Identité : Au singulier ou au pluriel ?

J’ai du mal avec ce terme qui envahit tous nos espaces : Identité visuelle, littéraire, politique, sociologique, nationale, raciale, sexuelle, genrée…

Quand j’étais gamin, au moment où on rentre au collège, au moment où on découvre le monde et la société dans laquelle on va évoluer, en matière d’identité, je ne connaissais que la carte d’identité, un document qui désigne et atteste la singularité d’un individu, et puis en mathématique les « identités remarquables » où les deux termes de chaque côté du signe = ont même valeur. Il n’était pas question que l’identité désigne l’appartenance à : un groupe, une nation, un genre ou que sais-je encore. Cette polysémie du terme est récente, elle fait florès dans tous les domaines. Cela mérite de s’y attarder.

L’identité c’est d’abord ce qui me désigne, moi, comme entité singulière, unique.

Dans la plupart des pays développés, chacun se voit associé à un numéro national d’identification qui certifie, avec la carte d’identité, que je suis bien moi.

Et la malveillance n’est jamais loin :  il peut arriver qu’on se fasse passer pour moi. Et cela peut m’attirer bien des ennuis. La loi réprime sévèrement l’usurpation d’identité  : Elle peut constituer un délit pénal, pouvant être sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, comme le précise l’article 434-23 du Code pénal. Avec internet l’usurpation d’identité peut devenir massive. 

Mais cette nécessité de prouver son identité touche aussi les objets, dès le moment où ils sont uniques. Ainsi toute œuvre d’art précieuse n’est rien sans son certificat d’authenticité. Et le processus s’invite aussi dans le domaine de la création numérique (NFT) et dans les actifs financiers :

ainsi les cryptomonnaies : Bit Coin et autres Ethereum n’auraient pas vu le jour sans le processus de certification numérique : la blockchain.  

Je citais plus haut les identités remarquables. C’est aussi dans la vie : Madeleine et Marie -Jo mes copines d’enfance étaient des vraies jumelles, j’avais du mal à les distinguer. Elles étaient identiques, presque totalement. Leur ADN est le même, ce qui complique sérieusement certaines affaires criminelles impliquant des jumeaux. En avançant en âge elles avaient pris chacune leur personnalité et les années avaient marqué différemment leurs traits. Elles étaient bien deux personnes distinctes.

Mais tous les jours, nous rencontrons des identités plus vagues, comme ces pêcheurs que j’ai croisés au cours de ma promenade le long de la rivière.

Peu m’importe de savoir s’il s’agit de Pierre, Paul ou Jacques : ce sont à mes yeux des pêcheurs qui ont en commun une caractéristique : celle de passer des heures à surveiller distraitement le bouchon qui danse sur l’eau. Une catégorie, mais qui ne livre pas la nature de chacun d’entre eux, son essence. C’est leur identité du moment, face à mon regard qui ne cherche pas à en savoir plus.

Les choses se compliquent lorsque la catégorie tend à résumer une personne ou un groupe, qu’elle tend à constituer l’essence même des individus. Je ne sais pas si Willy Schraen, le président des fédérations de chasseurs est un cinéphile passionné, un bon père de famille ou s’il est collectionneur de timbre. Quand il parle à la télévision, c’est un chasseur, c’est le chasseur, celui qui représente tous les chasseurs, l’essence même du Chasseur.

Et lorsqu’il appelle à une manifestation pour défendre la chasse, ceux qui y répondent se rassemblent pour défendre leur identité de chasseur. C’est donc un mouvement d’appartenance qui les motivent. C’est là qu’on trouve le ressort puissant qui met dans nos sociétés modernes l’identité en tête de bien des opinions et des mouvements et son besoin jamais satisfait de reconnaissance.

Ce sentiment d’appartenance, qui est d’autant plus fort qu’il est porté par une minorité qui se sent en danger, remise en cause, ne résume pas la totalité de l’individu. On peut être chasseur et militant de gauche, ou même écologiste sincère (pas seulement de façade comme l’expose le discours « vert » des chasseurs). L’individu n’est pas obligé de respecter la cohérence, il porte en lui ses contradictions. Il peut héberger plusieurs identités.

Les identités sont désormais en question sur tous les terrains. Le gamin que j’étais, ne songeait pas à se définir comme mâle, blanc et hétérosexuel, français issu d’une classe (relativement) aisée. Insouciant de ces enjeux devenus maintenant envahissants, il ne se doutait pas qu’un enfant, puis un adolescent se verrait un jour sommé par ses camarades, son entourage, de se définir dans son genre, son orientation sexuelle, sa nationalité, sa couleur de peau. Preuve d’une interrogation existencielle, une étude récente au sein d’une dizaine de lycées de Pittsburgh a révélé une incertitude croissante en matière d’identité sexuelle : 10% des élèves se déclaraient transgenres ou non binaires ou de genre incertain

Dans certains cas, la découverte de son (ses) identité(s) est une occasion de prendre conscience des discriminations, des injustices subies et de les affronter. Le mouvement LGBT+, le mouvement Black Lives Matter, le féminisme militant, en sont l’illustration avec bien d’autres

En revanche il existe des courants qui mettent en avant une identité unique, particulièrement à droite, plutôt à l’extrême droite, une identité qui surplombe tout : la nation, la race … Ces groupes se désignent eux-mêmes comme identitaires et en sont fiers. L’identité joue en l’occurrence le rôle d’un poison qui intoxique nos sociétés et visent à détruire le vivre ensemble.

Alors, laissez-nous un peu respirer, tenons à distance ces identités qui nous enferment !

Presidentielle 2022

À la Une

Vote utile : Pour qui , pour quoi ?

C’est une petite musique que l’on entend dans les médias, portée par la France Insoumise. La gauche divisée n’a aucune chance de marquer ces élections à part le candidat Mélenchon en hausse dans les sondages et susceptible de se qualifier au second tour pour peu que l’électorat de gauche abandonne les autres candidats.

Le vote Mélenchon serait le seul vote utile quand on est de gauche. Cette notion de « vote utile » mérite d’être examinée.

Au fait : Pourquoi vote-t’on ? et surtout à cette présidentielle telle que l’a forgé la Vème république et qui n’a pas grand’chose à voir avec les mécanismes en vigueur chez nos voisins, pourtant pas plus, pas moins démocrates.

  • On vote pour élire le président de son choix. Mais c’est un peu théorique. Chacun d’entre nous peut s’interroger en regardant en arrière. Combien de fois notre candidat préféré s’est -il retrouvé finalement président ? Moi jamais, même si je me suis réjoui profondément de l’élection de François Mitterrand en mai 1981.  Je ne me souviens pas précisément de mon choix du premier tour. Sans doute Huguette Bouchardeau candidate du PSU soutenue par plusieurs organisations d’extrême gauche. Au second tour ce fut évidemment Mitterrand.
  • C’est que les votes du premier et du second tour n’ont pas la même fonction. Au deuxième tour il n’y a plus que deux candidats. Aux législatives les candidats peuvent se maintenir dès le moment qu’ils réunissent au moins 10% des électeurs inscrits, dans certains cas, ce sont 4 candidats qui restent en lice. A la présidentielle, c’est sans appel : on peut faire une troisième place brillante, on est obligatoirement éliminé. Alors on nous répète la maxime : au premier tour on choisit (le candidat le plus en accord avec ses convictions), au second tour on élimine (le candidat qu’on ne voudrait surtout pas voir président).
  • Mais les choses se compliquent. En 2002, le candidat Jospin qui sortait avec un bilan plutôt positif de cinq années à la tête du gouvernement, ne parvient pas au second tour du fait de la multiplication des candidats à gauche. Beaucoup de mes amis avaient préféré voter Taubira, Chevènement, Besancenot ou Mamère. Evidemment au second tour, c’est sûr, ils voteraient Jospin. Mauvais calcul ! C’est comme ça qu’on s’est retrouvé face à un duel Le Pen-Chirac. Du coup le premier tour ce n’est pas seulement exprimer un choix, il faut aussi penser au second tour. C’est là qu’intervient la notion de « vote utile ». Nous pouvons voter pour un candidat qui ne recueille pas totalement notre accord parce qu’il serait bien placé pour bloquer un autre candidat bien placé pour le second tour et que nous voulons absolument éliminer de la compétition.
  • Mélenchon nous explique que même si nous ne sommes pas complètement d’accord avec sa personnalité, son programme, il faut lui permettre d’accéder au second tour contre Macron qui y sera dans tous les cas. On connaît d’avance le résultat, vu le rapport de force, Macron aura une victoire écrasante quelle que soit la qualité de la campagne de Mélenchon. Alors quelle sera donc l’« utilité » de notre vote en dehors du plaisir de voir Mélenchon à la télévision à la place de Marine Le Pen ?
  • Derrière cette question se profile une autre. Dans une gauche rétrécie, désemparée à qui peut-on se fier pour reconstruire une alternative à gauche ? Sans doute pas à Mélenchon : qu’a-t-il fait de son -relatif- succès (à 19,6%) en 2017. A-t-il cherché à nouer des liens avec les autres formations à gauche, avec les verts et à la gauche de la gauche. Son obsession : la prochaine présidentielle et sa troisième candidature, quitte à s’opposer, comme aux municipales à Marseille aux listes communes et citoyennes du Printemps Marseillais
  • Je ne suis pas prêt à accorder un rôle de leader dans la recomposition de la gauche à un Mélenchon ami de Maduro, de Castro, compréhensif vis-à-vis de Poutine, s’abstenant devant la dénonciation du « génocide » des Ouigours en Chine. Son anti-américanisme, son hostilité envers l’Union Européenne sont ses seules boussoles internationales.
  • Alors, ce premier tour, je voterai selon mes convictions Yannick Jadot, car c’est le seul à incarner la lutte pour le climat et pour la justice sociale.
  • Pour le second, peu de chance, sauf miracle, de trouver Mélenchon dans les bureaux de vote. Face à Marine Lepen , en 2017 j’avais voté Macron. On pouvait avoir un doute sur le « ni gauche, ni droite ». En 2022 le doute n’est plus permis.  Je pense que j’irai à la pêche.    

Salut les déconfinés -3-

À la Une

L’épidémie sous contrôle ? Ou pas ?

Après deux mois de confinement, un déconfinement très prudent, tout le monde se détend désormais. Où passer ses vacances ? Où trouver une plage ? Où faire la fête ?

Même de modestes fêtes de famille sont l’occasion d’embrassades, de bises qui claquent. Sauf une bonne partie de ceux qui, comme moi, ont dépassé les 65 ans qui se retrouvent un peu à contre-courant, cherchant à éviter les rapprochements excessifs. Ils savent -on leur répète dans tous les médias – que 90% des décès concernaient les plus de 65 ans (85% des cas mortels pour les plus de 70 ans). Les plus jeunes peuvent donc logiquement se permettre l’insouciance après les lourds sacrifices du confinement.

Et pourtant les autorités rappellent que le virus est toujours présent et que les gestes barrière sont toujours indispensables.
Nos gouvernants sont-ils vraiment exemplaires ?
Si quelques masques apparaissent à l’assemblée nationale : ici JM Blanquer et Jean Castex.

En revanche, finies les précautions, lorsqu’il s’agit de se rapprocher, montrer son affection, ses émotions vraies ou feintes, lors de la passation de pouvoirs du nouveau gouvernement.

L’exemple ne viendra pas de nos dirigeants. Alors écoutons les scientifiques :

 Le conseil scientifique ne cache pas son inquiétude, teintée d’une pointe d’exaspération. «On est frappé de la dissociation entre la connaissance des Français que le virus continue de circuler et le relâchement profond sur les mesures de distanciation sociale», déplore son président, Jean-François Delfraissy. Lors d’un «point d’étape» mercredi, alors que prend fin le 10 juillet en métropole l’état d’urgence sanitaire, plusieurs membres du conseil mis en place pour éclairer l’exécutif dans la gestion de la crise sanitaire ont tenu à marteler l’importance des gestes barrières.

En Mayenne l’épidémie connaît une progression inquiétante. Une vaste campagne de dépistage est mise en oeuvre. La Bretagne, PACA repassent dans le rouge.

L’alarme a été entendue par nos dirigeants : E. Macron annonce le port du masque obligatoire le 1er août. Pourquoi le 1er Août si c’est une mesure adaptée à une situation qui devient urgente ? Quelques jours plus tard, le premier ministre Castex rectifie le tir : ce sera finalement à partir du 20 juillet. Alors n’oublions pas les masques dans les endroits confinés (commerces, services publics, réunions) , mais aussi à l’extérieur quand les distances ne peuvent être respectées.

Mais au-delà de la perspective à court terme, on s’interroge : devra-t-on reconfiner d’ici quelques semaines comme dans la région de Barcelone, dans la région de Lisbonne ou dans un canton en Allemagne ?
Aux USA, pourtant confrontée à un redémarrage violent des décès, Donald Trump annonce inlassablement la fin proche de l’épidémie. Que se passera-t-il d’ici l’hiver ? Dans un prochain post nous ferons le tour des différentes thèses en présence

Salut les déconfinés -1-

À la Une

Economie : c’est reparti ?

Rappelons-nous : au lendemain du confinement installé le 17 mars, chacun se faisait une idée de la fin de ce mauvais passage. Ainsi le déconfinement nous ramènerait nos libertés d’aller et venir, de travailler, de fréquenter nos lieux collectifs, de voir nos amis, de partir en vacances … On connaît la suite : comment ces espoirs ont été largement relativisés par la réalité de l’épidémie.

Pour l’économie ce fut un peu pareil. Le déconfinement donnerait le signal du redémarrage de l’économie qui avait été en grande partie préservée par les mesures de soutien aux entreprises, de maintien des salariés grâce au chômage partiel… L’économie était sur pause, il suffisait de basculer sur Play pour que chacun retrouve son activité. Mais plus l’échéance se rapprochait, plus on prenait conscience que ça risquait d’être plus compliqué.  

Redémarrage : Pourquoi ce n’est pas si simple

Il faut bien se rendre à l’évidence : le virus est présent et restera présent pour un bout de temps. Si on veut éviter une seconde ou une troisième vague qui pourrait submerger de nouveau le système de santé, il faudra maintenir un dispositif important de précautions. Les restaurants, les discothèques, les concerts ne sont pas près de réouvrir. Et dans de nombreux secteurs les mesures de protection sanitaire s’opposeront à une pleine activité.  

Et puis ça dépendra des décisions individuelles des entrepreneurs, des salariés, des clients, des syndicats, de la justice. Autant il suffisait au moment de la mise en place du confinement de quelques décrets et des gendarmes postés aux carrefours, autant le redémarrage de l’économie est le résultat d’une multitude de variables souvent imprévisibles.

Les fabricants de bière ne peuvent reprendre leur pleine activité que si les bars, les restaurants, les concerts et les apéros entre amis réamorcent la demande. En attendant ils se demandent si une partie de la production ne devait pas partir aux égouts ou à la distillation.

Certaines entreprises ont une grande difficulté à organiser un process de production respectueux des gestes barrière. C’est ainsi qu’Amazon, contraint de fermer par décision de justice à la demande de la CFDT, a d’elle-même suspendu momentanément son activité en France.

A Renault Sandouville, les syndicats majoritaires (Force Ouvrière, la CFE-CGC et la CFDT) étaient en train de mettre au point un accord avec la direction pour une réouverture en toute sécurité, lorsque la CGT (un tiers des voix aux élections professionnelles) a obtenu une décision de justice (sur un défaut dans la consultation obligatoire) pour annuler la reprise. Dans bien des entreprises, la CGT, parfois à raison, en face de risques réels, parfois en application d’une ligne politique, risque de tout faire pour s’opposer à la reprise d’activité.

Mais il n’y a pas que des incertitudes. Pendant la crise un certain nombre de secteurs ont bien résisté, ou même progressé. Les services publics de base (gestion des déchets, propreté, sécurité) n’ont pas flanché. Les industries de réseau : l’eau, l’électricité, les fournisseurs internet ont assuré. Les GAFA et autres Netflix ont tiré avantage du confinement. Plus généralement le numérique s’est introduit dans tous les process de travail avec le télétravail et les services à distance. Bref, les 65% d’activité (73% en avril) assurés tout au long du confinement sont restés solides, loin de l’idée d’effondrement généralisé chère aux collapsologues. 
Mais que se passera-t-il pour les 35% (27% en avril) restants ? Beaucoup d’inconnues président au redémarrage. 

Anticiper en zone d’incertitude

Du coup, peu d’économistes se hasardent à faire des pronostics : Reprise rapide en V, stagnation durable en L …

Alors il n’est pas interdit aux économistes amateurs de faire leurs prévisions. Les miennes, en l’occurrence : A court terme, l’économie est sous la férule de l’évolution de l’épidémie. De la permanence de sa virulence dépendra la reprise qui pourrait subir un effet persistant des précautions sanitaires.  Au-delà, à moyen terme il n’y a pas de raisons que les affaires ne reprennent pas à un bon rythme, malgré certains secteurs durablement touchés comme le transport aérien, l’industrie du tourisme et celle du spectacle. En effet les habitudes de consommation dans ces domaines auront du mal à se rétablir ou à trouver un nouveau modèle.
 Il est, hélas, certain que les inégalités devant l’emploi vont se creuser et que les précaires seront les premières victimes d’une hausse prévisible du chômage

Et puis, le « monde d’après » ne pourra faire l’économie d’un examen de son développement. Quelles sont les activités essentielles ? Quelles sont les activités inutiles, voire nuisibles. Il faut notamment arrêter d’investir dans les énergies fossiles au profit de la transition énergétique. 

Salut les confinés – 16 –

À la Une

OK  Boomer ! COVID : Les seniors au centre des enjeux 

Parmi les fortes particularités de cette épidémie, à coté de sa contagiosité élevée, figure la menace qui plane sur les plus âgés. « A ce jour, on compte 25 000 morts du coronavirus en France. L’âge médian des personnes décédées est de 84 ans. Les plus de 75 ans représentent 75 % des décès. Il s’agit d’hommes à 55 %. Deux personnes décédées sur trois présentaient une autre déficience, une comorbidité, comme l’hypertension, le diabète, une pathologie pulmonaire, l’insuffisance cardiaque ou l’obésité. Les personnes de moins de 65 ans et sans comorbidité ne représentent que 2,5 % des décès.

Donc, en l’état actuel de ce que l’on sait de cette pandémie, les statistiques disent que le coronavirus tue surtout les vieux déjà malades. » C’est ainsi qu’Eric Le Boucher résume dans l’Opinion du 3 mai 2020 la situation. Un diagnostic incontournable, qui avait amené le Président Macron à laisser entendre que les « populations vulnérables » devraient prolonger leur confinement.
 Une annonce qui avait inspiré une petite musique, notamment ceux qui analysent la crise et les politiques mises en place pour combattre l’épidémie en termes de lutte entre génération.

« Sidérée par l’attaque du coronavirus contre une génération que l’on croyait éternelle (et qui se pensait telle), la société politique, civile et médicale a fait corps pour la protéger. » s’exclame Monique Dagnaud dans Slate du 1er mai

L’approche générationnelle apporte plus de confusion que de lumière. En tant que Baby boomer, je ne me sens pas solidaire des dirigeants de ma génération qui ont façonné ce monde, je ne me sens pas responsable des graves erreurs environnementales, des inégalités sociales installées à la faveur du néo-libéralisme triomphant. Je les ai combattus comme je pouvais ; mon seul regret c’est d’avoir perdu la bataille (heureusement elle n’est pas terminée).

Mais je peux être sensible à l’argument. Demander aux générations suivantes de se saborder pour sauver les anciens, est-ce légitime ?

Et puis un philosophe est venu en renfort. Pour André Comte-sponville, la liberté (d’aller et venir , rencontrer d’autres humains) la justice , l’amour, la préservation de notre planète ne sont -ils pas plus importants que la simple préservation de la vie de nos aînés ?

Et puis je m’interroge : sauver mes propres enfants d’un désastre ou bien perdre la vie. Qu’une alternative pareille, un de ces quatre jours m’échoie c’est, j’en suis convaincu, le sort de mes enfants qui sera l’objet de mon choix.

Mais je perçois bien que ces raisonnements, en termes de génération, en termes de choix personnel ne peuvent tenir lieu de boussole politique. Car il faut être capable de pousser l’hypothèse à fond et examiner toutes les conséquences.

Sommes-nous prêts à laisser libre cours à l’épidémie, à abandonner à leur sort des dizaines de milliers de citoyens âgés, à fermer les yeux sur les EHPAD en train de se transformer en mouroir, à laisser les malades graves terminer leur jours sans les soins nécessaires dans les couloirs des hôpitaux. La plupart des gouvernements démocratiques ou non, dictatoriaux ou non, (à part les ambigüités des Trump et autres Bolsonaro) ont fait le choix de préserver la santé. Pouvons-nous faire différemment ?

Et puis qui s’occuperait des petits-enfants, qui se mobiliserait dans les associations, les communes, qui prendrait le temps de la réflexion, qui cultiverait le potager pour les produits à partager avec les proches ?

Salut les Confinés -15-

À la Une

J-3 : Le déconfinement aura bien lieu le 11 mai !

 Il a fallu que le président le rappelle plusieurs fois le 6 mai, tant ses ministres essayaient d’éviter la promesse et de noyer le poisson. Pour Olivier Véran ce sera le 11 … si les résultats sont bons. Pour Jean-Michel Blanquer, ce sera selon … la bonne volonté des maires.

Jean Castex, le très discret Coordinateur national à la stratégie de déconfinement, le « Monsieur déconfinement », a même proposé devant le sénat l’établissement d’un plan de reconfinement au cas où les résultats seraient mauvais !!!

 Il faut rappeler que c’est le président, surprenant même ses ministres, qui avait annoncé la réouverture des écoles au 11 mai. Or à ce jour, quel parent peut savoir ce qu’il en sera pour sa progéniture ? Les maires, à juste titre, s’inquiètent de la mise en place des précautions figurant dans l’instruction de 63 pages qui devrait présider à l’ouverture des classes. Chacun fera comme il peut.

La même incertitude règne au Canada. Jusqu’au Premier Ministre Justin Trudeau qui « ne sait pas  » s’il enverra ses enfants à l’école au moment de la ré-ouverture.
Mais le doute ne concerne pas que les enfants. Emmanuel Macron avait laissé entendre que les citoyens les plus vulnérables (comprenez : les plus âgés) devraient prolonger le confinement. Finalement les protestations de tous bords ont eu raison du projet

A 3 jours de la date fatidique, les confinés ne savent pas vraiment qui croire et que croire. On avait d’abord (le président en l’occurrence) parlé d’un déconfinement par région. Oublié ! Puis l’idée d’une carte rouge et verte. Finalement c’est rouge, orange et vert. Mais on ne sait pas vraiment quelles en sont les conséquences à part l’ouverture possible des parcs au 11 mai et peut-être la réouverture des collèges au 18. Ou bien était-ce juste pour désigner les mauvais élèves ?

En fait, tout le monde a attendu le 7 mai pour savoir quel serait le statut de son département. Notre région Rhône-Alpes abandonne sa couleur orange inquiétante. Le rouge se concentre sur le Nord-Est du pays. Mais les trois quart verts des départements ne doivent pas se laisser aller à l’illusion que tout sera désormais comme avant.

Car l’inquiétude autour de la décision de déconfinement s’accroît. Et ce ne sont pas les épidémiologistes qui vont l’apaiser.

Une seconde vague

Ainsi l’équipe de Victoria Colizza  de l’INSERM projette [ Le Monde dans son édition du 7 mai] dans tous les cas une seconde vague entre juillet et septembre. Sa hauteur dépendra des mesures mis en place : « L’épidémie ne pourrait être contrôlée qu’à plusieurs conditions . La première est le maintien des mesures de distanciation physique. « Cela suppose que 50 % des gens restent chez eux – soit que leur activité professionnelle n’ait pas repris, soit qu’ils pratiquent le télétravail –, que les personnes âgées aient réduit de 75 % leurs contacts, et qu’il y ait une réouverture partielle (pas plus de 50 %) de différentes activités et commerces », détaille Vittoria Colizza.

Autre condition pour ce scénario : que le dispositif de dépistage, de traçage et d’isolement des cas et de leurs contacts détecte au moins 50 % des nouvelles infections. « Si 25 % seulement sont identifiés, nous aurions à affronter une seconde vague plus intense que la première, débutant fin juin avec des capacités de réanimation dépassées jusqu’en août », insiste Vittoria Colizza. La modélisatrice souligne qu’au-delà du nombre de tests disponibles, ce dispositif de traçage des contacts nécessite des ressources humaines massives afin de casser les chaînes de transmission.
Dans un scénario où l’ensemble des élèves, de la maternelle au lycée, reprendraient les cours le 11 mai, les chercheurs de l’Inserm envisagent une seconde vague épidémique, similaire à la première. Elle serait toutefois évitée en limitant à 50 % l’effectif pour l’ensemble des classes. Un retour en classe de l’ensemble des adolescents en juin aurait pour effet de submerger les services de réanimation, les nouveaux cas qui en découleraient nécessitant 138 % des capacités. »

Alors on peut penser que lorsque le président Macron a annoncé la ré-ouverture des écoles le 11 mai, il s’est engagé un peu vite et de manière imprudente.  Heureusement la réalité des faits s’est imposée en limitant l’ouverture à la seule primaire et aux élèves volontaires.

Une autre conclusion des épidémiologistes concerne les personnes vulnérables (âge et comorbidité). A défaut de prolongation du confinement, ils insistent sur la nécessité de réduire de 75%  leurs contacts en situation normale. Alors pas question pour nous, les vieux,  de repartir dans une vie sociale sans limite !
Alors, nos projets pour le déconfinement : fêter en famille les anniversaires du mois de mai (en respectant les distances)  et partir en vadrouille en Camping-Car ( dans les 100 km autorisés, le micro-tourisme nous convient bien).

Salut les confinés – 14

À la Une

Le télé-travail

Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais. Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?

S’il existe une petite révolution dans cet épisode du confinement, c’est bien celle du télétravail qui a concerné jusqu’à 5 millions de salariés. Comment les salariés concernés ont-ils vécu cette situation ? Le télétravail survivra-t-il dans le « monde d’après »? Le think tank Terra Nova a publié récemment une étude .

Le Clairon, lui, a mené son enquête dans son entourage:

  • Nora, responsable administrative dans une PME de service:
    Moi je milite depuis plus d’un an pour avoir au moins une journée par semaine en télétravail, donc je suis déjà conquise. La fermeture pour travaux de ma boite m’avait déjà fait vivre l’expérience l’été dernier. Mais comme le souligne l’étude pour bien vivre son télétravail, il faut avoir le bon matériel (c est mon cas) et pas d’enfant à domicile !! Si on doit ajouter le travail d’instit ça devient compliqué. Encore plus difficile pour les parents d’enfants en bas ages !
    Ce qui me manque le plus c’est les échanges avec les collègues, les pauses cafés, les restos le midi, la pause au parc tête d or.
    Mon patron souhaite poursuivre le télétravail aussi longtemps que nécessaire (juillet ou septembre!). Pour moi, le bon équilibre serait 2 jours a la maison et 3 jours au travail. Les négociations seront peut être plus faciles dans le futur pour y arriver. L’impact écologique serait sans doute énorme si toutes les entreprises l’adoptaient , et les trajets plus agréables sans embouteillage. On peut quand même espérer que cela fera évoluer les mentalités.
  • Mathias, informaticien chez un éditeur de logiciel :
    Entièrement d’accord avec la semaine de 4 jours dont la moitié en télétravail !J’ ai connu le télétravail (TT pour les intimes) dans mon ancienne boîte. C’est plaisant de ne pas prendre la voiture, pouvoir prendre le petit déj tranquille et ne pas être dérangé tout le temps. On gagne justement du temps sur tous les plans. D’autant plus de nous ne sommes que deux a la maison et à part le fait de recevoir des appels en même temps, ça se passe plutôt bien.
    Le revers de la médaille pour moi c’est aussi le manque de lien social et l’équipement, pas forcément de bureau ou de chaise ergonomique, pas d’imprimante, galères d’internet, etc.. .L’autre truc c est qu’au final on bosse en moyenne beaucoup plus en TT et le soir c’est peinture en ce moment [suite au déménagement ], le confinement est tout sauf reposant pour ma part !
    Au moins les entreprises un peu vieux jeu et réfractaires au TéléTravail comme la mienne se rendent compte que c est possible de faire tourner la boite quasi entièrement a distance (nous sommes éditeurs de logiciels). Et j’espère que ça restera possible dans une moindre mesure après cette crise sanitaire.
  • Mona, chargée de recrutement dans une grande institution sanitaire :
    J’ai entendu parler de cette étude hier à la télé. Personnellement, et je l’ai dit à ma responsable, je me suis bien adaptée au télétravail à 100% et maintenant que je me sens dans ma zone de confort, je voudrais en profiter pour quelques mois encore. Idéalement, j’aimerai inverser les habitudes et faire du télétravail la plupart du temps, et du présentiel ponctuellement. Je gagne 2h de trajet/jour, je ne mets pas d’alarme pour me lever, donc je finis mon sommeil tranquillement le matin sans être dérangée par un « bip bip bip… »
    Je ne me concentre que sur mon travail et je n’ai plus de perte de temps liée aux rumeurs des couloirs.(J’épargne en vêtements et chaussures ! Héhéhé je plaisante un peu). Au niveau du matériel, je suis bien équipée (téléphone pro + pc pro) et on a toujours l’assistance informatique à distance au cas de besoin. A savoir, que chez nous, le télétravail ponctuel était déjà en place, on a l’habitude. En plus, nous sommes nombreux et le campus est tellement grand, que de toute façon, je ne vois pas tout le temps les gens avec qui je travaille.
    Le seul inconvénient pour moi, c’est que je n’ai pas mon siège ergonomique et le bureau installé de façon à avoir une posture correcte. Il faut donc faire attention aux troubles musculo-squelettiques.
  • Clara est économiste chez un constructeur de maison individuelles :

Pour ma part c’est ma première expérience de télétravail, et je peux dire que j’adhère à 100%. Effectivement moins de stress le matin, j’emmène en poussette, Nolhan tranquillement, chez la nounou tous les matins. Je mets a profit mon temps de trajets bureau-maison (env. 1h/jour) pour faire du sport a la place.Je suis plus productive sur mes dossiers, je viens de terminer une maison de 230m2 en 16h de temps de travail contre pratiquement le double au bureau. (Sans cesse dérangée par téléphone/mails/collègues).
Le bonheur de pouvoir gérer son temps comme on l’entends. Pause de midi quand j’ai faim et non à 12h30! Petite sieste après le repas (15min max). Travailler portes et fenêtres grand ouverts! Mettre de la musique. Vraiment c’est une qualité de travail que je ne connaissais pas. 
Inconvénients effectivement : Manque de contacts sociaux et manque d’équipement pour ma part. Je me suis pincée le nerfs sciatique (A cause du sport) mais aussi parce que ma table est trop haute. Ou mon siège trop bas…? Et ce matin j’ai du aller au bureau de tabac avec ma clés USB pour qu’il m’imprime mes plans en A3 couleur. J’ai fais une note de frais pour 7.20€ 🙂
Malheureusement on sent bien que malgré cet essai concluant notre direction n’a pas l’air du tout favorable à une prolongation du télétravail. Covid ou pas covid…
Conclusion : il me faudrait 2 jours au bureau, 2 jours en télétravail et 3 jours de week end!!! Bien sûr. 

Salut les confinés ! épisode 13

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Le jour d’après …

Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais. Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?

Avec l’apparition de l’épidémie, avec le confinement, la formule s’est imposée, dans les médias, les cercles de réflexion et les équipes politiques à gauche surtout mais pas seulement. L’idée c’est que cette épidémie bouleverse tellement notre société (« le monde d’avant ») qu’elle va induire un changement total pour nous amener vers « le monde d’après ». La crise serait porteuse de ruptures en chaîne dans nos vies quotidiennes, dans notre manière de travailler et de produire, et dans les façons de faire de la politique et aussi de gouverner. Mais la formule, généreuse, mais trop générale, trop vague, me gêne beaucoup, car elle est porteuse de malentendus et peut-être de frustration.

Il n’y a pas de jours d’après

  • Sur la progression (ou le reflux) de l’épidémie on en sait maintenant plus. Après un ralentissement dû au confinement, le virus est présent parmi nous pour un bout de temps. Il y aura sans doute des accalmies, des vagues en retour tant qu’on n’aura pas atteint l’immunité collective (et encore, l’OMS s’interroge sur son existence…) ou la mise en œuvre d’un vaccin. Donc pas de fin proche et nette de l’épidémie mais une crise sanitaire qui s’étalera sur de nombreux mois. Pour le jour d’après,il faudra donc patienter.
  • Sur le plan économique et plus généralement sur l’évolution de nos modes de vie et la manière de conduire les affaires, à gauche et même à droite on entend nos responsables proclamer « Rien ne sera comme avant ! ».  Cette petite musique, on l’a déjà entendue. Souvenez-vous, au lendemain de la crise financière de 2008, Sarkozy, fustigeant les errements du capitalisme financier devenu fou, proclamant la fin des paradis fiscaux, promettant de mettre l’écologie au centre … Il n’a pas fallu longtemps pour un retour au business as usual

N’est-ce pas ce qui se préfigure avec les mesures du plan de relance ?

  • Les 20 milliards d’€ destinés à sauver « nos » entreprises n’iront pas aux sociétés qui ont des rapports avec des paradis fiscaux, avait promis Bruno Le Maire. Le jour même, la disposition disparaissait de la loi votée à l’assemblée Nationale !
  • Le versement des dividendes sera -t-il annulé cette année dans les entreprises qui auront reçu des aides de l’état ? Rien de sûr ! Le gouvernement les invite à de la modération … Au mieux les actionnaires devront attendre un peu leurs dividendes, à la sortie de crise.
  • Air France va bénéficier de 7 milliards d’€ d’aide.

Une aide conditionnée à des « engagements », il s’agit pour le gouvernement d’en faire « la compagnie la plus respectueuse de l’environnement au monde » … Et pour commencer rouvrir à partir du 11 mai 3 lignes régulières qui pourraient être remplacées avantageusement par des TGV en 2 ou 3 h : Brest, Bordeaux, Montpellier !  70 fois moins de CO2 ! Cherchez l’erreur !

  • L’automobile suivra avec, on s’en doute, la même compréhension des intérêts de l’entreprise.
  • Le patronat français et ses homologues européens ont mené de discrètes opérations de lobbying pour convaincre nos gouvernements d’adoucir ou de repousser l’application des mesures environnementales, d’augmenter le temps de travail etc.

Bref, en matière d’économie, le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant !

Le monde d’après… dans les esprits :

L’air du temps, ces dernières années, avait mis en avant quelques idées : des modes de vie plus respectueux de l’environnement, la protection du climat, des revenus qui dépendraient moins d’un travail rémunéré (revenu universel), la recherche du sens, surtout chez les jeunes, dans les situations professionnelles, le rejet d’activités non-essentielles, inutiles, voire nuisibles. 

La crise du coronavirus et le confinement ont fait l’effet d’une véritable leçon de choses, une véritable expérience vécue sur chacun de ces sujets, qui annoncent une vaste prise de conscience. Dans bien des domaines nous ne sommes pas prêts à revivre le monde d’avant !

Mais le changement, c’est pas automatique !

 Nous sommes tous impressionnés par la baisse de la pollution dans les villes, ces photos satellites qui nous montrent une atmosphère transparente.

La tour Eifel se détachant sur un bleu transparent   Mais que se passera-t-il après le 11 mai ? Laisserons-nous la voiture au garage ? Sortirons-nous enfin le vélo ? Trouverons-nous plus de pistes cyclables, plus sûres ?
 En 2020, le Covid19 pourrait faire baisser les émissions mondiales de CO2 de 5 à 6 % par rapport à leur niveau record de 2019. Entre 2020 et 2050, il faudrait que ces émissions baissent CHAQUE ANNÉE de 6 à 8 %/an pour que les objectifs de l’Accord de Paris soient atteints. (Source Carbon Global Projet). C’est dire qu’il faudra poursuivre l’effort

Est-ce que notre chef de bureau accordera désormais la possibilité de travailler à la maison, cette possibilité qu’il nous avait refusé régulièrement avant le COVID ? Est-ce la fin des réunions interminables, en présentiel, au profit de courtes mises au point par Skype ?

La protection sociale évoluera-t-elle vers un système qui prenne mieux en charge tous ceux qui sont dans la précarité et dans la pauvreté ?

Les hôpitaux auront-ils enfin des moyens suffisants avec des carrières plus attractives pour les soignants ?

Serons-nous plus enclins à consommer local, des produits de saison, auprès de producteurs proches ?

Notre économie saura-t-elle se convertir à plus d’autonomie, dans une globalisation maîtrisée. S’engagera-t-elle vers une transition énergétique indispensable ?

Les réponses à toutes ces questions ne nous seront pas données par la magie du jour d’après. Il faudra continuer à nous impliquer, à nous mobiliser, par nos actions individuelles, par notre participation aux associations et à la vie publique.

Salut les confinés ! -12-

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Covid : La société du spectacle en panne ?

Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais. Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?

Je poursuis la réflexion suggérée par Bruno Latour : quelles sont les activités qui nous manquent et quelles sont les activités maintenant suspendues dont nous souhaiterions qu’elles ne reprennent pas ?

Ce qui a marqué le grand public, ces derniers jours c’est l’annulation des grands évènements qui jalonnent ce printemps et ce début d’été à venir :

Le tour de France reporté en septembre, le championnat de foot à l’arrêt, Roland Garros reporté en 2021, pareil pour le festival d’Avignon, les Vieilles Charrues à Carhaix, le Printemps de Bourges : la liste est interminable. Ces reports, ou annulations ont sans doute plus marqué les français que l’annonce de la fermeture de la plupart des usines d’automobiles sur le territoire. Cette attention aux grands évènements sportifs ou culturels serait-elle la marque de fabrique de nos sociétés prospères, attachées au spectacle qu’elles donnent au grand public ?

Dans les années soixante du siècle dernier, un courant intellectuel et militant, le situationnisme avait décrit et critiqué cette société du spectacle

qui transformait en marchandise toute œuvre artistique, tout exploit sportif, tout divertissement collectif, et qui finalement s’étendait à toutes les activités de cette société capitaliste. Si les situationnistes n’ont plus d’actualité en tant que courant intellectuel, la société du spectacle, elle, a prospéré. Que diraient aujourd’hui Guy Debord, son fondateur, et ses amis devant les 22 milliards d’€ brassés par le foot professionnel européen, devant les foules qui se pressent dans les festivals, devenus une source indispensable de revenu pour les collectivités qui les accueillent ? Effectivement ces grands évènements sont devenus avant tout des machines à casch qui s’adressent avant tout à des consommateurs, et qui se sont débarrassés de toute relation à l’expérience de leur public.

Et pourtant, les meilleurs fidèles du Tour de France ne se trouvent-ils pas parmi ces amateurs -individuels ou adhérents d’un club de cyclo-tourisme- qui savent ce que c’est de cracher ses poumons dans l’ascension d’un col,

les meilleurs fans d’un concert n’ont-ils pas monté ou encouragé un orchestre de rock dans leur garage, les vrais habitués du festival d’Avignon ne se rappellent-ils pas encore de leurs cours de théâtre au lycée ou de la troupe amateur à laquelle ils ont participé ?

Les grands évènements du sport et de la culture ont à mon sens oublié ce rapport à la pratique, à l’expérience vécue de leur public. Il n’y a plus de rapport entre la vie d’un petit club de foot animé par des bénévoles et les grandes compétitions professionnelles. C’est juste devenu un spectacle pour des consommateurs.

On se prend à rêver d’un monde où les moyens colossaux du sport et de la culture seraient redirigés et disponibles pour tous les citoyens qui voudraient se perfectionner au foot, s’initier à la flute traversière ou à la pratique de l’orchestre, qui voudraient disposer d’un encadrement qualifié dans leur troupe de théâtre. Peut-être réinventer les maisons de la culture et ouvrir les stades et les gymnases aux enseignants bénévoles, aux amateurs sans perspective de compétition.

 Le business du spectacle a tout perverti. Il faudrait repartir à zéro. Alors, ce sera le jour d’après ?

Salut les confinés ! -11-

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Liberté, égalité, fraternité …mobilité !

Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais. Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?

Je poursuis la réflexion suggérée par Bruno Latour : quelles sont les activités qui nous manquent et quelles sont les activités maintenant suspendues dont nous souhaiterions qu’elles ne reprennent pas ?

Il me semble qu’en ce temps de confinement et d’immobilité, il est judicieux de nous interroger sur notre besoin de mobilité, qui apparaît, à la réflexion comme un droit fondamental de l’individu, peut-être à rajouter au fronton de nos mairies à côté des Liberté, Egalité, Fraternité.

Quand on pense à notre ancêtre, Homo Sapiens, toujours en quête de nouveaux horizons, mû par cette curiosité de découvrir ce qui se cachait derrière la ligne d’horizon. C’est ainsi qu’on l’a retrouvé finalement installé dans les moindres recoins de notre planète. La mobilité est bien une caractéristique fondamentale du genre humain.

Plus près de nous, à l’été 1989, les prémisses de la disparition du rideau de fer sont apparues en Hongrie qui avait entr’ouvert la frontière avec l’Autriche.

Les allemands de l’Est se sont précipités dans leur Trabant pour profiter de quelques jours passés à l’Ouest, des vacances bien plus passionnantes que celles proposées par le régime sur les bords de la Baltique. C’était juste quelques semaines avant la chute du mur de Berlin. Cette curiosité pour aller voir de l’autre côté, cette envie irrépressible d’échapper à l’assignation à résidence, à l’immobilité forcée, à ce confinement géant imposé à sa population, a sans doute joué un rôle important dans ce mouvement irrésistible, au moins autant que le rejet d’un état bureaucratique et policier, en plein échec économique.

De nos jours, en plein Covid19, c’est vrai que nous, les confinés, supportons mal cette restriction sévère de nos déplacements à pied, en jogging, en automobile, cette limite étroite de 1 km autour de la maison. Après les inquiétudes -démenties finalement- sur l’alimentation, après la disparition des rencontres familiales ou amicales – légèrement compensée par les Skype et autres Zoom- , l’interdiction de la mobilité pèse fortement sur notre moral. Et nous attendons tous avec impatience le jour où nous pourrons reprendre nos baskets, nos vélos, nos voitures et rencontrer nos amis sans rien demander à personne

Moi-même, tous les jours je lorgne notre camping-car posté dans notre cour, prêt à démarrer dès que le déconfinement sera annoncé. J’ai l’impression de rater le printemps et ses occasions de ballades d’autant plus désirées après ce confinement . D’ailleurs rien de mieux en matière de distanciation sociale qu’une escapade en Camping-car !

En même temps le confinement questionne nos pratiques de la mobilité. Aurions-nous imaginé ces avenues sans embouteillages, ce silence auprès des aéroports, ces images satellites où la pollution de l’atmosphère se trouvait effacée ? Nous sommes bien obligés de mettre en cause nos usages de la mobilité. Sommes-nous prêts à réduire l’utilisation de la voiture individuelle ? Sommes-nous prêts à renoncer à cet aller-retour en Suisse pour manger une fondue à Gruyère, à ce week-end improvisé à Lisbonne, à cette semaine dans une île en Thaïlande. Beaucoup de nos déplacements relèvent plus de l’agrément, voire du caprice que d’une réelle nécessité. C’est, du coup, la croissance continue du tourisme de masse qui est mise en question. D’ailleurs, à Paris, à Barcelone, à Londres, les populations s’élèvent contre l’invasion facilitée par les vols lowcost et les hébergements AirBandB.

Le tourisme débridé peut-il suspendre sa course folle et recouvrer la raison, peut-il retrouver sa vertu première : la découverte d’une autre nature, l’échange et le rapprochement des peuples, la contribution au développement ?

*On a beaucoup parlé de la pénurie de masques et de l’impréparation des autorités. Un excellent article de Politis/Bastamag reprend en détail l’historique de l’abandon d’une indispensable démarche de précaution :