Ça a commencé l’été dernier en 2018, dans ce petit village du Poitou où mon fils Andréas et son épouse Dorine ont acheté une maison ancienne, propriété de M . Roblin, alors décédé.
Le père Roblin était assez bricoleur, à sa manière : roi de la prise électrique dans tous les coins, y compris au fond de son jardin, adepte du fil de fer dont il entortillait le moindre arbuste, spécialiste des WC broyeurs, indispensables à ses yeux, en l’absence de tout à l’égout et accro aux plaques de polystyrène expansé, sous toutes ses formes, motifs et reliefs, du sol au plafond.
Et question installations thermiques, c’était quasiment un collectionneur : Deux cheminées à bois dont un insert fermé, un chauffage central au fuel avec des radiateurs dans chaque pièce et … une pompe à chaleur (Froid/chaud) avec une unité également dans chaque pièce. Bref, un record pour une maison qui n’est pas très grande.
Lequel de ces trois modes de chauffage allait conserver Andréas dans son futur aménagement ? Les cheminées à bois (le combustible ne manque pas dans ce territoire fortement rural), le chauffage central (à condition de remplacer la vieille chaudière au fuel par une plus récente consommant des granulés de bois), la pompe à chaleur (qui n’a pas à rougir de son bilan énergétique et qui en plus du chauffage l’hiver produit de la fraîcheur l’été) ?
Un choix radical : le poêle de masse
Eh bien ! Ni les uns ni les autres. Il avait choisi (avant même d’examiner la situation, il en rêvait depuis longtemps) : Ce sera le poêle de masse !
Apparemment, ça ne vous dit rien…. Si vous n’êtes pas abonné à La maison écologique, Il vous faut quelques explications. Jadis, on trouvait ce genre de chauffage dans les contrées du Nord-Est et aussi en Allemagne, ces grandes installations, souvent carrelées de faïence, avec des bancs pour se réchauffer le dos. Nos constructeurs écolos l’ont remis au gout du jour.

On fait une grande flambée au début de la journée (pas question de le faire tourner au ralenti) et la chaleur se diffuse tout au long de la journée. Ses partisans mettent en avant le rendement de la combustion qui peut utiliser toute sorte de bois, la faible émission de particules et le confort thermique. Ils oublient les inconvénients : se lever à cinq heures du matin pour espérer avoir une maison chaude pour le petit déjeuner, ne pas trop s’éloigner de l’unique source de chaleur de la maison, accepter un encombrement réel de l’espace à vivre pour caser l’installation (de 1 à 4 tonnes de matériaux accumulateurs). Et finalement un coût d’installation élevé, même en auto- construction. Bref la formule s’applique surtout aux convaincus. Et Andréas l’était pour deux malgré beaucoup d’avis négatifs autour de lui.
Il aurait pu garder un mode de chauffage complémentaire, surtout pour les pièces distantes du poêle. Mais cette idée lui déplaisait. Ses convictions lui interdisaient une solution mixte : non au compromis !
La clim à la casse !
Alors les radiateurs du chauffage central sont partis à la casse, de même que la chaudière. Pour la pompe à chaleur c’était plus compliqué.
Le groupe extérieur est relié aux unités intérieures (les splits) par un réseau de tubulures qui distribue le fluide frigorifique (liquide à l’aller, gazeux pour le retour). Un fluide toxique pour l’environnement et très actif dans le réchauffement climatique : 2087 fois plus réchauffant que le CO2 ! Les 3,3 kg de gaz de l’installation « pèsent » autant que 7 tonnes de CO2, soit 40000 km en voiture moyenne, un peu plus que le tour de la terre ! Alors avant de démonter, il faut récupérer le gaz. De toute façon, c’est la loi !
Mais s’il est facile de trouver un installateur, peu d’entre eux acceptent le rôle de désinstallateur, d’autant plus que la manipulation des gaz réclame une formation spécifique et une attestation. En insistant Andréas a pu trouver le professionnel adéquat. Mais il lui fallait encore se débarrasser du matériel. C’est là que moi, son père, j’interviens.
Depuis la canicule de 2003, il devenait évident que ce genre d’épisodes se renouvellerait et s’amplifierait. On l’avait vu ensuite en 2006, en 2015, et ce n’étaient pas les dernières. Personnellement J’ai du mal à supporter ce genre de situation et l’avancée en âge n’arrangeait rien.
Lorsque ces étés torrides nous surprenaient pendant les vacances en Camping-Car, pas d’hésitation, nous grimpions en altitude. Nous avons ainsi de bons souvenirs de bivouacs au Tourmalet, au Galibier et autre Izoard.

Lorsque nous étions à la maison, pas d’autre solution que fermer les volets, calfeutrer les ouvertures, en attente du léger rafraîchissement de la nuit et du petit matin pour faire des grands courants d’air. Mais on a le sentiment que ça n’est plus à hauteur des difficultés.
Face aux canicules à venir, les bonnes pratiques d’aération et d’isolation des bâtiments ne suffisent plus. Nous avons beaucoup investi dans notre maison pour isoler le toit, changer les fenêtres et les volets, installer une ventilation double flux. On en voit les effets sur la facture de chauffage l’hiver, mais lorsque, au cœur de l’été, le thermomètre est bloqué autour des 40°, rien n’y fait.
Alors en 2015, j’ai installé une petite climatisation dans notre chambre, créant ainsi un point frais dans une maison surchauffée. De quoi éloigner la perspective d’insomnies dans des nuits torrides.
Et quand j’ai su qu’Andréas voulait se débarrasser de son matériel de climatisation j’ai saisi l’occasion.
Récupérer le matériel
Alors il m’a ramené du matériel, je suis passé en prendre. Sans que nous sachions exactement de quoi nous aurions besoin. L’inventaire nous donnait une unité extérieure (pompe à chaleur) puissante (8kw en froid avec 4 sorties vers l’intérieur), et deux unités intérieures (splits de 2,5 kw chacun). Largement suffisant pour rafraîchir le bureau et le séjour. D’autant plus que Danièle, plutôt frileuse, craignait que je transforme notre logement en pôle Nord.
Première étape : trouver un installateur !
Il ne me fallut que quelques coups de fil pour conclure qu’aucun installateur n’était candidat à réinstaller du matériel en réemploi. Pour de bonnes et sans doute de mauvaises raisons :
- Les bonnes : avec du matériel usagé on ne peut pas assurer une garantie de l’installation, même si vous nous signez une décharge.
- Les mauvaises, donc les non-dîtes : Le bénéfice de leur chantier, ils le trouvent dans leur commission sur le matériel (ils peuvent doubler le prix des fournitures)
J’étais désespéré ; tant d’effort pour récupérer le matériel d’Andréas, tout ça pour rien !
L’installateur, c’est moi !
Quand Clara, ma fille cadette, qui travaille dans la construction, m’a éclairé sur un point déterminant. On peut installer une clim soi-même à la condition de procéder à la mise en service grâce à l’intervention d’un spécialiste gaz (qui, en général, n’assure pas lui-même l’installation). Alors fini l’idée de laisser l’installation à une entreprise, c’est à moi de m’y coller ; je ne peux compter que sur mes compétences, bien maigres dans ce domaine. Mais pas de raison de ne pas y arriver !
Avec l’aide de quelques tutos sur YouTube, notamment celui de D.J Plomberie
Le plus difficile : réaliser des raccords frigorifiques (qui doivent supporter une pression de 30 bar), le dudgeon :

Ça y est je me lance : et d’abord les fournitures. Bitubes cuivre isolés, goulottes, raccords. Avec les outils indispensables – dudgeonnière etc., c’est déjà un budget non négligeable.
Et maintenant le chantier démarre. Je craignais de me retrouver seul pour des travaux quelquefois difficiles : ouvrir un passage à travers le mur extérieur, percer deux fois à travers la dalle entre le RDC et l’étage, déployer et former des tubes semi-rigides de plus de 5 m… Je comptais peu sur l’aide de Danièle, plutôt hostile à la clim. Entre la chaleur et la fraîcheur, Danièle choisit sans hésitation : un 23° en clim lui paraît « froid » et elle proteste d’emblée. Mais elle reconnaît aussi mon inconfort dans la canicule et, en bonne camarade, a décidé de m’aider.
Après plusieurs jours de travaux lourds (les percements, l’installation de goulottes) et d’autres plus minutieux (les raccords « dudgeons », les branchements électriques), l’installation est prête à l’épreuve du démarrage.

Le jour dit, les techniciens du gaz débarquent avec leur matériel. Leurs doutes devant une installation effectuée par un amateur sont vite dissipés : le test de l’Azote à la pression de 30 atmosphères démontre l’étanchéité du circuit : zéro fuite ! Il s’agit ensuite de mettre au vide les tubulures afin d’éliminer totalement l’air et l’humidité, avant de libérer dans le circuit le gaz emprisonné jusqu’ici dans l’unité extérieure.
C’est ensuite le moment décisif du démarrage des unités intérieures reliées électriquement à l’unité extérieure. Suspense ! Les voyants passent au vert… mais au bout de quelques minutes se mettent à clignoter et le groupe extérieur n’a pas démarré. Echec !
Rien ne marche !
Le technicien est perplexe ; il entrevoit une explication : le groupe extérieur est prévu pour quatre unités intérieures ; il peut démarrer avec trois, mais pas avec deux. Confirmation du SAV du fabricant. Il faut donc un troisième split !
Pas d’autre solution que d’en commander un supplémentaire, neuf sur internet. Au bout de quelques jours le matériel est livré, nous pouvons commencer les travaux pour installer une troisième unité.

Heureusement, j’avais prévu un troisième départ dans le passage du mur extérieur, mais reste à tirer les tubes et traverser une nouvelle fois la dalle séparant le RDC de l’étage, avec une belle destruction de la paroi de la cage d’escalier.
Au bout de quelques jours, tout est en place pour la visite du technicien. Même procédure, même contrôle d’étanchéité. On démarre l’installation. Nouveau suspense … Et ça recommence : les voyants passent finalement au clignotement.
Défaut de communication : l’unité dernière génération ne communique pas avec le groupe ancienne génération. Alors c’est mort ! Tous ces efforts pour rien ! Je suis effondré.
Andréas avait encore deux unités intérieures, des consoles posées sur le sol, ç’aurait pu convenir. Mais lorsque je le contacte, il m’apprend que c’est trop tard, il vient de les brader sur le bon coin. Impossible de retrouver l’acheteur.
Alors, que faire ?
– rééquiper toute l’installation en neuf. Plus de 2000€ supplémentaire et envoyer l’ancien matériel à la casse.
– ou bien retrouver un split ancienne génération. Le technicien appelle quelques contacts : mission impossible !
A la recherche d’un troisième split
Par acquis de conscience je fais un tour sur Le Bon Coin. Rien ! En élargissant avec une requête plus vague et France entière. Bingo ! je tombe sur l’oiseau rare. Un artisan du coté de Nantes liquide un vieux stock dont un split ancienne génération jamais servi ! L’affaire est vite conclue, le vendeur s’occupe du transport avec Relais Colis et j’envoie mon chèque de 120€.

L’espoir de terminer avec succès ce chantier renaît. J’attends avec impatience l’arrivée du colis. Trois jours de délai. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Colis mal identifié, disparu,retrouvé, réexpédié : au bout de 23 jours et pas mal de doutes et d’inquiétudes, le colis est arrivé à destination. Je le réceptionne. Il correspond exactement à ce que j’attendais.

RDV est pris avec le technicien. Avec les congés du mois d’août il faudra attendre 3 semaines. Trois semaines pour savoir enfin si l’installation peut fonctionner avec ce troisième split.
Le jour arrive. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : il faut vider la canalisation avant de pouvoir remplacer le split, le matériel requis n’a pas été anticipé par le technicien.
RDV une semaine plus tard, le technicien arrive avec le matériel nécessaire On essaie …Bingo, ça marche !!!
Il ne reste plus qu’à débrancher le split inadapté et rebrancher l’unité compatible.
Finalement tout marche. Au bout de trois mois de chantier avec ses avancées, ses pauses imposées, ses attentes … L’installation est vraiment puissante. Trop puissante au goût de Danièle. Rassure-toi, Danièle, on n’y aura recours qu’en cas de grosse canicule !

AD MI RA TION totale pour l’esprit d’entreprise – l’ingéniosité – la ténacité – la débrouillardise – les ressources ! Pour ma part j’ai préféré déménager en Bretagne pour éviter la canicule !
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Eh bien, quelle histoire, mais heureux, en tant que vendeur Le Bon Coin de cette fameuse nouvelle clim de la dernière chance que tout se termine pour le mieux !!!! (Moi aussi j’avais un peu peur qu’elle ne
vous arrive jamais !! 😉😉 amicalement. Michel
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