Les vignes vues du ciel

Lorsque Jean, mon ami viticulteur, m’a sollicité pour un inventaire photographique du vignoble de Quincy et Reuilly, je me suis trouvé assez perplexe. Il existe des entreprises spécialisées qui offrent des garanties de moyens et de résultats bien au-dessus des possibilités d’un photographe amateur, fût-il expérimenté.

Mais le défi me tentait et l’idée d’opérer pour des vignerons et un vignoble que je connaissais et appréciais depuis longtemps à travers les vendanges ( voir ici  ou ), rendez-vous annuel d’une bande sympathique autour de Chantal et Jean.

Alors on trouva un ULM, on prit un rendez-vous et l’affaire se concrétisa.

Pour moi l’expérience en vol est une première complète . Il s’agit d’abord de prendre connaissance avec l’appareil, un ULM pendulaire, deux places, assez évolué. La place du passager est étroite, comparable au siège arrière d’une moto, la ceinture de sécurité en plus. Pas question d’amener du matériel ou des documents. Pas question de changer d’objectif en vol. Alors lequel choisir?

Pour ce premier vol je choisis un zoom 70-300mm dans l’idée qu’à 150 m d’altitude il vaut mieux se rapprocher de son sujet, effet amplifié par la taille du capteur APS de mon Canon 600d.

L’objectif se révèle très adapté à viser des éléments du paysage , comme le chateau de Quincy (ci-dessus) mais pas du tout à saisir de vastes parcelles de vigne, des ensembles de parcelles ou des paysages. Bref après un petit tour, nous revenons vers la base pour installer un petit zoom 18-55 mm mieux adapté et moins encombrant. Idéal pour ce genre de panorama ( les éoliennes au-dessus de Sainte-Thorette) :L’expérience visuelle est pour moi inédite. Rien de comparable au point de vue terrestre. Vu d’en haut, le paysage apparaît enfin dans sa globalité et dans sa diversité  : ainsi on comprend que ces terroirs de vignobles sont enchassés dans des surfaces de grandes cultures ( très visibles à cette époque de l’année car le sol, retourné et préparé pour les semis d’automne se détache en étendues beiges claires ou brun foncé). La forêt est très présente, massive, sombre, même si le remembrement a supprimé la plupart des haies et des bosquets.Et puis on prend conscience de la place de l’eau dans cette zone baignée par deux rivières : l’Arnon et le Cher et parsemée de nombreuses gravières créées par l’homme, transformées en autant d’étangs recolonisés par la végétation.Dans cette zone de plaine, le relief apparaît comme une variable importante dans le paysage. Ainsi les coteaux de l’Arnon sont bien plus découpés et pentus que les terrasses du cher. On observe en conséquence sur le vignoble de Reuilly , de vastes ondulations avec des pentes importantes.L’initiative des vignerons s’inscrivait dans une approche terroir , menée en collaboration avec l’INRA d’Angers .

La notion de terroir est familière – mais un peu vague- dans l’agriculture française. Avec cette étude, il s’agit donc d’examiner de plus près , au niveau de la parcelle ou d’un ensemble de parcelles les éléments (le sol d’abord, mais aussi l’orientation,le microclimat, le voisinage, la pente et les pratiques culturales) qui conditionnent la qualité du produit. Et la photo peut amener des informations précieuses.Ainsi cette vue de la Commanderie au sud de Preuilly ( la parcelle en long au centre qui culmine autour de l’éolienne anti-gel) a retenu l’attention de Jean. On observe que les rangs inférieurs et plus à droite sont d’un vert plus sombre qu’ailleurs , signe d’une vigueur végétative supérieure. c’est aussi une zone où le botrytis ( pourriture grise des grappes) est plus fréquent, donnant ainsi des indications utiles sur la conduite de la fertilisation.

C’est pourquoi nous nous sommes efforcés de photographier chaque parcelle. Mais lorsqu’il a accès à de tels points de vue, le photographe se laisse aussi fasciner par la magie graphique de ces paysages très travaillés. Sans oublier la ponctuation de ces fermes isolées qui sont autant d’ilots d’histoire et d’humanité parsemées dans l’océan des grandes cultures d’aujourd’hui. Alors, si la photographie -et la curiosité de l’amateur- peut se révéler utile aux producteurs, ne boudons pas notre plaisir !

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7 commentaires sur “Les vignes vues du ciel

  1. J’aime trop tes reportages très personnelles de différents coins de la France et cette fois ci en air. Ça me fait découvrir la France et toi aussi d’ailleurs.

    Ebbe

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  2. Là tu as réussi une expérience fantastique et qui peut faire rêver… nos régions vues du ciel offrent à nos yeux un spectacle fantastique. Bravo pour ce reportage et continue à exercer tes talents de reporter photo et à nous faire planer ! Dominique

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  3. bravo Norbert ,
    Comme je n’ai ni ton courage ni ton talent , je reste au ras des « grappes  » en dégustant autant que je peux les merveilleux crus !

    A un de ces jours et avant la prochaine révolution ?

    RICHARD ATLAN

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