Identité : Au singulier ou au pluriel ?

J’ai du mal avec ce terme qui envahit tous nos espaces : Identité visuelle, littéraire, politique, sociologique, nationale, raciale, sexuelle, genrée…

Quand j’étais gamin, au moment où on rentre au collège, au moment où on découvre le monde et la société dans laquelle on va évoluer, en matière d’identité, je ne connaissais que la carte d’identité, un document qui désigne et atteste la singularité d’un individu, et puis en mathématique les « identités remarquables » où les deux termes de chaque côté du signe = ont même valeur. Il n’était pas question que l’identité désigne l’appartenance à : un groupe, une nation, un genre ou que sais-je encore. Cette polysémie du terme est récente, elle fait florès dans tous les domaines. Cela mérite de s’y attarder.

L’identité c’est d’abord ce qui me désigne, moi, comme entité singulière, unique.

Dans la plupart des pays développés, chacun se voit associé à un numéro national d’identification qui certifie, avec la carte d’identité, que je suis bien moi.

Et la malveillance n’est jamais loin :  il peut arriver qu’on se fasse passer pour moi. Et cela peut m’attirer bien des ennuis. La loi réprime sévèrement l’usurpation d’identité  : Elle peut constituer un délit pénal, pouvant être sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, comme le précise l’article 434-23 du Code pénal. Avec internet l’usurpation d’identité peut devenir massive. 

Mais cette nécessité de prouver son identité touche aussi les objets, dès le moment où ils sont uniques. Ainsi toute œuvre d’art précieuse n’est rien sans son certificat d’authenticité. Et le processus s’invite aussi dans le domaine de la création numérique (NFT) et dans les actifs financiers :

ainsi les cryptomonnaies : Bit Coin et autres Ethereum n’auraient pas vu le jour sans le processus de certification numérique : la blockchain.  

Je citais plus haut les identités remarquables. C’est aussi dans la vie : Madeleine et Marie -Jo mes copines d’enfance étaient des vraies jumelles, j’avais du mal à les distinguer. Elles étaient identiques, presque totalement. Leur ADN est le même, ce qui complique sérieusement certaines affaires criminelles impliquant des jumeaux. En avançant en âge elles avaient pris chacune leur personnalité et les années avaient marqué différemment leurs traits. Elles étaient bien deux personnes distinctes.

Mais tous les jours, nous rencontrons des identités plus vagues, comme ces pêcheurs que j’ai croisés au cours de ma promenade le long de la rivière.

Peu m’importe de savoir s’il s’agit de Pierre, Paul ou Jacques : ce sont à mes yeux des pêcheurs qui ont en commun une caractéristique : celle de passer des heures à surveiller distraitement le bouchon qui danse sur l’eau. Une catégorie, mais qui ne livre pas la nature de chacun d’entre eux, son essence. C’est leur identité du moment, face à mon regard qui ne cherche pas à en savoir plus.

Les choses se compliquent lorsque la catégorie tend à résumer une personne ou un groupe, qu’elle tend à constituer l’essence même des individus. Je ne sais pas si Willy Schraen, le président des fédérations de chasseurs est un cinéphile passionné, un bon père de famille ou s’il est collectionneur de timbre. Quand il parle à la télévision, c’est un chasseur, c’est le chasseur, celui qui représente tous les chasseurs, l’essence même du Chasseur.

Et lorsqu’il appelle à une manifestation pour défendre la chasse, ceux qui y répondent se rassemblent pour défendre leur identité de chasseur. C’est donc un mouvement d’appartenance qui les motivent. C’est là qu’on trouve le ressort puissant qui met dans nos sociétés modernes l’identité en tête de bien des opinions et des mouvements et son besoin jamais satisfait de reconnaissance.

Ce sentiment d’appartenance, qui est d’autant plus fort qu’il est porté par une minorité qui se sent en danger, remise en cause, ne résume pas la totalité de l’individu. On peut être chasseur et militant de gauche, ou même écologiste sincère (pas seulement de façade comme l’expose le discours « vert » des chasseurs). L’individu n’est pas obligé de respecter la cohérence, il porte en lui ses contradictions. Il peut héberger plusieurs identités.

Les identités sont désormais en question sur tous les terrains. Le gamin que j’étais, ne songeait pas à se définir comme mâle, blanc et hétérosexuel, français issu d’une classe (relativement) aisée. Insouciant de ces enjeux devenus maintenant envahissants, il ne se doutait pas qu’un enfant, puis un adolescent se verrait un jour sommé par ses camarades, son entourage, de se définir dans son genre, son orientation sexuelle, sa nationalité, sa couleur de peau. Preuve d’une interrogation existencielle, une étude récente au sein d’une dizaine de lycées de Pittsburgh a révélé une incertitude croissante en matière d’identité sexuelle : 10% des élèves se déclaraient transgenres ou non binaires ou de genre incertain

Dans certains cas, la découverte de son (ses) identité(s) est une occasion de prendre conscience des discriminations, des injustices subies et de les affronter. Le mouvement LGBT+, le mouvement Black Lives Matter, le féminisme militant, en sont l’illustration avec bien d’autres

En revanche il existe des courants qui mettent en avant une identité unique, particulièrement à droite, plutôt à l’extrême droite, une identité qui surplombe tout : la nation, la race … Ces groupes se désignent eux-mêmes comme identitaires et en sont fiers. L’identité joue en l’occurrence le rôle d’un poison qui intoxique nos sociétés et visent à détruire le vivre ensemble.

Alors, laissez-nous un peu respirer, tenons à distance ces identités qui nous enferment !

Retour du parlementarisme ou quatrième tour ?

À la Une

Tout le monde l’a dit : avec ces élections législatives du 12 et 19 juin, le parlement se retrouverait au centre du jeu politique. Fini ce régime hyperprésidentiel créé par la Vème république et poussé jusqu’à la caricature par Emmanuel Macron, l’heure est maintenant à l’initiative parlementaire et à des majorités directement issues des différents courants de l’assemblée élue. Ce sont les électeurs qui auraient choisi le principe d’une assemblée sans majorité, comme si la proportionnelle était enfin reconnue.

 Mais est-ce que ça va vraiment marcher ?

Du coté de l’Elysée, pas vraiment préparé à cette perspective, la surprise a été mauvaise.

Et Macron a continué à faire du Macron : « le 26 avril j’ai été élu président sur un projet clair ». De quoi faire rire (jaune) tous ceux qui, comme moi, ont voté Macron au 2ème tour juste pour s’opposer à Le Pen. Alors après avoir cité – pour la forme – la possibilité d’un gouvernement d’Union Nationale, puis d’une hypothétique coalition dont personne ne veut, il s’est fixé sur la perspective de compromis au cas par cas.  

  Mais à ses conditions, c’est-à-dire sur son programme et avec interdiction d’augmenter les impôts ou la dette. Bref rien ne change, prééminence du Président même s’il n’a plus la majorité absolue au parlement. On se demande comment il va s’y prendre – ou comment sa première ministre qu’il n’a pas citée va s’y prendre- pour faire passer ses réformes.

Tout le monde regarde du côté de la droite LR au Palais Bourbon (qui a évité le naufrage et sauvé les meubles). On sait que le programme de Macron s’était beaucoup rapproché de celui de Pécresse qui criait même au plagiat. Et un Jean-François Coppé et et un Gaël Perdriau plaident pour un rapprochement. Mais la plupart des leaders des républicains savent qu’ils n’ont rien à gagner à soutenir Macron. Pas question de ralliement ou de coalition.

Tout le monde s’interroge sur la position du RN. Marine Le Pen savoure la bonne performance de son camp et revendique sa place de première opposante au président. Mais … Elle pense à 2027 et au brevet de respectabilité qu’elle pourrait acquérir grâce à une attitude coopérative à l’assemblée. Quelques échanges de services avec la macronie, pour désigner les vice-présidences et la présidence de l’assemblée, par exemple.

Du côté de la NUPES, chaque composante, à part le PCF, a gagné à la démarche unitaire. Mais le succès a ses limites.

Avec 133 sièges elle a de quoi peser en tant qu’opposition mais pas de quoi renverser le gouvernement par une motion de censure, encore moins de quoi porter Mélenchon au poste de premier ministre. Quel sera son positionnement dans la vie parlementaire ?     

Lorsqu’on parle de stratégie il faut regarder du côté de JL Mélenchon. Certes on ne peut résumer la NUPES à la France Insoumise, certes on ne peut résumer la FI à son leader, mais on ne peut que constater le poids considérable de son influence, malgré sa décision (qu’il regrette sans doute maintenant) de ne pas briguer de mandat.   

Et il faut suivre sur son blog ses dernières analyses. Pour lui Macron est condamné à quémander l’abstention de LR et du RN. Ses jours sont comptés et la dissolution n’est pas loin. D’où son insistance à réclamer un vote de confiance à la première ministre lors de sa déclaration de politique générale, dans l’idée de faire tomber le plus tôt possible le gouvernement. Son horizon ? « Le quatrième tour est déjà commencé ».

A le suivre, le seul objectif de la gauche est de tout faire pour bloquer toute avancée à l’assemblée qui pourrait apparaître comme favorable à Macron  et préparer de nouvelles élections, avec la même certitude : se retrouver premier ministre.

Cette obsession électorale, cette foi inébranlable dans son destin du Lider Maximo peut-elle tenir lieu de boussole pour la NUPES ? Les forces qu’elle a rassemblées peuvent-elles se résigner à suivre Mélenchon dans cette impasse ? La gauche sortirait-elle renforcée de nouvelles élections ?

Finalement ce grand retour annoncé du parlementarisme risque de faire long feu. Il ne faut pas se faire d’illusion. On n’est pas en Allemagne, ni dans les pays scandinaves. Personne, dans les travées de l’assemblée et à l’Elysée, n’a de volonté sincère de faire vivre des compromis dans l’intérêt général.

Mélenchon, premier ministre à défaut de président ?

À la Une

Tout le monde est d’accord, il a fait une campagne efficace, gagnant 5à 6 % dans les derniers jours, prenant à la fois sur les autres listes de gauche (vote utile) et sur les abstentionnistes. Mais il lui a manqué moins de 500 000 voix pour figurer au 2ème tour. Mélenchon aurait pu se lamenter comme en 2017, accuser les autres mais le leader a une meilleure idée : Inventer un 3ème tour de la présidentielle avec les législatives du 12 et 19 juin.

L’idée c’est qu’on pourrait avoir une majorité d’opposition à l’assemblée qui forcerait le (ou la) président (e) à nommer un premier ministre de gauche (Mélenchon par exemple). Ça s’appelle la cohabitation, comme Balladur en 1986, comme Chirac en 1993 sous la présidence Mitterrand ou Jospin en 1997 sous la présidence Chirac.

Première remarque : Ces cohabitations ont été permises par une déconnexion entre la présidentielle (qui intervenait alors au bout de 7 ans) et les législatives (au bout de 5 ans). Depuis la réforme du 2 octobre 2000, les législatives et la présidentielle ont la même fréquence (5 ans) et les législatives sont organisées dans la foulée de la présidentielle. Elles ont donnée systématiquement un avantage – et un avantage important – au camp du vainqueur de la présidentielle. On pourrait espérer un miracle mais l’histoire récente n’est pas favorable à une hypothèse de victoire de l’opposition.

Deuxième remarque : Les élections législatives se font localement sur des noms dans 560 circonscriptions qui sont autant de terrains différents. En 2017, les listes Macron, avec le renfort du Modem avaient raflé la mise avec 350 élus, le Parti Socialise, majoritaire sur la période 2012-2017, n’obtenait que 30 sièges. La France insoumise comptait 17 élus, le Parti communiste français 11 et le Front national 8. Les négociations à gauche avaient été compliquées, les insoumis ne s’engageant vraiment qu’avec le PCF (qui faisaient candidature présidentielle commune avec Mélechon). Le PS avait offert des possibilités aux écologistes d’EELV, sans succès, vu que beaucoup de ses sortant étaient passés chez Macron. EELV n’a finalement eu aucun député.

Cette fois-ci la France Insoumise forte de son succès national, veut dicter ses conditions : les -rares candidats choisis dans la gauche écologique et sociale – devraient adhérer à un programme inspiré de l’Avenir en Commun (le mantra des insoumis), ils devraient respecter une discipline de vote une fois à l’assemblée et devraient présenter des excuses publiques pour avoir dit du mal de Mélenchon (!). Et de toute façon le Parti Socialiste en est exclu -définitivement, a précisé Mathilde Pannot, la chef du groupe insoumis à l’assemblée. Une manière étrange de vouloir rassembler la gauche écologique et sociale. Bref : tous derrière l’étendard des insoumis, je veux voir qu’une tête.  

Troisième remarque : Dans ses déclarations, Mélenchon nous appelle à l’élire premier ministre. Le coup politique a peu de chance de succès. Mais d’un seul coup, il se présente comme seul recours, face à un Macron ou même à une Le Pen élue présidente, (apparemment, l’un ou l’une, c’est un détail pour lui), il a la prétention de dominer, à lui tout seul, tout l’éventail de la gauche. Oubliés les 50% de ses voix qui ont voté utile mais qui auraient préféré voter écologiste, communiste, ou social-démocrate. Le rouleau compresseur insoumis est en marche.

Alors, assez des calculs foireux de Mélenchon ! Votons pour des candidats que nous choisissons selon nos convictions. Et agissons pour une recomposition de la gauche qui soit respectueuse de chacun. La gauche n’est pas morte, quand on regarde au-delà de nos frontières, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, souvent dans des coalitions particulières.

Mais pour l’instant, ne sautons pas les étapes. Dimanche faisons barrage à Le Pen , éloignons ce danger mortifère pour notre démocratie, notre état de droit. Pas d’autre choix efficace que :

VOTEZ MACRON !

2017 – 2022 : Bis repetita ?

À la Une

Au soir du premier tour c’est la même photo : Macron, Le Pen, Mélenchon, trois candidats au premier plan, tous les trois un peu plus hauts, par rapport à la photo de 2017, malgré l’abstention plus importante.

Même dilemme : faire barrage ou s’abstenir, même hésitation des insoumis. Mêmes reproches adressés aux autres candidats de gauche qu’ils avaient pourtant méprisés.

Sur la photo en arrière-plan les déçus : Zemmour, et Jadot. Et des fantômes : Pécresse, Hidalgo, Roussel (qui avait rêvé mieux pour les communistes). Mais des fantômes (LR, EELV, PCF) qui sont encore très implantés dans des régions, des départements, des grandes villes… (les communistes de moins en moins)

Même scenario pour le second tour ? Non! Maintenant la situation est bien plus grave, car MLP a des réserves de voix et Macron ne peut pas invoquer le bénéfice du doute (« ni droite, ni gauche»? ). Son programme annoncé pour le premier tour est vraiment à droite (retraite à 65 ans, contreparties pour le RSA, vers une école néo-libérale), ce qui rendra plus difficile le front républicain.

Malgré tout, je n’hésiterai pas : pour faire barrage à MLP, je voterai Macron, la mort dans l’âme. L’urgence de la lutte pour le climat et la justice sociale devront, hélas, attendre, à un moment où le GIEC nous donne à peine trois ans pour inverser la course vers la catastrophe. Il faudra compter sur les initiatives , les mobilisations pour avancer.

Et après ?

Nous aurons à voter pour les législatives.  

Question : la gauche désunie saura-t ’elle se reprendre ? Les Insoumis sauront-ils tendre la main aux autres formations pour des alliances de terrain. Ou bien profiteront-ils de leur score national pour faire cavalier seul (malgré une très faible implantation locale). La tonalité du discours de Mélenchon pencherait plutôt pour la posture dominatrice (l’Union Populaire, seule issue).
C’est que la gauche n’est pas morte quand on additionne les voix : près de 32% quand les derniers sondages donnaient 26,5 pour toutes les listes. Elle pourrait peser au parlement.

Nous vivons une période de dépérissement de la forme parti (même s’il ne faut pas mettre dans le même sac PS, EELV et PCF). Mélenchon, depuis dix ans, a tout misé sur la forme mouvement dans une vision populiste de gauche. C’est une démarche assumée et théorisée par des penseurs comme Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, qui s’éloigne des approches classiques d’alliance pour conquérir le pouvoir et qui prône un rassemblement autour d’un leader charismatique.
Les Insoumis pourront-ils aller plus loin sans alliance ? Ce mouvement pourra-t-il faire l’impasse sur l’absence de cadres intermédiaires, sur l’absence consécutive de démocratie interne (deux caractéristiques qui faisaient la force dans la durée des partis traditionnels) ?

Entendrons-nous en 2027 la même rengaine : 2017 : il nous a manqué 600 000 voix – 2022 : il nous a manqué 500 000 – combien en 2027 ?

Et question subsidiaire : que deviendra le vieux leader ? Je parie pour une quatrième candidature…

De bien jolies vacances déconfinées

À la Une

Tourisme, amitié, vélo, nature et bonne cuisine …

Cela fait un bout de temps que notre van était prêt au départ. Mais il a fallu attendre : le 3 mai pour oublier la limite des 10 km, et puis le 3 juin pour recevoir notre deuxième injection, plus quelques jours pour garantir l’immunité. Et puis des invitations à retrouver des amis.

En route pour Poitiers et Les Bavards où Béatrice nous attend, une halte presque traditionnelle quand nous partons vers l’Ouest. Il fait très chaud sur la route mais nous trouvons en chemin une halte  fraîche et agréable pour le soir au bord du plan d’eau de Châtelus-Malvaleix, au nord de Guéret en sortant des grands itinéraires.
Le lendemain pour midi, après une courte visite à la modeste maison de George Sand à Gargilesse, nouvelle recherche d’un point d’eau frais et ombragé au bord de la Creuse.

Et c’est la découverte, après Argenton sur Creuse, de Romefort, l’endroit idéal où l’on peut même se baigner au milieu des renoncules d’eau en fleurs.

Les Bavards, au-dessus de la Gartempe, au milieu des bois, un hameau que Norbert fréquente depuis plus de 40 ans.

Béatrice y passe son été, entre les voisins, les amis et les soins de son potager. Aujourd’hui elle a des copains cyclotouristes qui passent la nuit chez elle avant de faire le tour de la Creuse à vélo. Échange d’adresses et de recettes d’amateurs de vélo. Les fauvettes à tête noire chantent à tue-tête mais le potager a soif et Norbert règle l’arrosage automatique pour que tomates et haricots ne meurent pas pendant l’absence de Béatrice.

Départ pour la mer, mais arrêt imprévu dans le marais poitevin à Arçais où un joli camping ombragé nous tend les bras. Le gérant écoute RTL à fond (pour faire le ménage) mais cela ne nous arrête pas. Les campings ombragés ne sont pas légion.

C’est le week-end, il y a du monde. Ballade à vélo le lendemain sur les pistes cyclables au bord des canaux (pas toujours très bien indiquées) et le soir tour en barque avec guide (très compétent sur la gestion de l’eau et l’histoire du marais).

Pourquoi changer quand on est bien ? On reste le lendemain pour visiter la réserve ornithologique de Saint- Hilaire la Palud.
Vélo à nouveau, marche à pied, oiseaux du marais et restauration de la réserve : assiette vendéenne de produits du terroir, parfaite.

On nous attend à Rochefort chez Léni, une amie d’amis. Sa maison est ancienne et simple mais elle la retape avec énergie. Et nous trouvons derrière un immense pré en bordure de forêt, parfait pour nous. Marché de Rochefort pour le repas de midi (aïoli aux légumes parfaitement épluchés par les messieurs et poisson excellemment préparé par les deux cuisinières que sont Léni et Babeth).

Le soir repas au restaurant au bord de la Charente près de la corderie royale. Tables de 6, nous sommes 7, mais on s’arrange : filles d’un côté et garçons de l’autre. Devant nous les gros bateaux qui partent pour le bout du monde.

N’oublions pas la culture et le lendemain c’est la visite de l’architecture de Royan : architecture estivale des villas de bord de mer, architecture de reconstruction après la guerre (les documents de l’office de tourisme sont de toute beauté!).

Retour par Marennes pour manger des huitres au bord des parcs à huitres. Le bar à dégustation vient de réouvrir avec des serveuses toutes neuves dans le métier qui commencent leur saison.

Nouveau départ cette fois vers Challais et la maison de famille de Jean Mi, modeste mais au milieu des bois de chênes. Un régal pour moi qui vient de voir disparaître le bois de Montvallon à Lissieu !

On passe d’abord la tondeuse et on sort les tables, chaises, coussins, parasols en mode été.

Challais est à l’extrème-sud de la Charente, à la limite du Périgord. Pour venir on a traversé les étendues de vigne de la Saintonge, les vignes à perte de vue qui servent à faire le Cognac.

Beau programme à Challais après les quelques travaux de mise en route de la maison de vacances. La forêt est toute proche, la vie sauvage est très présente, témoin cette jeune biche saisie par la caméra de chasse installée par Danièle.

Aubeterre et son église monolithe (troglodyte plutôt) au bord de la Dronne. Guizengeard le lendemain avec ses lagons bleux dans d’anciennes carrières de kaolin. Et quelques détours par les souvenirs d’enfance de Jean Mi, coins de pêche et de baignade.

Une invitation à l’île de Ré ne se refuse pas. On repart en convoi pour un camping au bord de la mer. Simple, on ne voit pas la mer qui est derrière la dune, mais magique, aéré, accueillant et sans aucune animation bruyante (à l’exception du groupe nombreux de nos jeunes voisins). Ré en vélo quand il n’y a pas encore grand monde, c’est un vrai bonheur de pistes cyclables agréables et planes. On découvre St Martin en Ré, la Flotte, Rivedoux-plage. Puis tout le bout de l’île : Ars en Ré après des retrouvailles avec Andréas et Arya (fils et petite fille de Norbert) chez Hanna (leur mère et grand’mère).

Essai de pêche à pied aussi lors des deux grandes marées (5 palourdes que je donne à la personne qui m’a appris à les découvrir!). Bistrot à Ars en ré, cuisine agréable et service rapide (« depuis le déconfinement, nous faisons en juin le chiffre d’affaire d’un mois de juillet »)

Les bonnes choses ne durant pas et l’île de Ré commençant à se remplir pour le dernier week-end de Juin (nous renonçons au phare des baleines déjà envahi), retour vers Challais et derniers préparatifs pour reprendre la route sous la pluie et la grisaille. Cette fois, d’une seule traite, il vient un moment où l’on a envie de se retrouver chez soi !

Salut les re-confinés -1 –

À la Une

Alors ? Ce qu’on craignait ces derniers jours s’est finalement réalisé. Sans attendre le résultats des mesures des derniers jours (couvre-feu,  etc.), le gouvernement (ou Macron tout seul ?…) a tranché. Sans doute que les chiffres de l’épidémie qui flambent n’ont pas laissé le temps de l’examen sérieux de la situation.

A ce moment de retour en force de l’épidémie la Chaîne Parlementaire diffusait samedi en fin de soirée (à voir : d’autres diffusions cette semaine à venir) un documentaire instructif : Grippe de Hong Kong, la pandémie oubliée

La grippe de Hong Kong

C’était entre l’hiver 1968 et l’hiver 1969, une épidémie qui était passée inaperçue, j’en suis témoin, moi qui en fus contemporain. Aujourd’hui je n’en ai aucun souvenir direct ou indirect. Après mai 1968, j’avais, comme beaucoup de ma génération, d’autres préoccupations. L’hiver 1968 c’est l’Asie et les USA (50 000 morts en trois mois) qui sont sévèrement touchés.  A l’été 1968, les spécialistes estiment l’épidémie terminée. En France les autorités sont rassurantes : pas de seconde vague, pas de danger !

Mais l’hiver arrive et le virus flambe : En France, tous les milieux sont touchés : dans les entreprises, les écoles, les administrations l’absentéisme varie entre 30 à 50% des effectifs. On estime a postériori que 25 % de la population a été infectée par le virus en quelques semaines. Mais la population, les médias, les responsables politiques ne prennent pas le fléau au sérieux et les commentaires légers, voire humoristiques ne sont pas rares. Evidemment aucune mesure de distanciation, aucune restriction  n’est évoquée

Pourtant cette grippe tue, les services hospitaliers n’ont aucune thérapie efficace (pas d’intubation, pas de respirateur…) pour les formes graves. Le documentaire fait la place au témoignage d’un médecin alors externe à Nice : « On n’avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir. Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d’hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré dix à quinze jours, et puis ça s’est calmé. Et étrangement, on a oublié »

A l’époque on s’est peu soucié peu de compter les morts. Après une analyse rétrospective les épidémiologistes estiment maintenant que l’épidémie fut responsable de 40 000 morts en France. Au niveau mondial ce fut un million de morts.

Ce qui frappe au cours de l’émission, c’est l’insouciance générale de la population et des autorités qui tranche tellement avec l’inquiétude qui nous a saisi, cinquante ans plus tard, avec la Covid 19. Et si nous avions aujourd’hui adopté la même insouciance – ou la même priorité à nos activités, nos libertés- combien compterions-nous de morts maintenant ?

Le re-confinement

Emmanuel Macron a trouvé des arguments à la télé mercredi pour justifier le reconfinement . Des arguments par défaut, en rejetant des solutions plus ciblées sur les publics vulnérables, en exposant les conséquences dramatiques de formules plus libérales (si on laisse faire, ce sont 400 000 (?) morts à venir).

« Tout le monde a été surpris par la force de cette seconde vague. » a t-il souligné. Tout le monde sauf le conseil scientifique qui depuis juin alerte sur les scenarii les plus noirs.

Mais Macron préférait sans doute faire une visite le 10 avril au professeur Raoult qui annonçait une moindre virulence du Sars-covid2 et les résultats exceptionnels de son traitement à la chloroquine, aujourd’hui démentis. On dit même que le marseillais avait encore récemment l’oreille du président qui se souciait en priorité de l’activité économique.

Alors les réalités de l’épidémie ont douché les espoirs infondés de tous les « rassuristes » et ramené -sans doute un peu tard- le président à la raison. Terminés l’approche territoriale et le ciblage par zone (le vert, l’orange, le rouge, l’écarlate), terminé le traçage (tester, suivre, isoler, qui n’a  jamais vraiment été mis en œuvre efficacement), terminé Stop-Covid qui n’a jamais vraiment marché, terminé le couvre-feu…

Retour aux bonnes vieilles attestations de déplacement, à la recherche des quelques dérogations autorisées. Et aux contrôles policiers.

Mais l’inertie de l’épidémie qui continue sur sa lancée est telle qu’avant de décélérer sous l’action du confinement, le nombre des décès restera encore élevé. On observe un délai de 30 jours entre une contamination et le décès ; c’est parmi les positifs de cette fin octobre, qu’on comptera les morts de fin novembre. Pour la durée du confinement Thierry Crouzet, fin statisticien, estime la mortalité sur la période à 10 000, soit un mort toutes les 5 mn.

Les boomers coincés dans la bulle

Si Macron l’avait un moment évoqué, personne n’a osé mettre en avant un confinement spécifique des personnes vulnérables, âgées en particulier qui pourrait alléger les restrictions imposées aux plus jeunes. Personne n’a osé, pour diverses raisons.

  • Pour des raisons d’égalité citoyenne qui nous interdirait de soumettre une population particulière à un traitement discriminatoire, presque vexatoire.
  • Pour des raisons pratiques, car on voit mal comment isoler efficacement les séniors du reste de la population, du reste de leur famille.  

Or c’est quand même de ce côté qu’on peut espérer réduire les hospitalisations à venir. 85 % des hospitalisés ont plus de 60 ans L’âge médian des décès du Covid 19 s’établit à 84 ans. 

Alors on peut peut-être s’attacher à faire la promotion de pratiques efficaces pour tenir les plus âgés à l’écart des contaminations sans pour autant stigmatiser ces populations. C’est le sens d’une tribune de plusieurs universitaires parue dans Libération le 26 octobre dernier :

« Il est parfaitement possible, en effet, de donner les moyens effectifs aux personnes vulnérables, sur une base volontaire mais fortement recommandée :

• de rester chez elles grâce à des distributions à domicile de tout le nécessaire ;

• d’être relogées temporairement si elles vivent avec d’autres générations susceptibles de les contaminer ;

• si elles sont économiquement actives, de se mettre en télétravail ou en chômage partiel ;

• de circuler dans les espaces publics grâce à des mesures de prophylaxie généralisées et adéquates (distanciation, port du masque en intérieur ou en cas de forte densité…) et grâce à l’augmentation de l’offre des transports en commun, pour qu’une véritable distanciation soit possible ;

• de se retrouver en famille et entre amis de préférence en extérieur et munies des protections adéquates ;

• de bénéficier, en Ehpad comme à l’hôpital, d’un service optimal grâce à l’embauche massive et permanente d’un personnel suffisant et convenablement équipé, au lieu du sous-effectif structurel installé depuis des décennies dans ces secteurs. »

Je dois dire qu’avec Danièle, nous pratiquons déjà une forme d’auto-confinement. Nous avons cessé les activités -sportives, culturelles- collectives. Nous continuons à voir nos enfants et petits-enfants, nos amis, mais à petite dose et avec les distances recommandées.

Nous pratiquons en petit comité un qi-qong qui se veut quotidien et nous promenons le chien deux fois par jour. Nous avons la chance d’avoir un jardin et les soins du potager nous occupent aux beaux jours. Et nous passons beaucoup de temps devant notre ordinateur.

Le plus difficile c’est d’échapper à la morosité générale. Beaucoup parmi les plus jeunes enragent de ne plus faire la fête (même si les transgressions ne sont pas rares).
Les plus anciens font le compte du temps à vivre devant eux : combien de mois gâchés par cette épidémie, combien de projets annulés, reportés, combien d’énergie dispensée pour la seule préservation ?

Mais c’est le prix à payer pour notre survie, pour espérer voir grandir nos petits-enfants, pour pouvoir encore témoigner de notre expérience, pour découvrir encore tout ce que nous ignorons.

Salut les déconfinés -1-

À la Une

Economie : c’est reparti ?

Rappelons-nous : au lendemain du confinement installé le 17 mars, chacun se faisait une idée de la fin de ce mauvais passage. Ainsi le déconfinement nous ramènerait nos libertés d’aller et venir, de travailler, de fréquenter nos lieux collectifs, de voir nos amis, de partir en vacances … On connaît la suite : comment ces espoirs ont été largement relativisés par la réalité de l’épidémie.

Pour l’économie ce fut un peu pareil. Le déconfinement donnerait le signal du redémarrage de l’économie qui avait été en grande partie préservée par les mesures de soutien aux entreprises, de maintien des salariés grâce au chômage partiel… L’économie était sur pause, il suffisait de basculer sur Play pour que chacun retrouve son activité. Mais plus l’échéance se rapprochait, plus on prenait conscience que ça risquait d’être plus compliqué.  

Redémarrage : Pourquoi ce n’est pas si simple

Il faut bien se rendre à l’évidence : le virus est présent et restera présent pour un bout de temps. Si on veut éviter une seconde ou une troisième vague qui pourrait submerger de nouveau le système de santé, il faudra maintenir un dispositif important de précautions. Les restaurants, les discothèques, les concerts ne sont pas près de réouvrir. Et dans de nombreux secteurs les mesures de protection sanitaire s’opposeront à une pleine activité.  

Et puis ça dépendra des décisions individuelles des entrepreneurs, des salariés, des clients, des syndicats, de la justice. Autant il suffisait au moment de la mise en place du confinement de quelques décrets et des gendarmes postés aux carrefours, autant le redémarrage de l’économie est le résultat d’une multitude de variables souvent imprévisibles.

Les fabricants de bière ne peuvent reprendre leur pleine activité que si les bars, les restaurants, les concerts et les apéros entre amis réamorcent la demande. En attendant ils se demandent si une partie de la production ne devait pas partir aux égouts ou à la distillation.

Certaines entreprises ont une grande difficulté à organiser un process de production respectueux des gestes barrière. C’est ainsi qu’Amazon, contraint de fermer par décision de justice à la demande de la CFDT, a d’elle-même suspendu momentanément son activité en France.

A Renault Sandouville, les syndicats majoritaires (Force Ouvrière, la CFE-CGC et la CFDT) étaient en train de mettre au point un accord avec la direction pour une réouverture en toute sécurité, lorsque la CGT (un tiers des voix aux élections professionnelles) a obtenu une décision de justice (sur un défaut dans la consultation obligatoire) pour annuler la reprise. Dans bien des entreprises, la CGT, parfois à raison, en face de risques réels, parfois en application d’une ligne politique, risque de tout faire pour s’opposer à la reprise d’activité.

Mais il n’y a pas que des incertitudes. Pendant la crise un certain nombre de secteurs ont bien résisté, ou même progressé. Les services publics de base (gestion des déchets, propreté, sécurité) n’ont pas flanché. Les industries de réseau : l’eau, l’électricité, les fournisseurs internet ont assuré. Les GAFA et autres Netflix ont tiré avantage du confinement. Plus généralement le numérique s’est introduit dans tous les process de travail avec le télétravail et les services à distance. Bref, les 65% d’activité (73% en avril) assurés tout au long du confinement sont restés solides, loin de l’idée d’effondrement généralisé chère aux collapsologues. 
Mais que se passera-t-il pour les 35% (27% en avril) restants ? Beaucoup d’inconnues président au redémarrage. 

Anticiper en zone d’incertitude

Du coup, peu d’économistes se hasardent à faire des pronostics : Reprise rapide en V, stagnation durable en L …

Alors il n’est pas interdit aux économistes amateurs de faire leurs prévisions. Les miennes, en l’occurrence : A court terme, l’économie est sous la férule de l’évolution de l’épidémie. De la permanence de sa virulence dépendra la reprise qui pourrait subir un effet persistant des précautions sanitaires.  Au-delà, à moyen terme il n’y a pas de raisons que les affaires ne reprennent pas à un bon rythme, malgré certains secteurs durablement touchés comme le transport aérien, l’industrie du tourisme et celle du spectacle. En effet les habitudes de consommation dans ces domaines auront du mal à se rétablir ou à trouver un nouveau modèle.
 Il est, hélas, certain que les inégalités devant l’emploi vont se creuser et que les précaires seront les premières victimes d’une hausse prévisible du chômage

Et puis, le « monde d’après » ne pourra faire l’économie d’un examen de son développement. Quelles sont les activités essentielles ? Quelles sont les activités inutiles, voire nuisibles. Il faut notamment arrêter d’investir dans les énergies fossiles au profit de la transition énergétique. 

Salut les confinés – 16 –

À la Une

OK  Boomer ! COVID : Les seniors au centre des enjeux 

Parmi les fortes particularités de cette épidémie, à coté de sa contagiosité élevée, figure la menace qui plane sur les plus âgés. « A ce jour, on compte 25 000 morts du coronavirus en France. L’âge médian des personnes décédées est de 84 ans. Les plus de 75 ans représentent 75 % des décès. Il s’agit d’hommes à 55 %. Deux personnes décédées sur trois présentaient une autre déficience, une comorbidité, comme l’hypertension, le diabète, une pathologie pulmonaire, l’insuffisance cardiaque ou l’obésité. Les personnes de moins de 65 ans et sans comorbidité ne représentent que 2,5 % des décès.

Donc, en l’état actuel de ce que l’on sait de cette pandémie, les statistiques disent que le coronavirus tue surtout les vieux déjà malades. » C’est ainsi qu’Eric Le Boucher résume dans l’Opinion du 3 mai 2020 la situation. Un diagnostic incontournable, qui avait amené le Président Macron à laisser entendre que les « populations vulnérables » devraient prolonger leur confinement.
 Une annonce qui avait inspiré une petite musique, notamment ceux qui analysent la crise et les politiques mises en place pour combattre l’épidémie en termes de lutte entre génération.

« Sidérée par l’attaque du coronavirus contre une génération que l’on croyait éternelle (et qui se pensait telle), la société politique, civile et médicale a fait corps pour la protéger. » s’exclame Monique Dagnaud dans Slate du 1er mai

L’approche générationnelle apporte plus de confusion que de lumière. En tant que Baby boomer, je ne me sens pas solidaire des dirigeants de ma génération qui ont façonné ce monde, je ne me sens pas responsable des graves erreurs environnementales, des inégalités sociales installées à la faveur du néo-libéralisme triomphant. Je les ai combattus comme je pouvais ; mon seul regret c’est d’avoir perdu la bataille (heureusement elle n’est pas terminée).

Mais je peux être sensible à l’argument. Demander aux générations suivantes de se saborder pour sauver les anciens, est-ce légitime ?

Et puis un philosophe est venu en renfort. Pour André Comte-sponville, la liberté (d’aller et venir , rencontrer d’autres humains) la justice , l’amour, la préservation de notre planète ne sont -ils pas plus importants que la simple préservation de la vie de nos aînés ?

Et puis je m’interroge : sauver mes propres enfants d’un désastre ou bien perdre la vie. Qu’une alternative pareille, un de ces quatre jours m’échoie c’est, j’en suis convaincu, le sort de mes enfants qui sera l’objet de mon choix.

Mais je perçois bien que ces raisonnements, en termes de génération, en termes de choix personnel ne peuvent tenir lieu de boussole politique. Car il faut être capable de pousser l’hypothèse à fond et examiner toutes les conséquences.

Sommes-nous prêts à laisser libre cours à l’épidémie, à abandonner à leur sort des dizaines de milliers de citoyens âgés, à fermer les yeux sur les EHPAD en train de se transformer en mouroir, à laisser les malades graves terminer leur jours sans les soins nécessaires dans les couloirs des hôpitaux. La plupart des gouvernements démocratiques ou non, dictatoriaux ou non, (à part les ambigüités des Trump et autres Bolsonaro) ont fait le choix de préserver la santé. Pouvons-nous faire différemment ?

Et puis qui s’occuperait des petits-enfants, qui se mobiliserait dans les associations, les communes, qui prendrait le temps de la réflexion, qui cultiverait le potager pour les produits à partager avec les proches ?

Salut les Confinés -15-

À la Une

J-3 : Le déconfinement aura bien lieu le 11 mai !

 Il a fallu que le président le rappelle plusieurs fois le 6 mai, tant ses ministres essayaient d’éviter la promesse et de noyer le poisson. Pour Olivier Véran ce sera le 11 … si les résultats sont bons. Pour Jean-Michel Blanquer, ce sera selon … la bonne volonté des maires.

Jean Castex, le très discret Coordinateur national à la stratégie de déconfinement, le « Monsieur déconfinement », a même proposé devant le sénat l’établissement d’un plan de reconfinement au cas où les résultats seraient mauvais !!!

 Il faut rappeler que c’est le président, surprenant même ses ministres, qui avait annoncé la réouverture des écoles au 11 mai. Or à ce jour, quel parent peut savoir ce qu’il en sera pour sa progéniture ? Les maires, à juste titre, s’inquiètent de la mise en place des précautions figurant dans l’instruction de 63 pages qui devrait présider à l’ouverture des classes. Chacun fera comme il peut.

La même incertitude règne au Canada. Jusqu’au Premier Ministre Justin Trudeau qui « ne sait pas  » s’il enverra ses enfants à l’école au moment de la ré-ouverture.
Mais le doute ne concerne pas que les enfants. Emmanuel Macron avait laissé entendre que les citoyens les plus vulnérables (comprenez : les plus âgés) devraient prolonger le confinement. Finalement les protestations de tous bords ont eu raison du projet

A 3 jours de la date fatidique, les confinés ne savent pas vraiment qui croire et que croire. On avait d’abord (le président en l’occurrence) parlé d’un déconfinement par région. Oublié ! Puis l’idée d’une carte rouge et verte. Finalement c’est rouge, orange et vert. Mais on ne sait pas vraiment quelles en sont les conséquences à part l’ouverture possible des parcs au 11 mai et peut-être la réouverture des collèges au 18. Ou bien était-ce juste pour désigner les mauvais élèves ?

En fait, tout le monde a attendu le 7 mai pour savoir quel serait le statut de son département. Notre région Rhône-Alpes abandonne sa couleur orange inquiétante. Le rouge se concentre sur le Nord-Est du pays. Mais les trois quart verts des départements ne doivent pas se laisser aller à l’illusion que tout sera désormais comme avant.

Car l’inquiétude autour de la décision de déconfinement s’accroît. Et ce ne sont pas les épidémiologistes qui vont l’apaiser.

Une seconde vague

Ainsi l’équipe de Victoria Colizza  de l’INSERM projette [ Le Monde dans son édition du 7 mai] dans tous les cas une seconde vague entre juillet et septembre. Sa hauteur dépendra des mesures mis en place : « L’épidémie ne pourrait être contrôlée qu’à plusieurs conditions . La première est le maintien des mesures de distanciation physique. « Cela suppose que 50 % des gens restent chez eux – soit que leur activité professionnelle n’ait pas repris, soit qu’ils pratiquent le télétravail –, que les personnes âgées aient réduit de 75 % leurs contacts, et qu’il y ait une réouverture partielle (pas plus de 50 %) de différentes activités et commerces », détaille Vittoria Colizza.

Autre condition pour ce scénario : que le dispositif de dépistage, de traçage et d’isolement des cas et de leurs contacts détecte au moins 50 % des nouvelles infections. « Si 25 % seulement sont identifiés, nous aurions à affronter une seconde vague plus intense que la première, débutant fin juin avec des capacités de réanimation dépassées jusqu’en août », insiste Vittoria Colizza. La modélisatrice souligne qu’au-delà du nombre de tests disponibles, ce dispositif de traçage des contacts nécessite des ressources humaines massives afin de casser les chaînes de transmission.
Dans un scénario où l’ensemble des élèves, de la maternelle au lycée, reprendraient les cours le 11 mai, les chercheurs de l’Inserm envisagent une seconde vague épidémique, similaire à la première. Elle serait toutefois évitée en limitant à 50 % l’effectif pour l’ensemble des classes. Un retour en classe de l’ensemble des adolescents en juin aurait pour effet de submerger les services de réanimation, les nouveaux cas qui en découleraient nécessitant 138 % des capacités. »

Alors on peut penser que lorsque le président Macron a annoncé la ré-ouverture des écoles le 11 mai, il s’est engagé un peu vite et de manière imprudente.  Heureusement la réalité des faits s’est imposée en limitant l’ouverture à la seule primaire et aux élèves volontaires.

Une autre conclusion des épidémiologistes concerne les personnes vulnérables (âge et comorbidité). A défaut de prolongation du confinement, ils insistent sur la nécessité de réduire de 75%  leurs contacts en situation normale. Alors pas question pour nous, les vieux,  de repartir dans une vie sociale sans limite !
Alors, nos projets pour le déconfinement : fêter en famille les anniversaires du mois de mai (en respectant les distances)  et partir en vadrouille en Camping-Car ( dans les 100 km autorisés, le micro-tourisme nous convient bien).

Salut les confinés ! épisode 13

À la Une

Le jour d’après …

Depuis mardi 17 mars nous sommes confinés. Comment la vie se déroule-t-elle dans ce village du péri-urbain lyonnais. Comment nous tenons-nous au courant de la marche chaotique du monde entre Venise, Copenhague et Washington où nous avons des amis ? Quels débats, quelles attentes, quels espoirs germent-ils dans cette situation de douce réclusion?

Avec l’apparition de l’épidémie, avec le confinement, la formule s’est imposée, dans les médias, les cercles de réflexion et les équipes politiques à gauche surtout mais pas seulement. L’idée c’est que cette épidémie bouleverse tellement notre société (« le monde d’avant ») qu’elle va induire un changement total pour nous amener vers « le monde d’après ». La crise serait porteuse de ruptures en chaîne dans nos vies quotidiennes, dans notre manière de travailler et de produire, et dans les façons de faire de la politique et aussi de gouverner. Mais la formule, généreuse, mais trop générale, trop vague, me gêne beaucoup, car elle est porteuse de malentendus et peut-être de frustration.

Il n’y a pas de jours d’après

  • Sur la progression (ou le reflux) de l’épidémie on en sait maintenant plus. Après un ralentissement dû au confinement, le virus est présent parmi nous pour un bout de temps. Il y aura sans doute des accalmies, des vagues en retour tant qu’on n’aura pas atteint l’immunité collective (et encore, l’OMS s’interroge sur son existence…) ou la mise en œuvre d’un vaccin. Donc pas de fin proche et nette de l’épidémie mais une crise sanitaire qui s’étalera sur de nombreux mois. Pour le jour d’après,il faudra donc patienter.
  • Sur le plan économique et plus généralement sur l’évolution de nos modes de vie et la manière de conduire les affaires, à gauche et même à droite on entend nos responsables proclamer « Rien ne sera comme avant ! ».  Cette petite musique, on l’a déjà entendue. Souvenez-vous, au lendemain de la crise financière de 2008, Sarkozy, fustigeant les errements du capitalisme financier devenu fou, proclamant la fin des paradis fiscaux, promettant de mettre l’écologie au centre … Il n’a pas fallu longtemps pour un retour au business as usual

N’est-ce pas ce qui se préfigure avec les mesures du plan de relance ?

  • Les 20 milliards d’€ destinés à sauver « nos » entreprises n’iront pas aux sociétés qui ont des rapports avec des paradis fiscaux, avait promis Bruno Le Maire. Le jour même, la disposition disparaissait de la loi votée à l’assemblée Nationale !
  • Le versement des dividendes sera -t-il annulé cette année dans les entreprises qui auront reçu des aides de l’état ? Rien de sûr ! Le gouvernement les invite à de la modération … Au mieux les actionnaires devront attendre un peu leurs dividendes, à la sortie de crise.
  • Air France va bénéficier de 7 milliards d’€ d’aide.

Une aide conditionnée à des « engagements », il s’agit pour le gouvernement d’en faire « la compagnie la plus respectueuse de l’environnement au monde » … Et pour commencer rouvrir à partir du 11 mai 3 lignes régulières qui pourraient être remplacées avantageusement par des TGV en 2 ou 3 h : Brest, Bordeaux, Montpellier !  70 fois moins de CO2 ! Cherchez l’erreur !

  • L’automobile suivra avec, on s’en doute, la même compréhension des intérêts de l’entreprise.
  • Le patronat français et ses homologues européens ont mené de discrètes opérations de lobbying pour convaincre nos gouvernements d’adoucir ou de repousser l’application des mesures environnementales, d’augmenter le temps de travail etc.

Bref, en matière d’économie, le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant !

Le monde d’après… dans les esprits :

L’air du temps, ces dernières années, avait mis en avant quelques idées : des modes de vie plus respectueux de l’environnement, la protection du climat, des revenus qui dépendraient moins d’un travail rémunéré (revenu universel), la recherche du sens, surtout chez les jeunes, dans les situations professionnelles, le rejet d’activités non-essentielles, inutiles, voire nuisibles. 

La crise du coronavirus et le confinement ont fait l’effet d’une véritable leçon de choses, une véritable expérience vécue sur chacun de ces sujets, qui annoncent une vaste prise de conscience. Dans bien des domaines nous ne sommes pas prêts à revivre le monde d’avant !

Mais le changement, c’est pas automatique !

 Nous sommes tous impressionnés par la baisse de la pollution dans les villes, ces photos satellites qui nous montrent une atmosphère transparente.

La tour Eifel se détachant sur un bleu transparent   Mais que se passera-t-il après le 11 mai ? Laisserons-nous la voiture au garage ? Sortirons-nous enfin le vélo ? Trouverons-nous plus de pistes cyclables, plus sûres ?
 En 2020, le Covid19 pourrait faire baisser les émissions mondiales de CO2 de 5 à 6 % par rapport à leur niveau record de 2019. Entre 2020 et 2050, il faudrait que ces émissions baissent CHAQUE ANNÉE de 6 à 8 %/an pour que les objectifs de l’Accord de Paris soient atteints. (Source Carbon Global Projet). C’est dire qu’il faudra poursuivre l’effort

Est-ce que notre chef de bureau accordera désormais la possibilité de travailler à la maison, cette possibilité qu’il nous avait refusé régulièrement avant le COVID ? Est-ce la fin des réunions interminables, en présentiel, au profit de courtes mises au point par Skype ?

La protection sociale évoluera-t-elle vers un système qui prenne mieux en charge tous ceux qui sont dans la précarité et dans la pauvreté ?

Les hôpitaux auront-ils enfin des moyens suffisants avec des carrières plus attractives pour les soignants ?

Serons-nous plus enclins à consommer local, des produits de saison, auprès de producteurs proches ?

Notre économie saura-t-elle se convertir à plus d’autonomie, dans une globalisation maîtrisée. S’engagera-t-elle vers une transition énergétique indispensable ?

Les réponses à toutes ces questions ne nous seront pas données par la magie du jour d’après. Il faudra continuer à nous impliquer, à nous mobiliser, par nos actions individuelles, par notre participation aux associations et à la vie publique.