Etrange épidémie !
Non contente de semer la panique d’un bout à l’autre de la planète, d’envoyer au cimetière 800 000 terriens à ce jour, cette épidémie excite les esprits et transforme les plus placides en passionaria (ou -o) d’un camp ou d’un autre.
J’en sais quelque chose, vu que je suis placé entre deux types de combattants opposés, de quoi craindre les balles perdues. Tous les deux sont retraités et ont passé depuis plus ou moins longtemps les soixante ans.
Commençons par Philippe, qui habite Venise depuis toujours (enfin presque, je l’ai connu aussi dans sa vie française). Au moment où tout le monde parlait de « grippette » en France, c’est grâce à lui que l’épidémie a pris, à nos yeux, un peu de consistance, une vraie réalité jusqu’à ce que nous annulions début Mars notre voyage vers la Sérénissime.

Philippe a survécu dans une Vénétie confinée parmi les premières régions d’Europe. Pendant toutes ces semaines, il a tenu sur Tweeter une chronique régulière des chiffres italiens présenté par la protection civile. Dans un appel adressé à ses amis français, il s’inquiétait de l’insouciance qui régnait encore chez nous où l’épidémie observait un retard de 8 jours par rapport à l’Italie du Nord
RESTEZ A LA MAISON !!! tel était le message qu’il martelait sur son blog, sur les réseaux sociaux.
Au moment du déconfinement, Philippe n’a pas quitté son attitude inquiète face à l’épidémie. A chaque relâchement programmé des mesures de protection, il s’insurgeait devant cette hâte coupable des autorités. Il a ainsi refusé cet été de rejoindre son épouse en France, vu les mauvais signes de reprise de l’épidémie de ce côté des Alpes.
Jean se trouve à l’opposé. Cet ami de quarante ans est viticulteur, on se voit aux vendanges et puis sur Facebook.

Comme beaucoup d’agriculteurs qui ont pu continuer à se déplacer, à travailler leurs champs, il n’a pas été personnellement gêné par le confinement. Mais il s’inquiétait des restrictions qui pesaient sur son activité : annulation des foires au vin, fermeture des bars et restaurant, exportation en berne du fait des taxes imposées par Trump sur les vins français. Il n’a pas tardé à se rapprocher des coronasceptiques contre la « dictature sanitaire » et au nom des libertés fondamentales, partageant sur Facebook les publications de Jean-Dominique Michel puis celle du Professeur Raoult, recommandant la lecture de son livre. Le point commun : l’épidémie n’est pas si grave, elle est appelée à disparaître, les autorités en profitent pour restreindre les libertés, le système politico-médico-médiatique s’acharne à discréditer le seul traitement efficace : la Chloroquine !
Entre les deux, nous observons les jeunes dans notre entourage, qui se soucient fort peu des querelles académiques. Vaille que vaille, ils se sont soumis avec difficulté aux restrictions du confinement. Maintenant, ils attendent impatiemment de pouvoir reprendre leur liberté, bouger, voir leurs amis, faire la fête ….
Alors c’est vrai que cette épidémie (et surtout la reprise actuelle en Europe) ne fait rien pour clarifier nos débats :
Des contaminations en hausse rapide, qui contrastent avec des hospitalisations stables voire en légère augmentation. Des jeunes, asymptomatiques (la moitié des cas) sont détectés grâce à des tests enfin nombreux, ils ont peu de risque de développer des formes graves. Rien à voir avec la situation de février-mars !
La situation donne un avantage aux tenants de la thèse de la disparition de l’épidémie. Même si leurs arguments n’en sont pas plus convaincants. Peu importe qu’on évoque la saisonnalité, l’immunité collective, les mutations d’atténuation ou l’adoption d’un traitement miracle, aucune de ces hypothèses n’a, à ce jour, bénéficié de preuve recevable, voire définitive.
Du coté des autorités, on craint le pire pour la suite, les cas positifs donneront inévitablement les hospitalisations de demain et les décès d’après-demain. Taxés de cécité et d’impréparation en Mars, ils ne voudraient pas se laisser surprendre par une reprise incontrôlée de l’épidémie et multiplient les mesures parfois excessives.
Ce resserrement des restrictions peut apparaitre décalé par rapport à une situation où les menaces sont encore vécues comme abstraites.
Les querelles n’ont pas fini de prospérer… l’avenir seul les départagera à condition que chacun s’astreigne à juger des faits et non à rechercher à tout prix confirmation de ses opinions.