La première fois qu’on a rencontré Betty, au tout début du mois d’août , c’était pour aller la chercher, moyennant la grande échelle, bien en haut dans le pin sylvestre. Cette jeune chatte, encore bébé, très, très intéressée par la grimpette, n’avait aucune idée de la technique de la descente et avait mobilisé tout le voisinage par ses miaous déchirants. Peu de temps après et quelques griffures en plus, Danièle la confiait à Céline, notre voisine qui, malgré son sens élevé des responsabilités de maîtresse de chat, n’avait pu braver le terrible vertige qui la frappe dès qu’elle se trouve perchée sur la moindre chaise.
La petite Betty était depuis deux jours à La Buchette et son goût pour l’aventure et l’exploration n’était pas épuisé. C’est ainsi qu’elle se retrouva rapidement dans notre maison, visitant partout de la buanderie à la chambre, du placard à la terrasse. Il ne lui fallut pas longtemps pour venir s’incruster en pleine nuit entre nos deux oreillers. Sans vergogne. Que faire de cette adorable passagère clandestine ?
Lorsque j’eus expliqué à Danièle que Céline cherchait à la donner, il ne fallut pas longtemps pour qu’on décide de l’adopter. Après tout, depuis la disparition de Zazie, la place était libre même si on pouvait penser qu’elle était irremplaçable.
Céline organisa alors la passation des pouvoirs, les recommandations et le carnet de santé de ce précieux bébé, dont nous apprîmes la courte mais dramatique existence : Céline est dans un bistrot à Romans ; un couple se dispute à coté : l’homme est violent, sans doute alcoolisé, la femme serre dans ses bras un petit chaton. L’homme veut s’en prendre au chaton, menace : « tu vas voir ce que j’en fais de ton chaton, je vais lui écraser la tête ». Céline, n’écoutant que sa passion protectrice des animaux, s’interpose ; elle arrache le chaton des mains de celle qui ne peut plus le protéger et l’emporte avec elle.
Betty allait donc connaître enfin la sérénité à la Buchette dans une famille adoptive heureuse de l’accueillir.
Vite dit.
Le lendemain au retour d’une course, nous retrouvons Betty sur trois pattes, miaulant désespérément au moindre mouvement. Vétérinaire, radio, la patte est cassée au niveau de l’humérus , il faut l’opérer et fixer une broche.
Et nous ramenons Betty avec un beau bandage jaune et la consigne médicale impérative : repos absolu. Mais comment faire ? Réponse du corps médical : trois semaines dans une cage d’un demi-mètre carré.
Les trois semaines sont passées, dans la cage règlementaire, malgré les miaous déchirants d’appel à la liberté. Nous n’avons pas eu le cœur de refuser à la recluse la courte promenade, bi-quotidienne, du condamné. Mais quelle angoisse de la voir sauter dans les plantes vertes ou courir à fond la caisse après les mouches !
Heureusement, après deux mois tout va bien. L’os est ressoudé ; les broches, trop longues, ont été recouvertes par l’os en croissance…
Et Betty ne tient pas en place, passe ses nuits dans le quartier à chasser les souris ou à courir le guilledou – laissant ses maîtres dans l’inquiétude .
Vous savez : c’est comme avec les enfants qui ont été malades,