A la différence de l’année dernière où nous avions des envies d’horizons lointains (Maroc et finalement Portugal), nous n’avions pas prévu pour cette fin d’année de nous éloigner de la Buchette. Mais lorsque Philippe nous a parlé de son projet de Toscane et plus loin, l’Ombrie, l’idée a fait son chemin.
Et finalement le fourgon était prêt à partir, avec son équipage ( le chien , le chat et les maîtres ) , le lendemain matin de Noël. C’était la première fois que nous allions partir avec un autre camping car. Philippe et Béa avaient amené leur fils Léopold. Ils ont toujours rencontré plus de succès que nous auprès de leurs enfants pour les escapades motorisées.
Nous avons rapidement trouvé un modus vivendi (ou plutôt movendi) qui convenait à tout le monde. Chaque matin, nous définissions la cible pour l’étape du soir, libre à chacun d’y parvenir selon son rythme et ses envies.
Mais de fait, il n’était pas rare de se retrouver ici en haut d’un col à l’entrée du Mugello, l’accès nord de la Toscane, pour une petite randonnée ou là
dans la petite ville renaissance de Gubbio, adossée à un éperon rocheux impressionnant, dominé par la cathédrale San Ubaldo, havre de paix après une longue ascension entre les cyprès et les oliviers.
Cette manière d’avancer de conserve est sans doute à l’image de notre compagnonnage à Philippe et moi : les étapes sont plus ou moins longues, les itinéraires divergent parfois, les distances souvent s’allongent mais le lien s’est toujours maintenu depuis le moment où, il y a trente ans, nous nous sommes retrouvés journalistes militants dans le même journal quotidien. Quatre ans plus tard, c’est aux fourneaux que nous partagions l’aventure du Café de la Plage, un restaurant–librairie orienté vers la bande dessinée. Malgré son parcours ultérieur au profit d’une autre passion : la radio, Philippe est resté une fine gueule et un cuisinier inventif et curieux.
Et, de fait, la fin de l’automne en Toscane est une période intéressante pour un parcours gourmand : c’est en décembre que l’on trouve à la vente l’huile d’olive nouvelle de l’année. En effet, le gel précoce sur les collines de Toscane amène les producteurs à récolter plus tôt que dans les régions plus méridionales : selon les connaisseurs, il en résulte une huile plus « verte », un peu trouble, légèrement âpre et moins acide que celle provenant de récoltes plus tardives.
C’est aussi la période où les marchés forains sont particulièrement riches aux approches des fêtes : les parmesans frais découpés après un ou deux ans de mûrissement, la Mozarella di buffala flottant dans de grands seaux de petit lait, la charcuterie du nord de l’Italie avec son speck ( un jambon crû fin tranché), sa Bresaola ( sorte de viande des Grisons, en plus moelleuse). Et puis de magnifiques oranges de Sicile qui arrivent juste à maturité. Et une multitude de légumes verts : salades mélangées, cerfeuil, bettes, épinards et rapa, une rave dont on consomme les feuilles.
La Toscane est aussi un grand fournisseur de champignons : les cèpes, les bolets, les girolles à tous les étals et puis un des meilleurs terroirs pour la truffe : il tartuffo , surtout la blanche – Tuber magnatum Pico qu’on ne trouve qu’ici, vendue dans les villages. Cela nous a incité à quelques expérimentations culinaires. La truffe fraîche n’a rien à voir avec ce qu’on trouve en conserve, à condition de maîtriser suffisamment les préparations. Le parfum puissant a vite empli le petit volume du fourgon.
Nous avons laissé à l’Ouest les riantes collines de Florence pour aborder l’Ombrie à la végétation plus dense et plus austère. Précisément la haute vallée du Tibre qui alimente le fleuve jusqu’à la capitale. Sur son parcours, de vieilles villes dans leurs remparts ( città di Castello, San Sepulcro …) et évidemment Perugia, la capitale de la région et le siège de l’université pour les étrangers qui viennent du monde entier pour apprendre la langue et la culture italienne. Le centre historique se trouve perché sur un promontoire qui domine la vallée et les faubourgs qui s’étagent le long des pentes. La circulation automobile, quasiment impossible, a amené la ville à développer des modes alternatifs de déplacement. On marche beaucoup à pied et lorsque la pente est forte, on trouve des ascenseurs ou des escaliers mécaniques.
Particulièrement dans la Rocca Paolina, cette forteresse ancrée dans le rocher et qui accueille dans ses couloirs, ses rues souterraines, ses escaliers une foule de piétons en marche. Au-dessus, l’air de rien, une esplanade, des jardins et la préfecture.
Perugia est une halte apprécié de nos amis Camping-caristes (on dit simplement Camper) italiens, principalement le parking Bove (on prononce Bové , même si José n’est pas très connu là-bas) qui se trouve plein ce jour-là. De toute façon, les Campers sont nombreux sur les routes italiennes, et en toute saison. Dans la moindre bourgade, on trouve des haltes bien équipées de toutes les commodités. Cette ville est vraiment intéressante, il faudrait au moins trois jours pour épuiser notre curiosité dans le dédale de ses ruelles et de ses monuments.
Hélas, il faut se rapprocher de notre retour. Un crochet par Corciano, village historique à 10 km à l’ouest, commune jumelée avec Civrieux d’Azergues où j’ai longtemps vécu et où les enfants ont leur deuxième maison. Les affiches signalaient dans toute la région la crèche et les santons (i presepi) installés partout dans le village, dans une étable, dans des cours, un atelier, sur la place pour représenter la vie des villageois et des différents métiers dans le temps jadis.
Nous finissons la journée au bord du Lac Trasimène, le plus grand lac de l’Italie centrale, à Tuoro, sur le site de la terrible bataille où Hannibal défit les légions de Flaminius. 16000 soldats y trouvèrent la mort. On dit que les eaux du lac en furent rougies pendant plusieurs jours. Sur la rive, sont dressées, depuis quelques années, des colonnes, œuvres de divers artistes, taillées dans cette pierre sombre et dure qu’on trouve dans la région. Le matin du 31 nous reprenons la route jusqu’à Modène. Modène c’est le berceau de Ferrari et la capitale du vinaigre balsamique.
Il ne faut cependant pas oublier que le centre historique est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est là que nous passerons le réveillon, dans le fourgon de Philippe et Béa avec foie gras, gnocchi au saumon et prosecco à volonté. Mais bien avant minuit les habitants des environs convergent vers le centre. Nous sommes entourés de familles, de bandes de jeunes munis des feux d’artifices les plus sophistiqués – et les plus bruyants. Moins courageux que nos compagnons de route, nous irons finir la nuit sur un parking un peu à l’écart.
Avant de reprendre le tunnel du Fréjus, nous voyons la neige fraîche sur les pentes des contreforts alpins. Ça y est, l’hiver regagne un peu de terrain.
A mon tour, je vous la souhaite bonne, heureuse, aventureuse, amoureuse avec un brin de fantaisie… Enfin, un peu comme celle qui vient de s’écouler, avec en plus, une réalisation de vos voeux les plus enfouis, ceux que vous n’osez même pas vous avouer tellement ils sont trop…
Bises à toute la grande famille.
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Bravo et merci pour ce voyage virtuel.
A bientôt.
Marc
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