En tant que retraités, sans obligation dans le calendrier, nous évitons les déplacements pendant le sommet de l’été, les journées chaudes et la grosse fréquentation touristique. Cet été 2018, à un moment où la canicule a connu son meilleur millésime, nous avons fait le contraire.
34° à Die:
Danièle ne voulait pas rater le stage d’AÏkido du 21 au 25 juillet organisé à Die par la sympathique équipe du Club de Die. Nous logeons au Camping le Riou Merle, les arbres nous protègent du soleil. Le matin sur le tatami pour Danièle, ou en promenade avec le chien pour moi, l’après-midi sieste et lecture à l’ombre. Et le soir nous retrouve sur les petits chemins, le long du canal d’irrigation dominé par cette belle demeure ancienne aperçue derrière ses hauts murs. Au fil des jours le thermomètre monte. La canicule s’installe sur la France mais aussi sur l’Italie qui est notre destination suivante.
Heureusement notre trajet passe nécessairement par les cols des Alpes . Ce sera Montgenèvre (1860m) au-dessus de Briançon. La soirée est fraîche, mais les promenades butent rapidement sur le golf qui mange l’essentiel de l’espace du col. Nous ne nous attardons pas.
35° sur la plaine du Pô :
Nous savons que la traversée de cette grande vallée centrale de l’Italie du Nord dans notre camping-car non climatisé sera une épreuve. Aux alentours de midi, nous sommes dans les environs de Piacenza. En cherchant sur la carte une halte pour se rafraichir, Danièle choisit le petit village d’Arena Po qui suggère un bord de fleuve accessible. Une pancarte annonçant un restaurant attire notre attention : « Il Avamposto sul Grande Fiume » ! Nous imaginons déjà un repas sur une terrasse au-dessus de l’eau. Nous manquons de nous perdre à plusieurs reprises, et nous voilà finalement arrivés dans ce petit paradis.
Hélas ! Le restaurant est fermé jusqu’au premier août. Mais nous découvrons un peu plus loin tout un hameau basé sur la même structure : de vastes barges échouées sur la rive, aménagées en habitation légère, autant de petits Sam’suffit bricolés par les voisins astucieux des villages alentours.
Nous sommes en zone inondable, les crues du Pô sont redoutables. A cette occasion, ces maisons retrouvent leur vocation première. Elles se soulèvent avec le flot, bien amarrées grâce à des systèmes ingénieux de câbles, de bras et de passerelles mobiles.
19° dans la forêt de Casentino.
En descendant vers le Sud, après Bologne, Ravenne, on rencontre forcément la dorsale des Apennins (en empruntant la route SS3bis, dans un état lamentable, à déconseiller). Les hauteurs de la Toscane sont maintenant à notre portée.
Le camping de Badia Prataglia est à 1000m d’altitude dans la forêt créée, voici quelques siècle par les moines de l’abbaye voisine de Camaldoli. On y trouve de magnifique hêtres mais aussi des sapins blancs (abies alba) , qui doivent leur nom à la blancheur curieuse de leurs fructifications. C’est l’arbre européen le plus haut, des troncs élevés (jusqu’à 80m) d’une rectitude verticale parfaite. Il vit jusqu’à 500 ans et le diamètre de son tronc peut atteindre 2 mètres.
Juste au-dessus du camping on emprunte le sentier botanique qui nous donne tous les points de vue et les explications sur la réalité de cette forêt magnifique.
Cette étape nous fait un bien fou : deux jours de flânerie et de randonnées à l’ombre de ces géants.
Mais c’est plus loin et plus bas, en Ombrie , que nous sommes attendus.
28° dans l’eau du lac de Trasimène:
Ce grand lac situé dans une vaste cuvette au centre de l’Italie, est d’une faible profondeur : il faut parcourir quelques centaines de mètres pour dépasser le niveau de la taille. Cela explique la vitesse à laquelle l’eau se met à chauffer en période de canicule. Trop chaud pour se rafraîchir, mais les 28° sont un délice quand il fait 36° à l’extérieur. Je passe une bonne partie de l’après-midi à traînasser, les pieds sur le fond boueux, à bonne distance du rivage.
Le soir arrive, il faut reprendre la route. Nos amis sont à quelques km plus au Sud.
36° au col de San Paolo
« I casalli di Colle de San Paolo » , c’est l’adresse que nous avons rentrée dans le GPS. Nous voilà partis dans les collines plantées de vigne et d’oliviers, sur des chemins gravillonnés qui nous éloignent du bitume. Nous ne savons pas vraiment où nous nous dirigeons. Heureusement une voiture nous croise.
» vous êtes bien Norbert ? me demande le conducteur dans un français impeccable, suivez-moi! Je suis Sandro. »
Nous voici chez Paola et Sandro. J’avais fait la connaissance de Paola en vacance à Stromboli en 1975… En préparant mon autobiographie, je l’avais retrouvé sur Internet quelques mois auparavant et c’était là nos retrouvailles IRL, 43 ans après.
Paola est mariée depuis 40 ans avec Sandro, tous deux professeurs à l’Université de Naples, puis de Rome. Leur maison de campagne est belle, grande, les plafonds sont hauts avec de grandes fenêtres. Sandro nous raconte l’histoire du lieu. A l’origine un rêve de son père: trouver un domaine, dans la nature, où chacun des enfants – ils étaient cinq garçons – pourrait avoir sa maison. Cette quête avait bercé leurs étés, parcourant en tout sens les campagnes italiennes, jusqu’au décès du père, emporté avant de toucher au but. Mais, trois mois après, le rêve prends corps, suite à la proposition d’un intermédiaire. Les fils n’hésitent pas longtemps pour donner suite au projet paternel. Depuis quelques décennies, ce havre de paix, perdu au milieu des oliviers, réunit les familles dispersées du grand père fondateur. Les bâtisses sont restaurées, modernisées et proposées à la location .
Le domaine avait à l’origine une vocation agricole. L’exploitation des oliviers y est encore vivace. Paola nous conduit sur cette allée encadrée d’oliviers qui nous amène vers Poderaccio, une des maisons du domaine.Pari réussi pour cette rencontre improbable à quarante ans de distance. Nous nous sommes trouvés, tous les quatre, beaucoup de centres d’intérêt en commun.
Mais il nous faut reprendre la route . Nous passerons cette fois-ci autour de Florence par l’A1, cette autoroute spectaculaire qui franchit les sommets escarpés des Apennins toscans, en faisant une pause nocturne à Pian de Voglio. Nous sommes pressés de retrouver les grands cols des alpes.
14° le matin au Col du Mont Cenis
Le Mont Cenis c’est le paradis des Camping-cars. De vastes étendues ouvertes à la circulation, des points de vue dégagés, la communauté des « Campers » – comme on dit en Italie- y est à son aise. Et le mot canicule y est inconnu. Danièle enfile son pull le matin quand s’affiche un petit 14°, bien frisquet à son goût.
Alors nous restons finalement trois jours. Nous avons le choix:
-La randonnée– ou l’observation de la vie animale. Danièle peut passer des heures à traquer dans son objectif les courses des marmottes ou les mouvements de troupeaux de moutons:
Mais il nous faut rentrer pour nous occuper du petit fils entre deux séquences de vacances.
38° à la maison
Piscine avec le petit-fils et lecture dans l’unique pièce climatisée de la maison. La fin annoncée de la canicule se fait attendre.
Comment organiserons-nous les vacances d’été avec le changement climatique qui nous promet encore plus de canicules, encore plus fortes ? Ce n’est cependant qu’une question secondaire par rapport aux menaces qui guettent une bonne partie de l’humanité.