Lebanon, primé Lion d’Or au festival du cinéma de venise, est actuellement en haut de l’affiche, après une série de films et de livres qui reviennent, 30 ans après, sur la guerre civile du Liban ( 1975-1990). On devrait d’ailleurs parler des guerres du Liban tant les voisins syriens, israéliens ont multiplié les intrusions sanglantes dans cette histoire.
Bien sûr Lina ( l’ami d’enfance de Mona) m’avait dit de lire « Pity for the nation » de Robert Fisk paru en 1990 (Liban, nation martyre paru en français en 2007), mais je préfère lire des romans plutôt que des récits documentés de journalistes.
J’ai trouvé tout ce qu’il me fallait dans deux recueils parus en 2009, année où Beyrouth a été déclarée capitale mondiale du livre par l’Unesco.
Les douze auteurs de ce recueil ont en commun d’avoir vécu de près ou de loin la guerre civile . Chacun de leurs textes porte donc la trace, même décalée ou en filigrane, de cette récente tragédie. La Littérature Libanaise d’aujourd’hui offre ainsi un lieu de mémoire à un pays parfois tenté par l’oubli de lui-même.
Même si vous avez plus de 50 ans, vous n’avez sans doute pas de souvenirs très précis de la guerre du Liban qui a pourtant duré de 1975 à 1990.
Peut-être avez-vous vu « Le faussaire » sorti en 1981, le film de Volker Schlöndorf avec Bruno Ganz et Hanna Shygulla qui raconte le reportage d’un journaliste allemand sur la guerre du Liban, reportage qui le renvoie aux désordres de sa vie amoureuse ?
Vous vous souvenez plus sûrement de « nos » otages au Liban : Marcel Fontaine, Marcel Carton et Jean Paul Kaufman des noms entendus 1000 fois autant que le nombre de jours de leur détention avec une mention spéciale pour Michel Seurat mort en détention, et aussi Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa et Jean-Louis Normandin et Roger Auque … Et vous avez peut-être lu « les corbeaux d’Alep » le livre de Marie Seurat paru en 1988.
Pourtant dès 1977 paraissait « La petite montagne » d’ Elias Khoury, récit poétique et engagé qui se termine par le cauchemar de ce que serait une guerre civile dans le métro parisien !!!
Cette première partie de la guerre garde un goût de révolution, les évocations de mai 68 ou du Chili d’Allende donnent une sorte de conclusion désillusionnée à ces romans. (y compris celui de Hyam Yared « Sous la tonnelle » paru en 2007 où une vielle dame ne quitte pas sa maison sur la ligne de démarcation pour y attendre un ami disparu dans les évènements de 68 à Paris.
Les Libanais eux-mêmes disent ne pas savoir comment la raconter, cette guerre complexe et interminable.
Wajdi Mouawad (l’auteur de« Seuls » la pièce interminable jouée à Avignon cet été) né en 1968 à Beyrouth, s’est installé au Canada à partir des années 1980 :
« Je n’ai rencontré aucun libanais qui soit en mesure de m’expliquer la guerre du Liban clairement ; D’ailleurs quand j’étais petit et que je posais la question très simple : qui tire sur qui ?, personne ne pouvait me répondre. Ce point est important. La guerre civile du Liban est très difficilement racontable aux générations qui l’ont subie…Pour ma part, il m’a fallu attendre ma vingtième année pour prendre conscience que mon enfance s’est déroulée en pleine guerre civile. Longtemps j’ai dit : « Moi je n’ai vécu que quatre ans de guerre ».
Georges Corm, qui dresse un portrait précis et documenté de l’histoire récente du Liban, dit autrement la complexité : « Les libanais sont morts de tant de façon différentes, pour des causes si multiples et sous le coup d’adversaires si divers, de l’extérieur et de l’intérieur. Ils ont ouvert la route de la mort à bien d’autres peuples ou communautés, dans les Balkans, en Afghanistan, en Tchétchénie….Il a été dangereux de s’émouvoir pour le Liban , car derrière chaque mort de Libanais, il était difficile de savoir qui se cachait : un Israélien, un syrien, un Palestinien, un phalangiste, un Frère musulman, Les Brigades Rouges, La bande à Baader, la mafia, un lybien… »
Paru en 1997, « Ville à vif » de Imane Humaydane Younes s’efforce de parler au travers des récits de quatre femmes (Liliane, Warda, Camillia et Maha) comment elles ont vécu la guerre au quotidien et perdu leurs proches
Et en 1998, c’est le film West-Beyrouth qui parle à tous les jeunes libanais de ce qu’ils ont vécu et dans lequel ils se reconnaissent. Une manière de resituer des vécus partiels, des souvenirs fragmentaires dans un récit collectif si complexe.
Et puis, la guerre de 2006 lancée par Israël sur le Liban (33 jours de bombardements qui détruisent tout le sud de Beyrouth jusqu’à la frontière et tous les ponts de toutes les routes) construit une formidable résistance tranquille et fait remonter les souvenirs des libanais comme des israéliens. Des romans, des bandes dessinées, des films, des pièces de théatre (les deux parfois) dont on parle beaucoup comme pour exorciser le remord d’avoir laissé si longtemps les libanais tout seuls.
Souvenirs d’enfance de Zeina Abichared (qui dessine un peu comme Marjane Satrapi : » Persepolis ») qui a grandi pendant la guerre « Catharsis », « Je me souviens », « mourir, partir, revenir : le jeu des hirondelles » 2007, qui ressemblent à ceux de Darina Al-Joundi « le jour où Nina Simone a cessé de chanter » (2008). Comment vivait-on dans Beyrouth sans eau, sans électricité, avec la ligne verte entre Beyrouth-est et Beyrouth-ouest ? Comment c’était les tirs, les bombardements, les abris, les réfugiés qui s’installaient dans les appartements vides, ceux qui émigraient et comment c’était des enfants qui n’avaient jamais vu le centre-ville ou la corniche alors qu’ils habitaient à deux pas ?
D’autres ont silloné le monde, partant et revenant sans cesse vers leur pays. Témoin privilégié des évênements, Jean-Marc Aractingi, spécialiste de géostratégie, dans son autobiographie ‘La Politique à mes trousses’, évoque son enfance au Liban, sa venue en France afin d’y poursuivre ses études puis sa carrière de conseiller auprès de personnalités politiques du Liban, de la Centrafrique, des Comores et d’Haïti.
De leur coté, les israéliens enrôlés à 20ans dans une sale guerre se souviennent et racontent dans des récits autobiographiques pour ne pas devenir fous.
C’est « Valse avec Bachir » (2008 : le film , mais aussi le livre graphique ). Un Israélien, 30 ans après, essaie d’exorciser les rêves qui l’empêchent de dormir depuis l’invasion du Liban par Israël jusqu’à l’assassinat de Bachir Gemayel et aux massacres de Sabra et Chatila. C’est aussi « Beaufort » (2008), c’est « Lebanon » qui remontent tous aux débuts de la guerre. Vraie repentance ou autre manière de justifier Israël ???
Les libanais ont juste besoin de montrer la folie d’Israël pendant la guerre de 2006 ; c’est « Sous les bombes » (2007) tourné par Philippe Aractingi pendant la guerre de 2006 avec des comédiens et des libanais, mais aussi « Je veux voir »(2008) , un peu semblable mais dans lequel joue Catherine Deneuve.
« Chaque jour est une fête » nous amène sur les routes de l’arrière-pays libanais avec le récit de 3 femmes en direction d’une improbable prison . Parmi ces trois réalisateurs, seul Philippe Aractingi semble un peu enraciné au Liban ; les autres semblent déjà loin, comme si le jour où le Liban sera vraiment libre et en paix, il risque de ne pas y avoir beaucoup de libanais pour y assister.
Car le Liban reste un pays où le conflit affleure constamment. Dans « Falafel » (ci-dessous) film de Michel Kammoun sorti en 2008 en France, la jeunesse beyrouthine s’abandonnerait bien à l’insouciance de son âge mais la violence sous-jacente de la société rattrape vite les protagonistes.
Les attentats n’ont pas visé que les chefs politiques . Les journalistes ont payé un lourd tribut pour leur liberté de parole (Samir Kassir Juin 2005, May Chidiac septembre 2005, Ghassan Tuéni décembre 2005). Samir et Ghassane sont morts, May se déplace en fauteuil roulant et a démissionné de son poste de journaliste politique.
Et tout le monde s’interroge sur la future guerre d’Israël au Liban contre le Hezbollah …
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WAWWW !Je suis tres impressionnee ! Et j’ai un peu honte en meme temps car sur tous les films et les livres que tu as cites, j’en connais moins que 5 ! Tu seras donc ma reference bibliographique from now on 🙂 Bisous
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Géniale idée de nous donner ainsi la panoplie des publications, écrites et filmées sur cette histoire récente du Liban . Bises.
Hanna et Alain
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