Pour la 15 ème année consécutive la petite commune de Montier en Der organisait son Festival de la photo animalière et nature .
A 15 Km de Saint-Dizier, perdu au milieu d’une Champagne très rurale, le lac de Der, mis en eau en 1974, est devenu un haut lieu du tourisme, des loisirs et de détente, avec ses 77 km de rivages, 4800 hectares d’eau. La plus grande retenue artificielle d’Europe. Le plan d’eau attire une foule d’oiseau à la recherche de zones humides. Les grues cendrées, dans leur migration entre le Nord de l’Europe et la péninsule ibérique sont chaque année 40 000 à faire une longue pause sur ses rivages. C’est dire combien le site a depuis sa création attiré de nombreux photographes, dont une poignée est à l’origine de la création du festival.
Jeudi 17 novembre, nous approchons de Montier en Der dans la matinée, accueillis par un groupe de grues cendrées qui paissent tranquillement dans les terres. Je n’y crois pas, je chausse mes jumelles obscurcies par la buée, Norbert se fait klaxonner pour s’être arrété sur le bas-côté, mais je suis déjà dans le blé d’hiver pour approcher les volatiles. Pas vraiment craintives, mais préférant garder une distance raisonnable, elles partent un peu plus loin. Il y a déjà beaucoup de monde à Montier en Der et ce n’est pourtant que l’ouverture du festival ; beaucoup de voitures, de camping-car et des parkings déjà bondés. Mais la tolérance est grande pour le parking sur le trottoir.
Dès l’entrée l’ambiance est conviviale : des bénévoles assurent la vente des billets et les contrôles et, malgré la foule, les photographes sont accueillants et disponibles. Ils parlent de leur pratique, de leur équipement et de leur statut sans hésitation et vendent quelques tirages ou livres. Peu de professionnels à plein temps, mais beaucoup de vrais passionnés qui souvent travaillent dans des activités proches de la nature (animateur nature, laboratoire d’entomologie de la fac de Rennes, observatoire astronomique de Reims…) et par deux.
La télévision est très présente . FR3 Champagne-Ardennes relaie pendant ces 4 jours tous les événements du festival et diffuse plein de reportages.
Nos coups de cœur :
L’hermine blanche et autres petits animaux des jardins : ils sont deux passionnés sous le sigle Beauté Sauvage qui se téléphonent chaque soir pour faire le point sur ce qui s’est passé sur les affuts. Ils parlent des animaux parano qui ne se laisseront jamais portraitiser et des autres individus plus curieux, joueurs, un peu clown. Les clichés exposés ont du succès auprès des amateurs qui veulent en ramener un souvenir.Plus loin, les photographes savent se transformer en alpinistes sur les falaises verticales que fréquentent les tichodromes échelettes à la robe colorée. Christophe Sidamon-Pesson en a tiré un livre magnifique.
C’est aussi sur les sommets des 4 coins de la planètes que Sébastien Dedanieli a suivi la faune des sommets.
Quant à Jean-François Hagenmuller , il a su capter cette lumière exceptionnelle des cimes qu’on peut observer dans le massif du Mont Blanc. Des couleurs uniques qui ne doivent rien à Photoshop ( juste quelques filtres – polarisant et gris neutre- à la prise de vue), nous assure-t-il.
Sébastien Beaucourt est un passionné d’astronomie (que j’appelle photos de nuit, mais l’auteur me corrige en m’expliquant les connaissances astronomiques certaines qu’il faut posséder pour savoir que la lune sera une nuit dans l’année entre les deux tours de la cathédrale). Ses photos d’une éclipse de Lune montrent bien la progression du phénomène.
Je m’attarde devant des documents du musée du cinéma et de la photographie de Saint-Nicolas du Port qui montre le premiers pas de la photographie animalière au début du XXème siècle avec des appareils de prise de vue – les chambres- qui pesaient plus de 15 Kg. Pas facile de prendre la fuite avec un tel chargement après avoir saisi le cliché historique du redoutable tigre du bengale. Cela me rappelle le livre de Michel Le bris « la beauté du monde » dont les héros Martin et Osa Johnson, parcouraient le kenya dans les années 1920 pour en ramener des photos d’animaux sauvages qui ont connu un succès immense aux USA.
Et puis beaucoup de matériel au gymnase de l’UFOLEP sur le port de Giffaumont. J’y trouve un déclencheur filaire pour notre réflex et nous aurions pu assister à la première présentation en France du nouveau Canon EOS-1DX , «le vaisseau amiral de la gamme Eos» qui ne sera commercialisé qu’au printemps prochain. A 5000€, Canon présente un appareil dont les performances ( notamment une montée en ISO – 51 200, voire 204 800- qui préserve la qualité de l’image) creusent l’écart avec les autres modèles experts de la marque.
Pas d’ateliers à Montier en Der (contrairement à ce que nous avions vu au Printemps de la Photo de Davezieux ), mais des conférences auxquelles nous n’allons pas car nous devons repartir dès le samedi.
Beaucoup de scolaires, aussi, qui débarquent par cars entiers. Ils sont à l’origine d’une grande animation dans les allées mais ils savent se montrer attentifs lorsqu’on leur explique la différence entre les papillons de jour et ceux de nuit.
Les associations de protection et d’éducation à la nature sont très présentes . Nous sommes frappés par le foisonnement de propositions touristiques liées à la photographie nature pour des destinations exotiques mais aussi en France où les sites protégés ne manquent pas.
La journée passe vite et il est temps d’aller trouver une place sur la rive ouest du Lac pour assister le lendemain au lever des grues. Nous nous retrouvons au parking des camping-car sur le site de Chantecoq tout près du rivage. Arrivés sur le haut de la Digue : Surprise ! Nous connaissions le lac au mois de mai, une vaste étendue d’eau (à gauche sur la photo ci-dessus). En novembre, il n’y a plus que quelques flaques et beaucoup de bancs de sable parcourues par des bandes d’oies cendrées (à droite ci-dessus). C’est que le lac de Der fait partie du dispositif anti-crue de la Seine, vide l’hiver, il a la capacité d’absorber la montée des eaux de la Marne et l’été il fait la joie des baigneurs et des plaisanciers.
Beaucoup de monde à 7h du matin, beaucoup de matériel aussi et du gros, très impressionnant. Au fur et à mesure du lever du soleil, les grues décollent en groupe qui se détachent sur le ciel rougissant.
C’est beau, cela ne dure que trois quart d’heures et puis tout le monde reprend sa voiture.
Nous passons la journée à nous promener sur la digue, à visiter les expositions du site de Giffaumont-Champobert. Beaucoup d’oiseaux lointains : des vaneaux huppés, des cormorans, des grandes aigrettes, d’autres limicoles plus petits que notre équipement ne nous permet pas de voir, mais des ornithologues bien équipés de lunettes sont assez gentils pour vous faire observer dans leur lunette un courlis cendré, un garrot ou une sarcelle d’hiver.
Seules les oies cendrées sont à notre portée ; elles broutent en petites troupes peu farouches en bas de la digue. Difficile de les approcher tout de même et si le chien se montre c’est l’envol immédiat ! Pour observer le retour des grues le soir, je délaisse l’attroupement de l’observatoire de Chantecoq pour me placer sur la digue près d’un vidéaste isolé qui voit très bien l’endroit où le soleil va plonger mais ne semble pas sur le parcours des grues. Les couleurs du coucher de soleil sur les ilôts du lac sont superbes, le ciel aussi.
Et les grues arrivent tout de même. Elles reviennent des champs où elles ont picoré les restes de maïs entre les sillons du labour. Elles survolent le petit bosquet qui nous fait face.
Nous passons encore une nuit sur place et le parking des camping-car se remplit ; au petit matin du samedi, il n’y a plus une place libre.
Nouveau poste sur la digue près de nos voisins de camping-car équipés de pied en cap : veste de camouflage, objectif camouflé, énorme pied. Je ne sais pas si leurs photos sont meilleures que les miennes, mais je sais qu’il vont passer la semaine à les trier : ils déclenchent tous en rafale.
Cela ne fait pas autant de bruit que les grues à l’envol mais c’est tout juste !