Piétons à Beyrouth

Nous sommes hébergés à Beyrouth-Ouest, pas très loin du centre-ville. Nous avons donc annoncé notre projet de visiter aujourd’hui la ville à pied.

A pied ? nous interroge-t-on, l’air consterné. On peut sans problème vous fournir une voiture ! Non, c’est mieux de découvrir une ville à pied. Mais, c’est dangereux, vous pouvez vous faire écraser dix fois et puis , avec cette pollution …

On a vite compris que les beyrouthins ( à part les bonnes asiatiques, les très pauvres  et les scolaires … )  n’envisagent jamais de sortir sans leur voiture. D’ailleurs le moindre piéton sur un trottoir est repéré, klaxonné par tous les taxis services qui ralentissent pour lui proposer la course. Un piéton, ça ne peut être qu’un conducteur en panne ou quelqu’un qui n’a pas trouvé de taxi.trottoirs.1264619226.jpg

Ne parlons pas des suicidaires qui voudraient se déplacer à vélo. Durant notre séjour, nous n’en avons croisé aucun.

C’est vrai que , quand on met un pied dehors, on commence à comprendre : les trottoirs sont régulièrement envahis par des voitures qui n’ont rien à y faire . les piétons n’ont pas d’autre choix que de contourner par la chaussée, à leurs risques et périls . Rajoutez à ce danger les errements du revètement des trottoirs, les trous qui surgissent au coin d’un carrefour et vous aurez une petite idée des périls qui vous menacent.

Le quartier , autour de nous est assez composite. Plutôt épargnées par les destructions de la guerre civile, la majorité des constructions datent des années 70. Mais on trouve aussi, derrière des portails, au fond des cours, des petites merveilles entourées d’orangers, ces vielles maisons du siècle dernier, un beyrouth hélas disparu.

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Les libanais sont des batisseurs, les chantiers sont partout.

maison-ruine.1264671517.jpg Après chaque conflit, il ne se passe pas longtemps avant que les grues (pas trés utilisées, même pour les immeubles en hauteur , on leur préfère des échaffaudages mobiles d’une stabilité douteuse) rentrent en action.  Mais la réhabilitation des batiments anciens c’est une notion complètement absente. Ainsi, dans la rue, plus bas, ces vieilles maisons aux balcons à double arcade typique du style beyrouthin sont abandonnées à l’état de ruines.

Nous voici vaillament partis en expédition vers le centre ville qui occupe une cuvette débouchant sur la mer. Cette partie de la ville a terriblement souffert des destructions de la guerre civile.

il ne restait plus grand’chose des immeubles traditionnels de Beyrouth. Sous l’impulsion d’Hariri, premier ministre et homme de confiance des milliardaires saoudiens, le choix a été fait de tout reconstruire à neuf : table rase dans un style Hausmann matiné de byzantin. Heureusement la belle pierre dorée de la montagne proche a partout été utilisée avec habileté . Témoin cette mosquée bleue, la mosquée Mohammad al Amine, le plus vaste bâtiment religieux du Liban, ( que tout le monde appelle la mosquée Hariri) :

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Des souks de Beyrouth on n’a gardé que le nom, un moderne Mall au style orientalisant doit bientôt les remplacer.

immeuble-centre.1264687207.jpg Résultat, un centre ville qui attire du monde : curieux ou adeptes du shopping grâce à la multitude de commerces de luxe, flaneurs dans  ses grands cafés et restaurants, cadres et employés affairés dans les multiples bureaux et sièges sociaux. Mais finalement personne n’y habite, surtout pas les couches populaires qui avaient auparavant leur place dans le vieux Beyrouth.Et puis la tâche n’est pas terminée : l’église  Saint-Vincent de Paul attend les résultats d’une souscritption pour sa rénovation.   Le théatre expose les ferrailles tordues et le béton éclaté par les bombes. Les fouilles archéologiques qui ont permis, suite aux destructions, de mettre à jour les étages phéniciens, romains etc. de la ville, sont au point mort.

Et plus loin vers la mer, le front des immeubles flambants neufs laisse la place à un immense terrain vague, cloturé de barrières où circule une noria de camions de chantier.

chantier.1264691395.jpg C’est la zone des remblais, qui gagnent petit à petit  sur les fonds marins. Le projet ? Deux ouvriers syriens , qui prennent l’air à l’entrée du chantier nous en livrent l’essentiel  : Un parc public (la verdure est rare dans la capitale !), deux marinas, des immeubles de bureaux. L’aménagement, un temps en panne, avait même intégré un éventuel circuit automobile. Souhaitons-lui l’oubli définitif . Comme s’il  n’y avait pas assez d’automobiles dans cette foutue ville !

Un peu plus loin démarre la zone des grands hotels du front de mer. Quatre et cinq étoiles : un repaire luxueux pour les hommes d’affaires du monde entier et les touristes fortunés du moyen-orient.

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Plus loin, face au yacht-club, c’est l’endroit précis de l’attentat contre Rafic Harir.

memorial-hariri.1264778546.jpg Le 14 février 2005, le premier ministre et sa suite sortent en cortège d’une réunion au parlement et longent le bord de mer en direction de la corniche  d’ Ain el Mreisse, lorsqu’une camionette garée sur le coté et remplie de 500Kg d’explosifs est mise à feu. 22 morts dans l’attentat. Dans sa voiture blindée, Rafic Hariri est retrouvé grièvement blessé. Il décédera à l’hopital dans les heures qui suivirent. Depuis cinq ans l’enquète est confiée à une commission internationale indépendante et vise les services secrets syriens et/ou les forces spéciales du Hezbollah

Nous passons devant le mémorial qui signale l’emplacement du cratère de 20 m de large occasionné par l’explosion.

corniche-orange-pressee.1264780867.jpg Une pause au bord de la mer, sur la corniche d’ Ain el Mreisse. Le temps de s’assoir , de déguster un jus d’oranges fraichement pressées ramené par Mona et nous voilà partis à escalader la petite hauteur qui domine la colline et qui abrite l’université américaine de Beyrouth.C’est un peu plus loin que commence le quartier Hamra , jadis quartier  » rive gauche » de la capitale avec ses cafés branchés, ses rencontres d’intellectuels , aujourd’hui banalisé et envahi de magasins de fringues et de fast Food.

Sur le chemin deu retour, nous longeons la tour Murr. Ce gratte-ciel de 35 étages ponctue depuis 40 ans le paysage de Beyrouth sud-Ouest, avec sa série interminables de fenêtres vides, ses façades criblées d’impacts de balle . Sa construction fut interrompue par la guerre civile. Dès lors elle fit office de repaire pour tous les snippers de tous poils et de toutes milices. Après la guerre la perspective d’une réhabilitation présenta des difficultés du coté patrimonial : pas d’accord des propriétaires ( la famille Murr a fourni plusieurs ministres au Liban) . Et puis sur le plan technque, les architectes ont émis quelques doutes sur la solidité du gros oeuvre.  Bref les projets de rénovation sont encore dans les cartons . Finalement la tour Murr devient un symbole ici à Beyrouth.

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2 commentaires sur “Piétons à Beyrouth

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