 37°2 le matin. À Gruissan sur la plage des Chalets, Zorg, 34 ans, est un homme à tout faire, chargé des réparations et de l’entretien d’un groupement de petites maisons, au milieu de nulle part. Vivant dans un bungalow sur pilotis, il rencontre Betty, une jeune femme jolie, impulsive et incontrôlable , avec qui il vit une histoire d’amour sensuelle et passionnée.

Ce quartier des Chalets nous l’avons trouvé à peine changé par rapport à ses plans initiaux, un des premiers grands lotissements populaires en bordure de mer de l’immédiat après-guerre. Et fidèle aux souvenirs cinématographiques de Jean-Mi.

Mais l’Italie est encore loin ! Passé la Camargue, Arles et Aix-en-Provence, les autoroutes françaises puis italiennes nous amènent dans ces côtes escarpées de la Riviera, alternant les passages dans l’arrière-pays, les littoraux et surtout une multitude de tunnels, de viaducs. Il faut dépasser Gênes (et son pont Morandi tout neuf) pour trouver un paysage moins accidenté et se rapprocher des grandes plages de Follonica. Un soir, au bout de 3 jours d’autoroute, nous arrivons enfin derrière les pinèdes qui longent ici la Toscane méditerranéenne.

Un cycliste rencontré sur le parking, aussi camping-cariste, nous tuyaute sur les spots intéressants : L’Ile d’Elbe , le golfe de Baratti où nous pourrons passer la nuit face à la mer dans un parking désert en cette saison.
La saison, justement, en ce mi-mars la plupart des campings sont fermés (à la grande déception de Christiane très attachée à sa douche quotidienne) et l’Ile d’Elbe est peu accueillante avec un petit vent du Nord (office du tourisme en vacance, musée Napoléon fermé le mardi, restent la plage Le Viste au pied de la résidence d’exil de l’empereur, la Palazzina dei Mulini et un petit resto sympa, Al Pescator sur la piazza della republica). Au retour, sur le Ferry (dédié à Batman, c’est le thème de sa déco) une silhouette étrange nous surprend dans le vent et les nuées.

Mais quelle Toscane voulons-nous ? Christiane et Jean-mi ont leur projet : Pas question de « faire » la toscane, sans visiter Sienne, Florence, San Giminiano, Volterra et plus loin, les Cinque Terre. Nos envies sont plus proches de la nature : éviter les villes, explorer les sentiers, les terroirs au gré de nos découvertes. Alors on se sépare avec des rendez-vous pour se retrouver.

Sur la plage du Molino, nous découvrons cet édifice qui se dresse face à la mer, accolé à un étrange port et un circuit de canaux.

Renseignement pris auprès d’un marin occupé dans sa petite embarcation. Il s’agit d’un moulin qui fonctionne grâce au débouché sur la mer d’un important canal de drainage. Un habitante nous explique le plan de bonification de l’archiduc de Toscane Léopold II de Médicis. La Maremme, qui doit son nom à son caractère marécageux et donc insalubre, fit l’objet d’un grand plan d’aménagement et d’assèchement au XIXème siècle puis sous le régime de Mussolini pour en faire une région agricole prospère.

Cette côte tyrhénienne est une alternance de longues plages adossées à des pinèdes et de falaises rocheuses entrecoupées de golfes accueillants. Nous avons passé deux jours du coté de Baratti.

Au départ du port de Baratti, le sentier de grande randonnée Volterra-Piombino nous avait été présenté comme un parcours facile, autrefois parcouru à cheval. Sur cette section il longe tout le long des falaises vertigineuses et il n’est pas bien entretenu : rambardes cassées, arbres abattus en travers du chemin, murets écroulés, au-dessus des précipices . Au final une étape éprouvante avec des points de vue saisissants.

Le rendez-vous suivant nous amène vers l’intérieur des terres au coeur de ces colline metallifere exploitées pour leurs minerais dès les premiers étrusques. Les paysages sont encore hivernaux, ici la Toscane apparaît moins riante, plus sévère et plus pauvre que sur les guides touristiques.

Notre point de rencontre se situe sur le parking de l’abbaye de San Galgano, fondée au XIIème siècle par les Cisterciens

pour célébrer le chevalier Galgano qui s’était converti après une jeunesse dissolue, et s’était retiré ici en pénitence. En signe d’humilité et d’abandon de sa vie passée, il aurait voulu briser son épée sur le roc, mais celle-ci s’y serait enfoncée, formant ainsi une croix. Cette dernière est toujours présente, très rouillée et désormais protégée sous une chasse de plexiglas.
La petite fondation prend rapidement une grande ampleur dans l’ensemble de la Toscane , jusqu’à son dépérissement au XVIIème siècle et l’écroulement de son clocher et de sa toiture. Les ruines , bien stabilisées, sont une vrai merveille.
A la veillée nos amis nous rapportent leur périple : Sienne, San Giminiano, Voltera. Florence sera pour la suite.

Pour notre part, nous poursuivrons notre périple campagnard, à travers le pays du Chianti. Castellina en est le chef-lieu. Nous nous garons auprès du parking du marché très fréquenté ce dimanche. Danièle, fait le plein d’artichauts (petits violets à poêler ), de rapa (brocoli-rave qu’on ne trouve couramment qu’en Italie), des tomates de plein champ de la Basilicate et de radicchio rosso (une chicorée rouge d’hiver).

En ce week-end de mars beau mais venté, la place du village est envahie de bikers en goguette,

qui apprécient les petites routes sinueuses de la région, regroupés autour du monument qui célèbre le Gallo Nero , le signe de qualité des meilleurs chianti. Dans les ruelles du village, à coté de quelques maisons prestigieuses de négoce de grands crus, de nombreuses échoppes proposent un choix de vin mais c’est surtout les restaurants, les galeries d’art et les boutiques de souvenirs qui pullulent en attente des touristes encore peu nombreux à cette époque de l’année.

La vigne est partout, c’est elle qui apporte sa prospérité à cette Toscane agricole.

Sans oublier l’olivier. Les plantations – récentes, 20 à 30 ans, c’est l’enfance, vue la longévité de l’arbre – ont colonisé la moindre colline. L’huile toscane se classe dans les catégories premium et contribue à faire de l’Italie le second producteur au monde après l’Espagne, malgré la menace de Xilella Fastidiosa, une bactérie qui ravage les plantations des Pouilles

Les deux camping-cars se dirigent maintenant vers Florence, plus précisément Fiesole sur les hauteurs au-dessus de l’agglomération. Un point de vue saisissant sur la plaine, mais un piège de ruelles, de pentes abruptes, de tournants en épingles à cheveux très inconfortable pour la circulation en camping-car. Le seul camping signalé est fermé pour travaux et les quelques parkings annoncés ne sont pas adaptés. Ce n’est pas un endroit pour nous.

Devant ces difficultés, nous prenons la fuite vers l’arrière-pays, le lac de Bilancino aprés San Piero a Sieve, une retenue artificielle. Ciel bleu, palmiers sur les plages, grandes prairies le long du rivage, de quoi contenter notre chien Snoopy qui s’est engagé dans des courses poursuites sans fin avec une congénère aussi agile que lui. Le lendemain nous reprenons la route pour nous rapprocher du retour.

Nous avons tous apprécié ces vacances Toscanes mais c’est sans doute Snoopy qui en a tiré le plus de satisfaction . Pour ses premières vacances en Camping-car c’est une réussite !

Danièle en a fait un compte-rendu, sur un ton plus personnel, sur son blog Les mots Justes

Presidentielle 2022

À la Une

Vote utile : Pour qui , pour quoi ?

C’est une petite musique que l’on entend dans les médias, portée par la France Insoumise. La gauche divisée n’a aucune chance de marquer ces élections à part le candidat Mélenchon en hausse dans les sondages et susceptible de se qualifier au second tour pour peu que l’électorat de gauche abandonne les autres candidats.

Le vote Mélenchon serait le seul vote utile quand on est de gauche. Cette notion de « vote utile » mérite d’être examinée.

Au fait : Pourquoi vote-t’on ? et surtout à cette présidentielle telle que l’a forgé la Vème république et qui n’a pas grand’chose à voir avec les mécanismes en vigueur chez nos voisins, pourtant pas plus, pas moins démocrates.

  • On vote pour élire le président de son choix. Mais c’est un peu théorique. Chacun d’entre nous peut s’interroger en regardant en arrière. Combien de fois notre candidat préféré s’est -il retrouvé finalement président ? Moi jamais, même si je me suis réjoui profondément de l’élection de François Mitterrand en mai 1981.  Je ne me souviens pas précisément de mon choix du premier tour. Sans doute Huguette Bouchardeau candidate du PSU soutenue par plusieurs organisations d’extrême gauche. Au second tour ce fut évidemment Mitterrand.
  • C’est que les votes du premier et du second tour n’ont pas la même fonction. Au deuxième tour il n’y a plus que deux candidats. Aux législatives les candidats peuvent se maintenir dès le moment qu’ils réunissent au moins 10% des électeurs inscrits, dans certains cas, ce sont 4 candidats qui restent en lice. A la présidentielle, c’est sans appel : on peut faire une troisième place brillante, on est obligatoirement éliminé. Alors on nous répète la maxime : au premier tour on choisit (le candidat le plus en accord avec ses convictions), au second tour on élimine (le candidat qu’on ne voudrait surtout pas voir président).
  • Mais les choses se compliquent. En 2002, le candidat Jospin qui sortait avec un bilan plutôt positif de cinq années à la tête du gouvernement, ne parvient pas au second tour du fait de la multiplication des candidats à gauche. Beaucoup de mes amis avaient préféré voter Taubira, Chevènement, Besancenot ou Mamère. Evidemment au second tour, c’est sûr, ils voteraient Jospin. Mauvais calcul ! C’est comme ça qu’on s’est retrouvé face à un duel Le Pen-Chirac. Du coup le premier tour ce n’est pas seulement exprimer un choix, il faut aussi penser au second tour. C’est là qu’intervient la notion de « vote utile ». Nous pouvons voter pour un candidat qui ne recueille pas totalement notre accord parce qu’il serait bien placé pour bloquer un autre candidat bien placé pour le second tour et que nous voulons absolument éliminer de la compétition.
  • Mélenchon nous explique que même si nous ne sommes pas complètement d’accord avec sa personnalité, son programme, il faut lui permettre d’accéder au second tour contre Macron qui y sera dans tous les cas. On connaît d’avance le résultat, vu le rapport de force, Macron aura une victoire écrasante quelle que soit la qualité de la campagne de Mélenchon. Alors quelle sera donc l’« utilité » de notre vote en dehors du plaisir de voir Mélenchon à la télévision à la place de Marine Le Pen ?
  • Derrière cette question se profile une autre. Dans une gauche rétrécie, désemparée à qui peut-on se fier pour reconstruire une alternative à gauche ? Sans doute pas à Mélenchon : qu’a-t-il fait de son -relatif- succès (à 19,6%) en 2017. A-t-il cherché à nouer des liens avec les autres formations à gauche, avec les verts et à la gauche de la gauche. Son obsession : la prochaine présidentielle et sa troisième candidature, quitte à s’opposer, comme aux municipales à Marseille aux listes communes et citoyennes du Printemps Marseillais
  • Je ne suis pas prêt à accorder un rôle de leader dans la recomposition de la gauche à un Mélenchon ami de Maduro, de Castro, compréhensif vis-à-vis de Poutine, s’abstenant devant la dénonciation du « génocide » des Ouigours en Chine. Son anti-américanisme, son hostilité envers l’Union Européenne sont ses seules boussoles internationales.
  • Alors, ce premier tour, je voterai selon mes convictions Yannick Jadot, car c’est le seul à incarner la lutte pour le climat et pour la justice sociale.
  • Pour le second, peu de chance, sauf miracle, de trouver Mélenchon dans les bureaux de vote. Face à Marine Lepen , en 2017 j’avais voté Macron. On pouvait avoir un doute sur le « ni gauche, ni droite ». En 2022 le doute n’est plus permis.  Je pense que j’irai à la pêche.