Identité : Au singulier ou au pluriel ?

J’ai du mal avec ce terme qui envahit tous nos espaces : Identité visuelle, littéraire, politique, sociologique, nationale, raciale, sexuelle, genrée…

Quand j’étais gamin, au moment où on rentre au collège, au moment où on découvre le monde et la société dans laquelle on va évoluer, en matière d’identité, je ne connaissais que la carte d’identité, un document qui désigne et atteste la singularité d’un individu, et puis en mathématique les « identités remarquables » où les deux termes de chaque côté du signe = ont même valeur. Il n’était pas question que l’identité désigne l’appartenance à : un groupe, une nation, un genre ou que sais-je encore. Cette polysémie du terme est récente, elle fait florès dans tous les domaines. Cela mérite de s’y attarder.

L’identité c’est d’abord ce qui me désigne, moi, comme entité singulière, unique.

Dans la plupart des pays développés, chacun se voit associé à un numéro national d’identification qui certifie, avec la carte d’identité, que je suis bien moi.

Et la malveillance n’est jamais loin :  il peut arriver qu’on se fasse passer pour moi. Et cela peut m’attirer bien des ennuis. La loi réprime sévèrement l’usurpation d’identité  : Elle peut constituer un délit pénal, pouvant être sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, comme le précise l’article 434-23 du Code pénal. Avec internet l’usurpation d’identité peut devenir massive. 

Mais cette nécessité de prouver son identité touche aussi les objets, dès le moment où ils sont uniques. Ainsi toute œuvre d’art précieuse n’est rien sans son certificat d’authenticité. Et le processus s’invite aussi dans le domaine de la création numérique (NFT) et dans les actifs financiers :

ainsi les cryptomonnaies : Bit Coin et autres Ethereum n’auraient pas vu le jour sans le processus de certification numérique : la blockchain.  

Je citais plus haut les identités remarquables. C’est aussi dans la vie : Madeleine et Marie -Jo mes copines d’enfance étaient des vraies jumelles, j’avais du mal à les distinguer. Elles étaient identiques, presque totalement. Leur ADN est le même, ce qui complique sérieusement certaines affaires criminelles impliquant des jumeaux. En avançant en âge elles avaient pris chacune leur personnalité et les années avaient marqué différemment leurs traits. Elles étaient bien deux personnes distinctes.

Mais tous les jours, nous rencontrons des identités plus vagues, comme ces pêcheurs que j’ai croisés au cours de ma promenade le long de la rivière.

Peu m’importe de savoir s’il s’agit de Pierre, Paul ou Jacques : ce sont à mes yeux des pêcheurs qui ont en commun une caractéristique : celle de passer des heures à surveiller distraitement le bouchon qui danse sur l’eau. Une catégorie, mais qui ne livre pas la nature de chacun d’entre eux, son essence. C’est leur identité du moment, face à mon regard qui ne cherche pas à en savoir plus.

Les choses se compliquent lorsque la catégorie tend à résumer une personne ou un groupe, qu’elle tend à constituer l’essence même des individus. Je ne sais pas si Willy Schraen, le président des fédérations de chasseurs est un cinéphile passionné, un bon père de famille ou s’il est collectionneur de timbre. Quand il parle à la télévision, c’est un chasseur, c’est le chasseur, celui qui représente tous les chasseurs, l’essence même du Chasseur.

Et lorsqu’il appelle à une manifestation pour défendre la chasse, ceux qui y répondent se rassemblent pour défendre leur identité de chasseur. C’est donc un mouvement d’appartenance qui les motivent. C’est là qu’on trouve le ressort puissant qui met dans nos sociétés modernes l’identité en tête de bien des opinions et des mouvements et son besoin jamais satisfait de reconnaissance.

Ce sentiment d’appartenance, qui est d’autant plus fort qu’il est porté par une minorité qui se sent en danger, remise en cause, ne résume pas la totalité de l’individu. On peut être chasseur et militant de gauche, ou même écologiste sincère (pas seulement de façade comme l’expose le discours « vert » des chasseurs). L’individu n’est pas obligé de respecter la cohérence, il porte en lui ses contradictions. Il peut héberger plusieurs identités.

Les identités sont désormais en question sur tous les terrains. Le gamin que j’étais, ne songeait pas à se définir comme mâle, blanc et hétérosexuel, français issu d’une classe (relativement) aisée. Insouciant de ces enjeux devenus maintenant envahissants, il ne se doutait pas qu’un enfant, puis un adolescent se verrait un jour sommé par ses camarades, son entourage, de se définir dans son genre, son orientation sexuelle, sa nationalité, sa couleur de peau. Preuve d’une interrogation existencielle, une étude récente au sein d’une dizaine de lycées de Pittsburgh a révélé une incertitude croissante en matière d’identité sexuelle : 10% des élèves se déclaraient transgenres ou non binaires ou de genre incertain

Dans certains cas, la découverte de son (ses) identité(s) est une occasion de prendre conscience des discriminations, des injustices subies et de les affronter. Le mouvement LGBT+, le mouvement Black Lives Matter, le féminisme militant, en sont l’illustration avec bien d’autres

En revanche il existe des courants qui mettent en avant une identité unique, particulièrement à droite, plutôt à l’extrême droite, une identité qui surplombe tout : la nation, la race … Ces groupes se désignent eux-mêmes comme identitaires et en sont fiers. L’identité joue en l’occurrence le rôle d’un poison qui intoxique nos sociétés et visent à détruire le vivre ensemble.

Alors, laissez-nous un peu respirer, tenons à distance ces identités qui nous enferment !

Un commentaire sur “Identité : Au singulier ou au pluriel ?

  1. Belle réflexion Norbert !

    Ces identités qui nous rassurent ou nos traquent !
    Je te conseille le dernier livre de mon amie Delphine Horvilleur rabbin(e) de France

    « il n y as pas de Ajar  » Monologue contre l’identité
    A bientôt de te lire
    Affectueuses pensées
    Richard.atlan@gmail.com

    J’aime

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