Les multiples vies des objets et des maisons

Norbert est le champion du recyclage et m’initie à la circulation des choses qu’il voit comme un métabolisme qui accompagne nos propres cycles de vie. Il dit que chaque étape de notre vie change notre environnement matériel domestique : mariage, naissance des enfants, divorce, déménagement, décès des ascendants, départ des enfants…  A chaque échéance, nous sommes acculés à un choix existentiel :

·         Conserver : combien avons-nous visité de maisons – avant d’acheter la nôtre- où les propriétaires vieillissant avaient conservé en l’état la chambre de chacun de leurs ados  partis depuis longtemps (les posters sur les murs, les maquettes du garçon, les peluches de la fille…).

·         Jeter et racheter : La société de consommation nous y pousse tous et finalement nous sommes tentés de repartir à zéro dans un nouvel environnement d’objets neufs lorsque nous abordons une période nouvelle de notre vie. 

·         Les objets ont peut-être aussi droit à une deuxième vie (ou une troisième….) quand ils n’ont plus leur utilité dans un certain contexte domestique. Alors recyclons, récupérons, vendons, échangeons, rénovons avant de jeter !

bruynzeel.1303219916.jpg Les étagères Bruynzeel dont nous étions tous les deux propriétaires et que nous avons mises en commun lorsque nous nous sommes mis en ménage. Celle de ma première cuisine (rue Broca- 1973) peinte en bleu est maintenant dans la chambre de Filo après avoir été décorée par Claire qui l’avait dans sa chambre à La Buchette. Mais nous en avons bien d’autres qui servent dans les dressings successifs ou bien sont démontées et rangées en attente du déménagement de l’un ou l’autre. Claire les a eues comme bureau à Lyon et c’est maintenant dans le dressing de Nora qu’elles continuent leur vie.

La commode Ikea de ma chambre parisienne a trouvé sa jumelle venant de Norbert et elles vivent côte à côte à l’étage de La Buchette.

Clara veut bien de ma table basse Habitat qui a plus de 30ans que tout le monde aimait bien mais dont personne ne voulait pour cause de vernis défraichi. Poncée et revernie, elle est comme neuve pour qui vit au ras du sol sur des tapis.

Mon lit parisien a eu une vie encore plus étonnante : partagé en deux lors de notre arrivée à Lissieu, il est devenu lits d’enfants. Réuni pour un locataire très grand, très exigeant et absentéiste, il a peu servi. Descendu dans la chambre zen, il a été remonté dans celle d’Andréas et de Mona qui y ont laissé le leur, récupéré depuis par Clara qui a rangé le sien dans la chambre zen.

armoire-paris.1303220109.jpg Il y retrouve maintenant l’armoire Louis-Philippe en acajou de cuba que Norbert avait récupéré pour trois sous au fond de l’entrepôt d’un brocanteur de la porte de Clignancourt à Paris qui y entreposait ses outils. Ramené à Lyon l’armoire branlante est confiée à Doumé, éducateur reconverti en ébéniste-restaurateur qui saura lui redonner la solidité de sa structure et la luminosité éclatante de son placage.

Le buffet d’Hanna, jugé trop grand pour le séjour de Civreux et promis à la vente, est resté un moment dans la chambre zen, puis partagé en deux, a retrouvé sa place à Civrieux avant de partir chez Nora.

 

Mes canapés parisiens qui avaient servi dans la salle commune des enfants sont partis chez le frère d’Elodie, pendant que le canapé donné à Claire par sa voisine de la rue Palais-Grillet a terminé sa vie chez les VG à Vaise.

Norbert avait acheté des chaises hautes pour chacun de ses enfants chez un artisan de Saint-Benoît dans l’Ain qui les fabriquait comme au siècle dernier. Entretemps, les enfants ont grandi et les chaises sont bien abimées. Un bon travail de rénovation est nécessaire avant de les offrir à la génération suivante. Décirer, décaper, poncer, reteinter, patiner avant de les confier à une rempailleuse qui me les rendra dans deux mois.

montage-chaise.1303220553.jpg

Lorsqu’il s’est agi de vider la maison familiale de Civrieux où les enfants ont vécu 25 ans, il a fallu répartir les meubles mais aussi dégager tous les placards, les cagibis, les celliers, le grenier. Trier des centaines de choses et finalement se débarrasser d’une marée d’objets hétéroclites sans savoir trop quoi en faire.

Nora et Clara ont pris leur courage à deux mains, encouragées par Quentin, et se sont retrouvées au vide-grenier de Morancé par ce beau dimanche d’Avril.

vide-grenier.1303220842.jpg

Norbert amènera les invendus au bric à brac de l’Oasis (l’équivalent d’Emmaüs à Villefranche).  

Restent quelques meubles ( avis aux amateurs:  une armoire à glace , un lit campagnard , un lit Ikea , une chambre d’ado ) qui ne valent pas le coup de se retrouver chez quelque antiquaire chic mais qui pourraient intéresser quelque acheteur sur leboncoin.fr

Et puis, il y a  donnons.org que nous venons de découvrir grâce à Chloé où presque tout peut trouver preneur et emporteur en un rien de temps. Et en tout dernier ressort, la déchetterie.

Il reste bien quelques objets qui échappent à ce métabolisme et stagnent au grenier ou sous un lit. Une table réparée par Norbert et à laquelle je suis très attachée, un canapé qui pourrait encore servir… peu de choses en fait.

armoire.1303221465.jpg Parfois notre amour pour certains objets nous amène à tenir compte de leur présence amicale lorsque nous faisons  des choix de vie ou de lieux. Ainsi Emmanuel ne peut emménager avec Marie dans un nouveau logement que si ce dernier est compatible avec la taille démesurée (plus de 2m50) du meuble qu’il tient de son grand-père, une belle armoire en acajou moucheté.

L’écologie nous a appris la nécessité de vivre en harmonie avec la nature sans qui l’homme est promis à sa perte. Mais il en est de même avec les objets qui nous entourent, si l’on ne veut pas épuiser prématurément les ressources de notre planète !

 

3 commentaires sur “Les multiples vies des objets et des maisons

  1. C’est joli et feerique cette petite histoire des objets qui, au fil des mots, sortent peu a peu de leur torpeur pour prendre vie sous nos yeux. On arrive presque a les entendre murmurer les histoires secretes d’autrefois, qu’eux seuls ont connues !

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  2. Le camarade Louis a aimé le sujet. Il lui a fait penser à ce poème d’Arthur Rimbaud:

    Le buffet

    C’est un large buffet sculpté; le chêne sombre,
    Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens;
    Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
    Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants;

    Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,
    De linges odorants et jaunes, de chiffons
    De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries,
    De fichus de grand-mère où sont peints des griffons;

    – C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches
    De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
    Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.

    – 0 buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,
    Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
    Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.

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