Victime de mon inculture, je croyais la Corse uniquement couverte de maquis impénétrables propices à cacher les fugitifs ( La fuite aux Agriates de Marie Ferranti ). J’ignorais l’existence des forêts corses et de leur emblême : le pin Laricio. C’est un arbre splendide, au tronc parfaitement rectiligne qui pousse très lentement mais peut atteindre 50 m et vivre 1000 ans. De quoi impressionner les marins qui avaient parcouru les îles calcaires et pelées de la méditerranée lorsqu’ils entraient dans ses immenses forêts denses et lumineuses comme celles d’ Aïtone, d’Asco ou de Vizzavona. Les pluies et le granit des montagnes corses font bien leur travail !
Essence de pleine lumière, le laricio supporte aisément les contrastes climatiques de la montagne corse, avec ses étés doux et ses hivers rigoureux. Préférant l’humidité, il ne redoute pas la sécheresse. En fait, il ne craint que le calcaire (on dit qu’il est calcifuge). C’est pourquoi il abonde dans les massifs de la Corse du nord, cristalline ou granitique,
dont il affectionne les sols acides, souvent pauvres.
Un patrimoine qui craint surtout le feu
Tous les dépliants touristiques vous diront que le pin Laricio constitue une des richesses très convoitée de l’île malgré les pentes qui rendent l’exploitation difficile.
Les gênois en faisaient des mâts de navire, l’administration française a mis sous la protection des forêts publiques le géant à la croissance si lente, l’ONF a construit un magnifique réseau de routes forestières pour les acheminer dans des conditions meilleures que sur les anciens chemins muletiers.
Ce que nous avons vu, nous incite à penser que l’exploitation reste parcimonieuse. Les sources même autorisées sont bien incapables de savoir ce que l’on fait du bois corse :
Pour certains, l’industrie du meuble de l’Italie du nord en serait le principal utilisateur comme bois massif ou tranché pour les plaquages. D’aucuns prétendent même que les Italiens seraient les détenteurs d’un procédé industriels permettant le déroulage des billes de laricio. Mais Joseph Luciani, le principal scieur de l’île qui traite près de la moitié de la production locale vous détrompe immédiatement : « les Alsaciens et les Allemands sont aujourd’hui mes principaux clients » dit-il.
Aujourd’hui c’est le feu, plus que l’exploitation qui le menace, mais depuis les grands incendies de l’année 2000 (Restonica et Vivario) de nombreuses associations se sont constituées pour défendre la forêt enrôlant même Laetitia Casta, petite-fille de garde forestier. Du camping de Tatone, nous avons vu les dernières fumées d’un feu qui s’était déclaré la semaine précédente. Plusieurs jours de suite, les hélicoptères et les pompiers sont intervenus sur quelques foyers encore fumant susceptibles de faire redémarrer l’incendie.
Respect
Le pin Laricio est un symbole qui résume à lui seul le splendide isolement de la Corse. Dispersée à l’origine dans les montagnes du bassin méditerranéen, l’espèce pinus nigra a produit plusieurs variétés dont l’une, appelée laricio corsicana, confortée par 4 millions d’années d’insularité, ne croît qu’en Corse, à l’état naturel.
En Corse, le pin laricio inspire plus le respect que la convoitise. Contrairement au châtaignier qui est l’arbre « à pain », objet de tous les soins et autrefois de nombreux différends entre familles, le laricio est l’essence noble par excellence.
C’est aussi un pur objet d’admiration qui incite à la contemplation et à la méditation. Les forêts Corses sont splendides, les troncs si hauts et si droits qu’ils laissent toujours passer la lumière, le bruit du vent dans les aiguilles si léger qu’on ne ressent jamais cette pointe d’inquiétude que font naître les forêts obscures et oppressantes.
Dormir dans le camping municipal d’Asco ( à 1200m d’altitude) sous les pins Laricio est un vrai plaisir. C’est un endroit parfait pour lire Jim Harrison.
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