Nous étions prévenus : les camping-cars ne sont pas les bienvenus en Corse. Les revues, les forums de camping-caristes sur internet foisonnent de récits plutôt désagréables d’incident ou d’intimidations à notre destination.
A tel point que quelques jours avant le départ, nous nous interrogions sur l’opportunité de passer notre séjour en Sardaigne, réputée » motor-home-friendly » plutôt que dans son île jumelle. Mais la curiosité vis à vis des charmes de la Corse l’emporta .
Afin de sauvegarder notre tranquilité, nous avons adopté une ligne de conduite constante: les nuits dans les campings et une attitude prudente dans nos contacts avec les insulaires. Bien que séjournant dans un département français, nous ne nous sommes jamais considérés « comme chez nous ».
Tant pis pour les nuits à la belle étoile, seuls en pleine nature. Mais nous n’avons pas regretté notre choix pour les campings.
A part quelques campings quatre étoiles, les pieds dans l’eau, que nous avons évités soigneusement, les campings corses sont simples, bon marché et trés proches de la nature, comme ce camping de Solara au bord de la cote orientale, les aiguilles de Bavella en arrière-fond. Chaque année, un groupe d’habitués d’Italie, d’Allemagne ou des Pays-bas s’y retrouvent au bord de la plage et de la rivière – le Travo – qui crée une zone d’étangs derrière le cordon littoral.
Dans la journée , lorsqu’on visite l’arrière-pays, c’est quelquefois difficile de se garer. Le stationnement, bien souvent en Corse, n’est pas prévu dans les sites touristiques. Les automobiles s’arrêtent, n’importe comment, sur les bords de routes, ce qui est plus difficile pour les camping-cars. Lorsque les parkings sont aménagés, ils sont souvent équipés de barres de hauteur qui en interdisent l’accès.
L’office du Tourisme de Calvi et sa région n’y va pas par quatre chemins dans sa brochure destinée aux campeurs et autres camping-caristes. S’ils rappellent que le camping sauvage est interdit dans toute l’île, ils y assimilent tout stationnement de camping-car : bords de route, chemins de terre, parking de super-marché. La chasse est ouverte, assortie d’une menace qui règlerait, selon eux, définitivement le problème: interdire totalement l’accès de l’île à tout camping-car!
De nombreuses communes – surtout dans les zones touristiques- interdisent totalement le stationnement -même pour acheter le pain ?- sur tout leur territoire, toute l’année, toute la journée, en dehors des campings. De nombreux arrêtés de ce type ont fait l’objet d’annulation devant les tribunaux au motif qu’on ne peut appliquer une telle discrimination à l’égard d’une catégorie de véhicules (pourquoi pas les voitures vertes ou les triporteurs bachés?) qu’en fonction de caractéristiques spécifiques (étroitesse d’une rue, hauteur limitée sous un pont, importance d’une circulation piétonne) et dans un périmètre délimité. Bref, il faut savoir que la légalité de ces décisions locales n’est pas bien solide.
Mais ce qui est plus inquiétant, c’est l’hostilité (plus ou moins manifeste, plus ou moins violente) que nous avons perçue d’une partie de la population. Les camping-cars peuvent faire l’objet de véritables attaques aussi violentes qu’anonymes, témoin cet article de Corse-Matin paru pendant notre séjour.
Pour notre part nous avons vécu une anecdote plutôt désagréable, la violence en moins.
Partis du camping de la plage d’Arone vers 8 heures le 10 juillet, nous avons fait étape un moment « sur le plateau » avant Piana, au bord de la route. La vue sur le golfe de Porto était magnifique et … la connexion à internet fort rapide, à deux pas de l’antenne Télécom. Une quinquagénaire blonde est arrivée en land-rover, s’est garée près de nous et, sans se présenter, nous a annoncé que nous étions en infraction, que nous avions une amende de 1000 € pour camping sauvage en zone interdite…en prétendant que nous avions été signalés par « la garde verte ». Protestant de notre bonne foi, nous avons signalé que nous dormions depuis deux jours au camping de la plage d’Arone…sur quoi, la belle s’est éclipsée arguant que la gendarmerie apprécierait !!!
A la gendarmerie de Piana où nous nous sommes immédiatement rendus, il nous a été précisé qu’il ne s’agissait que d’intimidations, qu’il n’y avait aucune garde verte dans le secteur et que les contraventions n’étaient délivrées que par les gendarmes en respectant les formes, notamment constat en présence du contrevenant.
Nous sommes repartis rassurés, mais gagnés par un véritable malaise.
Il y a sans doute en Corse pas mal de gens qui ont envie de faire la peau aux Camping-Cars et qui voudraient les voir cantonnés dans les seules 4 aires de stationnement installées en Corse (plus de 3 000 en France) . [depuis 2007,la situation s’est améliorée: on trouve en 2016 16 aires de service, sans compter les campings]
Sur le chemin du retour (le ferry Bastia-Savona), nous nous sommes attardés en Italie, le pays de la plus grande tolérance aux « campers » comme disent les italiens.
Une grande aire de stationnement près de Savona, un air de stalag à deux pas des plages huppées de la Riviera ligure. Des familles y passent des semaines entières, la table de camping coincée derrière le pot d’échapement du voisin . La plage en face, les apéros entre voisins, le linge qui sèche entre deux véhicules, la queue aux sanitaires rien ne semble s’opposer au bonheur simple de ces camping-caristes qui viennent de Milan, Turin, gênes …
On retrouve la même simplicité (le même sans-gêne?…) dans des sites plus reculés. C’est le cas de ce campement improvisé au bord d’un lac de montagne en haut du col de la Lombarde (2350 m) . Sans doute, ces campers, ravis d’avoir découvert ce petit paradis, n’ont-ils pas conscience qu’ils mettent en péril le fragile équilibre faunistique et floristique de ce site.
On se prend à rêver d’un pays où la liberté d’aller, venir, stationner pour ses loisirs ne serait limitée que par les impératifs de la sauvegarde des sites et le respect des autres usagers. Un pays sans barrières . La Suède , en somme… le soleil en plus !
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