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Eric Reinhardt |
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Cher Monsieur Reinhardt
J’ai acheté « Cendrillon » chez Leclerc. Mon mari et moi avions apprécié « Le moral des ménages », je me suis dit que « Cendrillon » lui ferait plaisir. Bingo, le lendemain Ali Badou parlait de vous, en bien, en très très bien dans les matins de France Culture !
Vous dire si mon mari vous aime, il a lu aussi « Existence », et « Demi-sommeil » ; moi non, ni l’un ni l’autre. Pas envie de revenir en arrière quand on se doute qu’on sait déjà tout . Vous avez remarqué que pour certains auteurs on n’ a pas envie de revenir en arrière, sauf, à la rigueur si le livre paraît en poche. Pour Angot par exemple, je n’ai rien lu avant « Inceste ». Pour d’autres, on lirait tout dans le désordre, je pense à Duras, Céline ou même Proust et en plus ils ne parlent pas toujours de la même chose. Remarquez bien que je n’aime pas lire Mankell dans le désordre. Voir son père renaître alors qu’il était mort dans les bras de sa dame de compagnie, c’est dérangeant. J’y pense, ne faites pas revivre votre père maintenant qu’il s’est planté la fourchette dans la gorge, ça ne ferait pas crédible. Le lecteur peut tout croire, mais perturber le fil du temps, c’est gênant.
Je reviens à « Cendrillon » que j’ai bien du mal à lire. Je saute beaucoup, comme dans le dernier Houellebecq, les visites au gourou, c’était d’un ennuyeux ! Chez vous, ce sont les considérations sur l’automne et vos histoires de mail sur les sex-toys. J’ai sauté tout le chapitre. Vous n’êtes pas Fonelle, vous vous en êtes aperçu. Fonelle, ce n’est pas toujours bon, loin de là, mais c’est court. Et en ce qui concerne les golden-boys, je trouve que Clémence Boulouque en parle mieux que vous.
L’automne, j’y reviens. Je suis comme vous, je lis Elle et j’aime l’automne. On sent bien que ce que vous aimez dans l’automne, c’est la décroissance, la possibilité de rentrer sous terre, d’arrêter la dépense, de se terrer au creux de l’obscurité, de concentrer ses forces, de dormir et de se reposer. Je n’invente pas, c’est vous qui souhaitez louer une cave pour y écrire. Il faut vous reposer, cher Monsieur Reinhardt, il faut gérer votre énergie un peu mieux qu’en fréquentant les faux-semblants des cafés parisiens. Même Beigbeder a l’air de se porter mieux que vous ; il est vrai qu’il fréquente le café du sommet de la tour Montparnasse et la fille de Johnny, ce qui doit donner plus de hauteur de vue et une vraie connaissance du monde dont vous prétendez parler. Prenez un maître oriental et méditez sur les arbres qui perdent leurs feuilles et ne gardent que leurs troncs et leurs branches. Allégez-vous, dépouillez-vous, abandonnez le superflu. Cela vous fera le plus grand bien, et cela vous donnera de la profondeur. Allez au parc Montsouris, mais pas dans les jardins du Palais-Royal. Si Colette pouvait y écrire, c’est qu’elle portait en elle toute la campagne française et toutes les saisons, de la Bretagne au Jura, de la Bourgogne à la Côte d’Azur, rien à voir avec les pelouses de lotissement dont vous n’allez tout de même pas nous parler pendant le reste de vos jours.
Mais revenons au parc Montsouris ! Il se trouve qu’il y a 25 ans alors que je faisais des études de philosophie (épistémologie), j’ai bien connu votre voisin de palier que vous nommez « le philosophe marxiste de premier plan ». De premier plan, c’est sûr, il a été exclu du Parti communiste français… pour avoir contesté l’abandon de l’idée centrale de dictature du prolétariat, en 1978. Ce n’est pas à vous que cela arrivera. Vous n’aviez pas dix ans, viviez-vous déjà dans le lotissement ? Mais prenez garde à vos rapports avec Margot ! Louis Althusser était lui aussi très impressionné par sa femme Hélène ; Hélène et Margot, même combat aurait dit Brassens.
Etienne Balibar recevait ses étudiants dans ce petit local donnant sur le parc au-dessus de son appartement. Je suivais son séminaire consacré aux utopistes et il a relu et corrigé avec beaucoup de sérieux mon mémoire consacré aux agronomes du XVIII éme siècle où j’étudiais les écrits de Duhamel du Monceau et de l’abbé Rozier. C’est un homme cultivé et attentif qui ne mérite pas votre ironie. J’aime beaucoup sa fille également, Jeanne. Jeanne, Hélène et Margot, prenez garde, cher Eric !
Vous avez perdu une lectrice, cher Monsieur Reinhardt, une lectrice qui achète beaucoup de livres (Cf. vos 50 000€ de revenu imposable), une lectrice qui était même venue vous entendre à la fête du livre à Bron.
Danièle
C’est un livre d’amour dédié à une saison, l’automne. C’est un livre d’amour et de guerre sur la mondialisation, les dérives du capitalisme moderne.
Laurent Dahl prend la fuite, abandonnant femme, enfants, appartement londonien et domestiques. Son ascension fulgurante dans une société d’investissements vient de s’achever en faillite.
Patrick Neftel roule à vive allure vers un studio de télévision, des armes cachées dans le coffre de sa voiture, pour accomplir le geste radical et désespéré qui lui donnera enfin le sentiment d’exister.
Thierry Trockel conduit son épouse vers un manoir isolé aux environs de Munich. Ils doivent y retrouver un couple rencontré sur Internet.
À travers ces trois personnages issus de la classe moyenne, c’est la société dans toute sa rudesse qui se révèle : traders bourrés de cocaïne, laissés pour compte de la promotion sociale, parents soumis et humiliés, adolescents rageurs, jeunes gens avides et ambitieux, arrogance et dégradation des people, mépris des intellectuels de gauche pour les déclassés.
Cendrillon est le roman documenté, précis, captivant, d’un monde qui agonise et ressuscite d’un marché financier à l’autre.
(Présentation de l’éditeur)
Ah chère Danièle, il y aura donc toujours chez toi ce franc-parler aussi perturbant que délectable et je m’en réjouis! Tu achètes beaucoup de livres, c’est vrai et moi, je t’en emprunte beaucoup. J’aime à dire que tu es ma librairie favorite! En voilà un, de livre, d’ailleurs, que je ne lirai pas!A quand ton propre blog de critique littéraire? (tu en as peut-être déjà un en secret?!)
Bises à tous les deux et à bientôt.
Chloé
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Daniele,
zut!!! je voulais justement l’acheter….je ne sais plus quoi faire….je vais peut-etre le lire quand meme …..j’ai envie de savoir si mon decryptage est le meme que celui que tu annonces! j’ai tellement aime ce qu’il a ecrit jusqu’a maintenant. Peut-etre que mes references intellectuelles et litteraires sont moins fournies que les tiennes et que le »peu » de ce livre sera bien ,pour moi(et oui ! ma lucidite est de mise).On parle bouquins chouette! alors dis-moi ce que tu penses du dernier Jonathan Littell : « Les Bienveillantes » . je t’averti: depuis que je l’ai lu ,je suis tellement troublee que j’ai vraiment du mal avec tout autre lecture…..
Je pense a toi,a vous, vous me manquez toujours.
Bises .
Annie
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Bien d ‘ accord avec ton article et également avec les remarques de A++ .
Mais peut- on croire que ces enquêtes préliminaires puissent réellement
déboucher sur autre chose que ce que les promoteurs et les mairies ont déja décidé de longue date ?
les exemples de la non- prise en compte de la volonté des populations concernées sont , hélas , si nombreux !
Mais , c ‘ est vrai , que plus les contre- propositions sont nombreuses et pertinentes , plus on a de chance de voir ces projets destructeurs être , au moins, amendés …..Alors , continue – bien le combat ……. j ‘ espère que tu ne resteras pas tout seul ……
Dany .
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Danièle !
je ne sais , par quel fausse manip , mon commentaire sur l ‘article de Norbert , se retrouve ci- dessus ??? ah , l ‘Internet restera longtemps pour moi une vraie aventure !
Concernant » Cendrillon » , ta causticité fait toujours merveille….. bravo !et Reinhardt a certainement perdu une lectrice qui ne le connaissait absolument pas auparavant ,mais n ‘ a désormais, aucune envie de s ‘ initier à ces thèmes
si peu novateurs , médiatiques au possible…..à moins qu’ à cause de toi , je ne passe à côté d’ un style , d ‘ une » petite musique » qui fasse la différence !
tant pis , je prends le risque de l ‘ ignorance .
Bises . Dany .
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chère Annie, chère Dany,
Lisez Cendrillon! Il faut garder l’esprit critique, nous sommes en démocratie que diable ! Tout doit servir à se faire une opinion, y compris soi-même.
J’ai lu les bienveillantes l’an dernier sur les conseils d’une amie, malgré la critique élogieuse que je ne voulais pas suivre. Je l’ai lu jusqu’au bout et j’avoue que je n’ai pas aimé, mais j’ai une opinion personnelle sur ce livre. Un peu comme pour le film « la ressource humaine » que j’ai trouvé détestable malgré la critique dithyrambique.
Il paraît qu’il faut lire « the Lost » (les disparus), j’ai lu les premières pages et cela me tente, mais il pèse encore un kilo… ce qui est lourd en déplacement.
Merci de suivre nos élucubrations publiques.
Danièle
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