Tous les antillais parlent le créole à la maison,dans la rue. Mais il n’avait pas droit de cité dans l’école – l’école républicaine de la métropole- . Les familles mettaient la priorité sur l’apprentissage et la maîtrise du français, véritable sésame pour améliorer sa position et peut-être trouver un poste dans l’administration.
Mais depuis quelques années le créole ne se cache plus , il s’affirme.
Issu principalement du français pour le vocabulaire et des langues africaines pour la syntaxe le créole est né au début de la colonisation. Il permettait alors à des populations très différentes de communiquer entre elles. De langue simplifiée servant seulement au troc et aux relations de travail maître- esclaves, le créole est devenue, au fil des siècles, une langue à part entière. Ses qualités d’expression ont donné naissance à une littérature et à une poésie d’une étonnante richesse.
Contrairement à la plupart des langues régionales métropolitaines, le créole est aujourd’hui encore, parlé par la totalité des Antillais, qu’ils soient noirs, hindous ou blancs. Cette langue est également devenue un moyen d’affirmer une identité, la « créolité », après la » négritude » développée par Aimé Césaire :
<< Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. Cela sera pour nous une attitude intérieure mieux : une vigilance, ou mieux encore, une sorte d’enveloppe mentale au mitan de laquelle se bâtira notre monde en pleine conscience du monde. >> ( jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphël Confiant – Eloge de la créolité) >>
Ce mouvement a participé à la constitution et à la diffusion du créole comme langue écrite. Mais aussi à la multiplication de spectacles en créole.
Joby Bernabé tient une place particulière sur la scène antillaise. Joby Bernabé, c’est d’abord une voix sans nulle autre pareille, grave, profonde et forte. Ce sont aussi un regard et des mots, en créole, en français, sur la Caraïbe, le monde, leurs beautés et leurs maux. Il s’est imposé comme l’un des plus grands poètes de la Martinique, et sa notoriété dépasse aujourd’hui les frontières de son île.
Ce n’est pas un hasard si Bernabé se produit à Fonds Saint Jacques cet ancienne habitation liée à une plantation et une sucrerie du Coté de Sainte-Marie , sur la côte Nord-Est. 500 esclaves y vivaient autrefois sur une exploitation de 253 hectares. L’habitation autrefois propriété des pères dominicains, dépend maintenant du Conseil général qui reconstitue patiemment le patrimoine architectural.
Depuis quelques années, Fond Saint Jacques s’ouvre au monde, à la création et à l’avenir, il est devenu Centre des Cultures et des Arts de la Caraïbe, lieu de patrimoine historique d’où jaillit l’expression artistique contemporaine.
C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à une de ses soirées à écouter poèmes et contes, en créole et aussi en français , passant de l’un à l’autre.
Et en » vedette américaine » un groupe musical « Sweetness » qui acclimate le gospel et la priere aux rythmes caribéens .
Ils illustrent ainsi la vitalité nouvelle de la religion dans les Antilles. Si le catholicisme est arrivé sur l’île en même temps que les colons au XVII e siècle, un protestantisme organisé ne s’est implanté dans l’archipel qu’après la seconde guerre mondiale. D’abord les adventistes, puis les autres évangéliques.
Une seconde vague de création d’Églises a eu lieu dans les années 1980 avec l’apparition d’une multitude d’Églises indépendantes créées par des pasteurs africains teintés de culture américaine.
Nous sommes là quelques « blancs France » parmi une assistance très familiale d’Antillais qui reprennent les refrains de la musique, qui répondent aux sollicitations de Joby Bernabé. Heureux de se retrouver pour une soirée particulièrement sereine et conviviale.