Voici plus de 50 ans, un livre nous annonçait « La Fin des paysans ». Quand l’ouvrage sort, en 1967, le constat dressé par Henri Mendras fait l’effet d’une bombe :
le sociologue y prédit rien de moins que la disparition de la civilisation paysanne et son remplacement par une autre, technicienne. « C’est le dernier combat de la société industrielle contre le dernier carré de la civilisation traditionnelle », prévient-il en introduction.
Que s’est-il passé depuis ? Si tout le monde s’accorde sur la place décroissante des agriculteurs dans l’économie, la société et la vie politique de notre pays, le modèle et la réalité de l’exploitation « familiale » comme base essentielle de la production agricole n’a pas vraiment été contesté. De tous les bords , de la FNSEA qui a tout intérêt à maintenir cette fiction, de la Confédération Paysanne qui milite pour le maintien et le développement d’une agriculture paysanne, de la classe politique dans son ensemble, on feint de ne pas voir une évolution qui modifie profondément les conditions de la production agricole. Pourtant comment ne pas voir ce vrai chambardement ?
Les agriculteurs : de moins en moins nombreux !
1 587 600 en 1970 ; 389 000 en 2020 : un nombre d’exploitations divisé par quatre en cinquante ans. Et ce n’est pas fini : 342 000 attendus en 2025. Premières victimes les exploitations d’élevage et généralement les petites fermes. Les chiffres ne surprennent pas, tant la tendance est connue et vérifiée sur plusieurs décennies
La part des agriculteurs exploitants dans l’emploi total ne représente en 2021 que 1,5% contre 7 ,1 % il y a quarante ans.
Les terres délaissées sont d’abord vendues aux voisins qui s’agrandissent, entraînant l’augmentation des surfaces moyennes. Entre 1970 et 2020 la superficie moyenne a augmenté de 50 ha .elle est actuellement de 69 ha (comparable à l’ Allemagne , mais 2,5 supérieur à l’Espagne, 3 fois à l’Italie). Cette croissance en taille profite aux moyennes et aux grandes exploitations.
De la ferme à la firme …
Cultiver la terre en famille est une figure maintenant largement minoritaire. Le temps est loin où le couple partageait la même activité agricole (aujourd’hui 80% des conjoints n’ont pas d’activité sur l’exploitation), où le grand-père à la retraite donnait la main aux travaux des champs et où au moins un des fils avait le statut d’ « aidant familial » .
L’agriculture « familiale » se réduit maintenant à un chef d’exploitation travaillant souvent seul (42% des exploitations en France) ou avec des salariés et associés non familiaux. Les exploitations authentiquement « familiales » ne représentent plus que 30% des exploitations et 28% de la production agricole française.
Reste la propriété foncière comme caractéristique familiale. La terre s’acquiert encore essentiellement par l’héritage. Au moment des successions, les frères et sœurs ne se satisfont plus comme jadis de l’indivision, ou de soultes au long cours lorsque le frère resté à la ferme tentait difficilement de dériver une partie des revenus vers les collatéraux. D’où le succès des outils financiers : Groupement foncier agricole GFA, société civile d’exploitation agricole SCEA, ou même société anonyme SA, SARL. Les collatéraux se comportent de plus en plus comme des investisseurs, pouvant valoriser ou même vendre leurs parts, ou exploiter via un prestataire, plutôt que de conclure des baux avec un fermier trop protégé à leur goût.
L’agriculteur désormais seul à organiser la production ne peut lui-même tout faire et maîtriser toutes les opérations.
D’où une explosion de la sous-traitance, du recours à des firmes spécialisées dans les travaux agricoles et même le conseil à la conduite de l’exploitation, sans parler de l’intervention d’acteurs en amont (coopératives, fournisseurs), ou en aval (coopératives aussi et distributeurs, labels …)
L’agriculture familiale est un modèle qui n’a plus vraiment de réalité sauf dans des secteurs particuliers : produits régionaux de qualité, élevage de montagne, petit maraîchage/horticulture, agriculture bio, qui se maintiennent et se développent à coté de ce grand chambardement.
Comment peut-on promouvoir un modèle d’agriculture paysanne et à quelle condition ? Telle est la question urgente qui se pose à tous ceux qui se sentent concernés par la production de notre alimentation.
*J’ai repris le titre d’un livre excellent : Une agriculture sans agriculteurs de François Purseigle et Bertrand Hervieu éditions Sciences Po
Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais? Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?
Danièle nous avait conseillé dans son blog de suivre l’invitation du philosophe Bruno Latour à l’auto-description proposée dans un article paru le 30 mars sur AOC :
Il s’agit de définir, en période de confinement, quelles sont les activités qui vous manquent et quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas.
Et j’ai trouvé que c’était plus intéressant de commencer par les secondes. Car l’occasion est unique de disposer d’une page blanche où il n’y aurait plus de machines à fric du sport professionnel, plus de cours de bourse, plus de pèlerinage à La Mecque ou à Lourdes, plus de safari pour riches au Kenya, plus de semaine au soleil à Saint-Domingue avec des vols low cost, plus de courses automobiles ou de publicité partout. Je les cite en vrac, je vais essayer de hiérarchiser et préciser.
Commençons par la publicité. Est-ce que ça me gêne vraiment, moi, en tant qu’individu ? Pas d’hésitation, c’est oui !
Pas une demi-heure devant la télé sans qu’on m’invite à acheter un SUV 200cv, de cette marque, de cette autre, et puis celui-ci qui est connecté, cet autre qui passe partout… Quand on sait que personne n’achète des voitures neuves sauf les entreprises et les particuliers aisés de plus de 60 ans. Les autres, plus fauchés, se rabattent sur l’occasion ou les premiers prix. Au bout du compte, on dit que ce sont 3,2 milliards € (à comparer aux 3,8 milliards de la redevance) qui partent ainsi en spot télé. Sans les pubs pour les bagnoles, TF1, M6 ou autres C 8 n’auraient plus qu’à fermer boutique. Si l’on rajoute les autres médias (les journaux papiers, la pub internet …) c’est 16 milliards. Et le double, 33 milliards, si on rajoute les autres canaux de la «communication» (marketing direct, mécénat,relations publiques …)! L’équivalent du budget de l’assurance chômage ou des dépenses de recherche-développement dans les entreprises!
Quand j’achète un yaourt Danone, c’est 15% de son prix qui part dans la pub, autant que les salaires des employés qui contribuent à sa production.
Est-ce que d’autres seraient gênés par la disparition de la pub ? Je n’en connais pas personnellement, chacun (les trois quarts des français d’après une étude) a sa petite astuce pour échapper à la pub : en profiter pour aller pisser, regarder ses mails, ou zapper sur une autre chaîne. Sur internet les bloqueurs de publicité ont un grand succès, au grand regret des annonceurs et de Google.
Sans la publicité, beaucoup de média disparaîtraient :TF1, C8, …Hanouna au chômage, qui s’en plaindrait ? En tout, pas mal d’emplois, dont beaucoup sont précaires pour les techniciens ou trop payés pour les vedettes.
Si on n’a plus la pub, il faudrait bien que les médias soient payés par les utilisateurs : la redevance (les chaînes publiques) ou l’abonnement : le modèle Canal+, les chaînes payantes, Netflix, l’information comme Médiapart. Et c’est le client, l’utilisateur qui décide et pas le système médiatico-publicitaire.
Dans le monde d’après, ces arguments devraient convaincre nos décideurs de supprimer ou de relativiser fortement la publicité. (voir l’excellent article des économistes attérés ) Eh, bien ! Non ! C’est le contraire qui se passe.
Ainsi la majorité macronienne a décidé que le sauvetage de la pub, étranglée par le confinement, était une grande cause nationale. C’est Aurore Bergé, députée LREM qui est montée au créneau.
Rapporteure générale du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, elle propose, à coté de l’autorisation d’un peu plus de pub dans les programmes, la mise en place d’un crédit d’impôt sur les dépenses de communication. Il y a urgence, d’après elle, à soutenir les médias mais aussi l’affichage, durant cette crise du coronavirus. Chaque euro dépensé viendra donc en diminution de l’impôt versé par les entreprises, donc payé finalement par les contribuables.
Les citoyens ont l’impression que la pub, c’est la condition du gratuit, mais c’est un faux-semblant. Cette pub c’est le consommateur qui la paye, c’est moi quand j’achète un yaourt Danone, c’est moi quand je paye mes impôts pour permettre que les entreprises déduisent leurs frais de pub. Tout ça pour venir polluer notre environnement immédiat : écran télé ou internet, séquences radio, couloir des métros…
Et pour sourire et vous donner des idées pour utiliser le stock de papier hygiénique et de Sopalin que vous avez dans vos placards: les autoportraits dans les toilettes d’avion de Nina Katchadourian :
Près de la moitié de l’humanité confinée ! Un fait sans précédent, une expérience sans comparaison : les épidémiologistes les plus confirmés n’ont pas de certitudes. Quelques précédents sont examinés à la loupe :
La grippe espagnole, si elle a peu généré de mesures publiques dans une Europe sortant à peine d’une guerre terrible, a fait l’objet de plans locaux aux USA. Ainsi on a pu comparer les résultats entre les différentes villes : des mortalités qui passaient du simple au triple avec un avantage pour les confinements stricts.
En 2020, en compilant les données de différents pays, les épidémiologistes de l’Imperial Collège de Londres, le centre le plus pointu en la matière, souligne l’effet du confinement : en France ce sont 2500 morts évitées au 30 mars.
Et puis l’exemple de la Chine en train de lever les barrières à l’issue d’un confinement réussi a fini de convaincre les responsables européens, puis tous ceux de la planète avec quelques exceptions. Il faut dire que la plupart des gouvernements, mal préparés, n’avaient pas beaucoup d’alternative : peu de masques, peu de tests, peu de protections, peu de lits de réanimation… Alors on revenait aux vieilles méthodes, apparues au Moyen-Age et qui finissaient par obtenir des résultats.
Mais il y a confinement et confinement ! Et le diable est dans les détails. Ainsi on a vite passé sous silence le fait que la quarantaine de Wuhan ne s’était pas réduite au slogan « Restez chez vous ! ». Les autorités chinoises ont ainsi inspecté toutes les familles du périmètre qui étaient ravitaillés de l’extérieur, diagnostiqué les malades pour les isoler dans des hôtels transformés en centres d’isolement, multiplié les test …
Une quarantaine très active sans se cantonner comme en France aux contrôles policiers sur la voie publique, comme on sait bien faire dans notre cher pays démocratique. Une efficacité qui inspire d’ailleurs à nos responsables et commentateurs officiels français des sous-entendus à peine voilés, des soupçons sur le nombre réel, bien plus grand, dit-on, de morts, sur le thème « les chinois nous ont menti ! ». Une manière de se dédouaner face aux accusations d’impréparation qui leur sont adressés à juste titre.
Les limites du confinement
Du coup, les autorités montent en épingle les « manquements » au confinement, traquent les rassemblements, couvrent de honte les urbains réfugiés dans leur résidence secondaire…
Ils oublient que le confinement ne peut pas être total comme nous l’avons expliqué à l’épisode précédent. Les activités « essentielles » concernent entre 4 et 6 millions de salariés. Il faut bien faire tourner les hôpitaux, les centrales électriques, les circuits d’alimentation pour la population et bien d’autres activités, dont la liste s’allonge petit à petit. Nous nous sommes réjouis, par exemple, de l’annonce ce week-end de l’ouverture des jardineries pour garnir notre potager de plants de salades, de tomates, de courgettes qui seront bien utiles pour un confinement qui risque de durer…
Ces salariés qui se déplacent sur leur lieu de travail sont exposés au virus, plus (les soignants) ou moins (les jardiniers). Ils ont des familles qu’ils peuvent exposer au virus. Les porteurs sains peuvent continuer à contaminer pendant le confinement.
Le confinement « gèle » la progression de l’épidémie, il réduit les contaminations, les hospitalisations, les décès. Tout le monde s’en réjouit à juste titre. Mais il ne supprime pas l’épidémie qui ne sera vraiment éradiquée que le jour où une partie importante de la population sera immunisée ou que le jour où un vaccin efficace sera disponible. Les épidémiologistes parlent d’un délai de 18 mois, sauf si on trouve des méthodes plus actives.
Sortir du confinement
Tout le monde parle des exemples singapourien, taïwanais ou coréen qui ont obtenu des résultats très encourageants sans confinement généralisé. Le secret commun : une détection massive par test, un traçage numérique des contacts, un isolement ciblé des positifs. Les sondages montrent que les Français, les Européens sont prêts à entrer dans de tels dispositifs, en accompagnement d’un déconfinement progressif. Et puis la mise au point tant espérée de traitement devrait faire baisser les entrées en soins intensifs, les décès et ainsi relâcher la pression sur les hôpitaux. C’est pas pour tout de suite, mais il faut s’y préparer ! Pour l’instant : RESTONS CHEZ NOUS !
Ça a commencé l’été dernier en 2018, dans ce petit village du
Poitou où mon fils Andréas et son épouse Dorine ont acheté une maison ancienne,
propriété de M . Roblin, alors décédé.
Le père Roblin était assez bricoleur, à sa manière :
roi de la prise électrique dans tous les coins, y compris au fond de son
jardin, adepte du fil de fer dont il entortillait le moindre arbuste,
spécialiste des WC broyeurs, indispensables à ses yeux, en l’absence de tout à
l’égout et accro aux plaques de polystyrène expansé, sous toutes ses formes,
motifs et reliefs, du sol au plafond.
Et question installations thermiques, c’était quasiment un
collectionneur : Deux cheminées à bois dont un insert fermé, un chauffage
central au fuel avec des radiateurs dans chaque pièce et … une pompe à chaleur
(Froid/chaud) avec une unité également dans chaque pièce. Bref, un record pour
une maison qui n’est pas très grande.
Lequel de ces trois modes de chauffage allait conserver
Andréas dans son futur aménagement ? Les cheminées à bois (le combustible
ne manque pas dans ce territoire fortement rural), le chauffage central (à
condition de remplacer la vieille chaudière au fuel par une plus récente
consommant des granulés de bois), la pompe à chaleur (qui n’a pas à rougir de
son bilan énergétique et qui en plus du chauffage l’hiver produit de la
fraîcheur l’été) ?
Un choix radical : le poêle de masse
Eh bien ! Ni les uns ni les autres. Il avait choisi
(avant même d’examiner la situation, il en rêvait depuis longtemps) : Ce
sera le poêle de masse !
Apparemment, ça ne vous dit rien…. Si vous n’êtes pas abonné à La maison écologique, Il vous faut quelques explications. Jadis, on trouvait ce genre de chauffage dans les contrées du Nord-Est et aussi en Allemagne, ces grandes installations, souvent carrelées de faïence, avec des bancs pour se réchauffer le dos. Nos constructeurs écolos l’ont remis au gout du jour.
On fait une grande flambée au début de la journée (pas question de le faire tourner au ralenti) et la chaleur se diffuse tout au long de la journée. Ses partisans mettent en avant le rendement de la combustion qui peut utiliser toute sorte de bois, la faible émission de particules et le confort thermique. Ils oublient les inconvénients : se lever à cinq heures du matin pour espérer avoir une maison chaude pour le petit déjeuner, ne pas trop s’éloigner de l’unique source de chaleur de la maison, accepter un encombrement réel de l’espace à vivre pour caser l’installation (de 1 à 4 tonnes de matériaux accumulateurs). Et finalement un coût d’installation élevé, même en auto- construction. Bref la formule s’applique surtout aux convaincus. Et Andréas l’était pour deux malgré beaucoup d’avis négatifs autour de lui.
Il aurait pu garder un mode de chauffage complémentaire,
surtout pour les pièces distantes du poêle. Mais cette idée lui déplaisait. Ses
convictions lui interdisaient une solution mixte : non au
compromis !
La clim à la casse !
Alors les radiateurs du chauffage central sont partis à la casse, de même que la chaudière. Pour la pompe à chaleur c’était plus compliqué.
Le groupe extérieur est relié aux unités intérieures (les splits) par un réseau de tubulures qui distribue le fluide frigorifique (liquide à l’aller, gazeux pour le retour). Un fluide toxique pour l’environnement et très actif dans le réchauffement climatique : 2087 fois plus réchauffant que le CO2 ! Les 3,3 kg de gaz de l’installation « pèsent » autant que 7 tonnes de CO2, soit 40000 km en voiture moyenne, un peu plus que le tour de la terre ! Alors avant de démonter, il faut récupérer le gaz. De toute façon, c’est la loi !
Mais s’il est facile de trouver un installateur, peu d’entre
eux acceptent le rôle de désinstallateur, d’autant plus que la manipulation des
gaz réclame une formation spécifique et une attestation. En insistant Andréas a
pu trouver le professionnel adéquat. Mais il lui fallait encore se débarrasser
du matériel. C’est là que moi, son père, j’interviens.
Depuis la canicule de 2003, il devenait évident que ce genre d’épisodes se renouvellerait et s’amplifierait. On l’avait vu ensuite en 2006, en 2015, et ce n’étaient pas les dernières. Personnellement J’ai du mal à supporter ce genre de situation et l’avancée en âge n’arrangeait rien.
Lorsque ces étés torrides nous surprenaient pendant les vacances en Camping-Car, pas d’hésitation, nous grimpions en altitude. Nous avons ainsi de bons souvenirs de bivouacs au Tourmalet, au Galibier et autre Izoard.
Lorsque nous étions à la maison, pas d’autre solution que fermer les volets, calfeutrer les ouvertures, en attente du léger rafraîchissement de la nuit et du petit matin pour faire des grands courants d’air. Mais on a le sentiment que ça n’est plus à hauteur des difficultés.
Face aux canicules à venir, les bonnes pratiques d’aération
et d’isolation des bâtiments ne suffisent plus. Nous avons beaucoup investi
dans notre maison pour isoler le toit, changer les fenêtres et les volets,
installer une ventilation double flux. On en voit les effets sur la facture de
chauffage l’hiver, mais lorsque, au cœur de l’été, le thermomètre est bloqué
autour des 40°, rien n’y fait.
Alors en 2015, j’ai installé une petite climatisation dans
notre chambre, créant ainsi un point frais dans une maison surchauffée. De quoi
éloigner la perspective d’insomnies dans des nuits torrides.
Et quand j’ai su qu’Andréas voulait se débarrasser de son matériel de climatisation j’ai saisi l’occasion.
Récupérer le matériel
Alors il m’a ramené du matériel, je suis passé en prendre.
Sans que nous sachions exactement de quoi nous aurions besoin. L’inventaire
nous donnait une unité extérieure (pompe à chaleur) puissante (8kw en froid
avec 4 sorties vers l’intérieur), et deux unités intérieures (splits de 2,5 kw
chacun). Largement suffisant pour rafraîchir le bureau et le séjour. D’autant
plus que Danièle, plutôt frileuse, craignait que je transforme notre logement
en pôle Nord.
Première étape : trouver un installateur !
Il ne me fallut que quelques coups de fil pour conclure
qu’aucun installateur n’était candidat à réinstaller du matériel en réemploi.
Pour de bonnes et sans doute de mauvaises raisons :
Les bonnes : avec du matériel usagé on ne
peut pas assurer une garantie de l’installation, même si vous nous signez une
décharge.
Les mauvaises, donc les non-dîtes : Le
bénéfice de leur chantier, ils le trouvent dans leur commission sur le matériel
(ils peuvent doubler le prix des fournitures)
J’étais désespéré ; tant d’effort pour récupérer le matériel
d’Andréas, tout ça pour rien !
L’installateur, c’est moi !
Quand Clara, ma fille cadette, qui travaille dans la
construction, m’a éclairé sur un point déterminant. On peut installer une clim
soi-même à la condition de procéder à la mise en service grâce à l’intervention
d’un spécialiste gaz (qui, en général, n’assure pas lui-même l’installation).
Alors fini l’idée de laisser l’installation à une entreprise, c’est à moi de
m’y coller ; je ne peux compter que sur mes compétences, bien maigres dans
ce domaine. Mais pas de raison de ne pas y arriver !
Avec l’aide de quelques tutos sur YouTube, notamment celui de D.J Plomberie
Le plus difficile : réaliser des raccords frigorifiques (qui doivent supporter une pression de 30 bar), le dudgeon :
Ça y est je me lance : et
d’abord les fournitures. Bitubes cuivre isolés, goulottes, raccords. Avec les
outils indispensables – dudgeonnière etc., c’est déjà un budget non négligeable.
Et maintenant le chantier démarre. Je
craignais de me retrouver seul pour des travaux quelquefois difficiles :
ouvrir un passage à travers le mur extérieur, percer deux fois à travers la
dalle entre le RDC et l’étage, déployer et former des tubes semi-rigides de
plus de 5 m… Je comptais peu sur l’aide
de Danièle, plutôt hostile à la clim.
Entre la chaleur et la fraîcheur, Danièle choisit sans hésitation :
un 23° en clim lui paraît « froid » et elle proteste d’emblée. Mais
elle reconnaît aussi mon inconfort dans la canicule et, en bonne camarade, a
décidé de m’aider.
Après plusieurs jours de travaux
lourds (les percements, l’installation de goulottes) et d’autres plus minutieux
(les raccords « dudgeons », les branchements électriques),
l’installation est prête à l’épreuve du démarrage.
Le jour dit, les techniciens du gaz
débarquent avec leur matériel. Leurs doutes devant une installation effectuée
par un amateur sont vite dissipés : le test de l’Azote à la pression de 30
atmosphères démontre l’étanchéité du circuit : zéro fuite ! Il s’agit
ensuite de mettre au vide les tubulures afin d’éliminer totalement l’air et
l’humidité, avant de libérer dans le circuit le gaz emprisonné jusqu’ici dans
l’unité extérieure.
C’est ensuite le moment décisif du
démarrage des unités intérieures reliées électriquement à l’unité extérieure.
Suspense ! Les voyants passent au vert… mais au bout de quelques minutes
se mettent à clignoter et le groupe extérieur n’a pas démarré. Echec !
Rien ne marche !
Le technicien est perplexe ; il entrevoit une explication : le groupe extérieur est prévu pour quatre unités intérieures ; il peut démarrer avec trois, mais pas avec deux. Confirmation du SAV du fabricant. Il faut donc un troisième split !
Pas d’autre solution que d’en commander un supplémentaire, neuf sur internet. Au bout de quelques jours le matériel est livré, nous pouvons commencer les travaux pour installer une troisième unité.
Heureusement, j’avais prévu un troisième départ dans le passage du mur
extérieur, mais reste à tirer les tubes et traverser une nouvelle fois
la dalle séparant le RDC de l’étage, avec une belle destruction de la
paroi de la cage d’escalier.
Au bout de quelques jours, tout est
en place pour la visite du technicien. Même procédure, même contrôle
d’étanchéité. On démarre l’installation. Nouveau suspense … Et ça
recommence : les voyants passent finalement au clignotement.
Défaut de communication :
l’unité dernière génération ne communique pas avec le groupe ancienne
génération. Alors c’est mort ! Tous ces efforts pour rien ! Je suis
effondré.
Andréas avait encore deux unités
intérieures, des consoles posées sur le sol, ç’aurait pu convenir. Mais lorsque
je le contacte, il m’apprend que c’est trop tard, il vient de les brader sur le
bon coin. Impossible de retrouver l’acheteur.
Alors, que faire ?
– rééquiper toute l’installation en
neuf. Plus de 2000€ supplémentaire et envoyer l’ancien matériel à la casse.
– ou bien retrouver un split ancienne génération. Le technicien appelle quelques contacts : mission impossible !
A la recherche d’un troisième split
Par acquis de conscience je fais un
tour sur Le Bon Coin. Rien ! En élargissant avec une requête plus vague et
France entière. Bingo ! je tombe sur l’oiseau rare. Un artisan du coté de
Nantes liquide un vieux stock dont un split ancienne génération jamais
servi ! L’affaire est vite conclue, le vendeur s’occupe du transport avec
Relais Colis et j’envoie mon chèque de 120€.
L’espoir de terminer avec succès ce chantier renaît. J’attends avec impatience l’arrivée du colis. Trois jours de délai. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Colis mal identifié, disparu,retrouvé, réexpédié : au bout de 23 jours et pas mal de doutes et d’inquiétudes, le colis est arrivé à destination. Je le réceptionne. Il correspond exactement à ce que j’attendais.
RDV est pris avec le technicien. Avec les congés du mois d’août il faudra attendre 3 semaines. Trois semaines pour savoir enfin si l’installation peut fonctionner avec ce troisième split.
Le jour arrive. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : il faut vider la canalisation avant de pouvoir remplacer le split, le matériel requis n’a pas été anticipé par le technicien.
RDV une semaine plus tard, le technicien arrive avec le matériel nécessaire On essaie …Bingo, ça marche !!!
Il ne reste plus qu’à débrancher le split inadapté et rebrancher l’unité compatible.
Finalement tout marche. Au bout de trois mois de chantier avec ses avancées, ses pauses imposées, ses attentes … L’installation est vraiment puissante. Trop puissante au goût de Danièle. Rassure-toi, Danièle, on n’y aura recours qu’en cas de grosse canicule !
On ne parle plus beaucoup de la paysannerie. En France elle représente moins de 3% de la population active avec 450 000 exploitations. C’est désormais moins que le nombre de petites entreprises artisanales (<20 salarés) du bâtiment. Chaque jour 260 exploitations disparaissent mais chaque mois le nombre des exploitations moyennes et grandes augmente (au-dessus de 61 ha en 2013).
Alors qu’on ne mentionne le Salon Mondial du bâtiment nulle part ailleurs que dans les revues professionnelles, chaque année on parle de l’agriculture au moins pendant deux semaines à cheval entre février et mars avec le salon International de l’Agriculture de Paris, qui attire plus de 600 000 visiteurs.
Quelles sont les raisons de cet intérêtpersistant ?
-La plupart des français ont un grand-père , un arrière-grand-père (ou plus loin encore) agriculteur dans un pays qui est resté agricole plus longtemps que ses voisins européens.
-Chaque jour les produits agricoles se rappellent à notre souvenir dans nos assiettes dont le contenu devient chaque jour un sujet de préoccupation grandissant. L’agriculture industrielle est de plus en plus mise en cause.
– La place des appellations, des labels, des indications géographiques constitue une exception française sur la planète. « Un pays qui produit plus de 365 sortes de fromages ne peut pas perdre la guerre ! » disait le Général de de Gaulle. En fait on en recense 1200.
-L’agriculture est concernée au premier chef par l’usage et l’entretien de l’espace rural qui occupe 70% de l’espace national contre 57% en moyenne européenne. C’est l’avenir de nos paysages, nos champs, nos forêts, nos montagnes, nos chemins, nos étangs qui est en jeu.-L’agriculture française avec 75 milliard d’€ est la première puissance agricole dans l’Union Européenne. Cependant cette domination s’amenuise chaque année notamment au niveau des exportations agricoles. De premier exportateur, elle est passée en troisième place derrière les Pays-Bas et l’Allemagne. L’Union Européenne est de moins en moins un dispositif de protection et de régulation. Ce qui introduit des notions de concurrence internationale (dans les marchés mondiaux et même à l’intérieur de l’Union Européenne) et des notions de compétitivité.
– Si l’agriculture se porte plutôt bien, beaucoup d’agriculteurs rencontrent des difficultés au niveau du revenu, avec de fortes variations selon les années, selon la météo, selon les productions, selon le type d’exploitation.
La Commission des comptes de l’agriculture nationale a dévoilé ce jeudi 14 décembre ses prévisions pour l’année 2017. Elles indiquent une hausse du revenu agricole de + 22,2 %. Cette augmentation intervient après une année 2016 catastrophique (- 29 % de baisse du revenu) et n’est pas encore suffisante pour rattraper le niveau précédent. Les secteurs gravement touchés par la crise de 2016 reprennent pied : la production de céréales est en hausse mais pas les prix ; en revanche ceux du lait augmentent. Quant à la viticulture, elle connaît une baisse des récoltes. Enfin, le prix des pommes de terre s’effondre.(ex Terre.netMedia 14 déc. 2017.
Alors tout le monde s’interroge sur l’avenir de l’agriculture et des agriculteurs.
Dans le Berry
Je reviens d’un séjour dans les grandes cultures du Cher. Ce n’est pourtant pas la Beauce, championne de la grande culture, mais ça s’en rapproche : 115 ha en moyenne par exploitation (contre 55 au niveau national). On voit encore des bosquets, des haies mais ils deviennent de plus en plus espacés autour de parcelles qui comptent des dizaines, voire des centaines d’ha. Les fermes grandissent au fur et à mesure des départs, des abandons des fermes voisines qui sont vite rachetés par un plus gros. Les terres sont regroupées, mais les bâtiments, désormais inutiles, restent abandonnés (photo ci-dessus), voire rasés pour installer des éoliennes. Les bourgs ruraux ont du mal à maintenir leur population, leurs commerces et leurs services, sauf ceux qui ne sont pas trop loin des métropoles.
On perçoit bien dans cette région que cette désertification est liée à la transformation de l’agriculture. Et cette évolution n’est pas près de s’éteindre. Les grandes cultures de nos campagnes sont maintenant en compétition avec les grandes plaines de l’Argentine ou celles de l’Ukraine. L’agriculture intensive française (et sans doute européenne) a des rendements bien supérieurs mais elle est coûteuse en foncier et en intrants. Elle ne peut concurrencer les pays tiers qu’en poursuivant sa course folle aux économies d’échelle. En céréales on parle de viabilité économique autour de 500 ha. En élevage les projets de fermes aux 1000 vaches se multiplient, après l’exemple de l’Allemagne qui est beaucoup plus avancée.
A côté des grandes cultures, on peut néanmoins observer la montée de productions plus artisanales, voire même de niches, souvent liées au tourisme, qui ont plus d’atouts aux yeux de la jeune génération.
Ainsi jean, qui cultive 500ha en grande culture, a deux filles Cécile et Stéphanie. Lorsqu’il s’agit de prévoir la succession, Stéphanie n’est pas tentée de s’investir totalement dans la gestion de cette grande exploitation. A l’inverse de Cécile, elle choisit de donner la priorité aux activités périphériques : la location de gîtes et l’exploitation de truffières avec l’aide de son chien Alfi dressé à cet effet, avec beaucoup de vente directe.
Un autre Jean, un de mes amis de quarante ans, a développé, à coté de grandes productions de céréales, un vignoble qui bénéficie d’appellations (Quincy et Reuilly). Maroussia , la seule de ses trois filles intéressée par l’agriculture, n’a pas pour projet de reprendre la grande culture mais juste le vignoble. Une grande partie de la production est écoulée en vente directe ou sur les salons spécialisés. Une manière de mieux maîtriser ses débouchés.
Ainsi dans ce département très agricole, à côté des grandes cultures omniprésentes, montent des activités agricoles qui s’appuie sur des appellations : Sancerre, Quincy, Reuilly, crottins de Chavignol, moutons berrichon du Cher, souvent en lien avec la gastronomie locale. Des activités qui séduisent de jeunes professionnels.
On peut y voir les prémisses de l’évolution de l’agriculture en France.
Vers deux agricultures ?
Les grandes cultures, en compétition avec les grandes agricultures des pays tiers, ne peuvent évoluer que vers plus de surfaces, plus de mécanisation. Les petites surfaces sortent du jeu, les moyennes sont en sursis. Une certaine forme d’élevage industriel, à la recherche de rentabilité et d’économie d’échelle, a sans doute de beaux jours devant elle, malgré la mauvaise publicité auprès des consommateurs français. Mais le beurre, la poudre de lait français des futures fermes des mille vaches peuvent (s’ils ne ruinent pas leur image comme Lactalys) séduire les consommateurs chinois.
Une deuxième agriculture rassemblera des activités qui sont plus proches du consommateur intérieur : cultures bio, appellations, vente directe, AMAP. La qualité ce n’est pas seulement le respect de quelques normes d’hygiène et de composition. Elle est de plus en plus perçue comme un rapport particulier du consommateur avec le produit et le producteur.
Ces deux agricultures n’ont pas grand’chose en commun, à part le foncier sur lequel pèse la pression des grandes fermes et leur soif inextinguible d’agrandissement. Pour la seconde agriculture, le prix du foncier agricole est trop élevé, il pèse à l’excès sur son développement. Quant à la grande culture, son salut n’est pas forcément dans l’intensification des pratiques (toujours plus d’engrais, de pesticides) qui est très coûteuse pour l’exploitant et pour l’environnement.
La divergence de ces deux agricultures ne peut que s’approfondir. Il est de plus en plus difficile d’unifier socialement et politiquement ces deux mondes.
Alors, faut-il encore souhaiter longue vie au Salon de l’Agriculture ?