Depuis le temps où je terminais mes études d’ingénieur dans la zone viticole Fitou-Corbières-Minervois à arpenter les vignes, établir les essais sur le terrain et suivre les vinifications séparées, de la cave aux jurys de dégustation, j’ai conservé un intérêt constant pour le monde de la vigne et du vin, bien que jamais à titre professionnel. Une fois à la retraite j’ai pris l’initiative de partager avec mes proches mes connaissances et mes sensations à propos de ce breuvage qui a accompagné pendant des millénaires la marche en avant de la civilisation occidentale.
Les vins effervescents
L’effervescence est un phénomène naturel qu’ont toujours connu les vignerons lorsque, au printemps les vins de l’automne précédent se mettaient à fermenter de nouveau et à prendre de la mousse. L’histoire des vins effervescents retrace les efforts des cavistes à domestiquer ce phénomène indésirable et à le transformer en avantage incomparable. Cette maîtrise ne s’est développé qu’avec l’apparition de procédés industriels de fabrication de bouteille en verre (et particulièrement de récipients suffisamment solides pour tolérer les pressions importantes des effervescents ), et avec la généralisation du bouchon de liège maintenu par un muselet – donc pas vraiment avant le milieu du XVIIIème siècle. Ensuite c’est tout le savoir-faire des vignerons et des premières maisons de négoce qui a forgé la méthode champenoise. Depuis les coteaux de la Champagne, elle a essaimé ensuite dans toutes les régions viticoles de France, puis à la surface de la planète.
Méthode traditionnelle, méthode ancestrale, méthode champenoise… il y a plusieurs façon de faire des vins effervescents, mais certaines étapes sont communes à toutes ses méthodes.
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La méthode champenoise
la méthode traditionnelle de production des vins mousseux qui en Champagne seulement a le droit de porter la mention « méthode champenoise » est également la plus longue et la plus onéreuse.
- Le vin « tranquille » est élaboré (c’est la première fermentation) à partir de raisins provenant de la zone d’appellation, issus de Pinot noir (raisins noirs à jus blanc), de Pinot meunier (noir à jus blanc) et de Chardonnay (blancs). On trouve aussi des rosés provenant soit de mélange de blanc et de rouge, soit de pinot noir macéré un certain temps avec le moût. Les « blancs de blancs » sont issus exclusivement de chardonnay.
- Premier embouteillage : Un mélange de sucre et de levures, appelé liqueur de tirage, est ajouté au vin d’assemblage, ou vin de base, qui est ensuite embouteillé. Les bouteilles sont alors bouchées à l’aide d’une capsule-couronne provisoire. Une seconde fermentation alcoolique, appelée prise de mousse, se produit dans la bouteille. Le processus de fermentation génère du gaz carbonique qui, sous la pression, se dissout dans le vin et créera les fameuses bulles.
- Vieillissement et remuage : À la suite de cette deuxième fermentation, le vin est vieilli en bouteille sur les lies de levure, ce qui lui donne davantage de caractère. La durée du stockage sur lies, ou vieillissement, varie selon le style et la qualité recherchés (18 mois pour les brut sans année à 3 ans pour les millésimés et bien plus pour les champagnes d’exception …). Finalement, les lies sont retirées de la bouteille au moyen d’un procédé connu sous le nom de remuage. À l’origine, il fallait plusieurs semaines pour remuer la bouteille afin d’amener les lies collantes jusque dans le goulot, mais la mécanisation du procédé a réduit cette durée à une dizaine de jours.
- Deuxième embouteillage : Il s’agit d’éliminer ce dépôt par une pratique qui s’appelle le dégorgement. Le col de la bouteille inclinée est congelé, la capsule est retirée et les lies sont éjectées. Une petite dose de vin permettant une compensation du niveau et un ajustement final de la teneur en sucre est ajoutée, puis bouchon, muselet et capsule de surbouchage sont mis en place (la pression dans la bouteille : 4,07 à 6,07 atmosphères). La dose de sucre varie selon les caractéristiques du produit : Brut pas plus de 15 g de sucre (de canne de préférence ou de concentré de vin ) par litre. Sec : 17 à 35 g/litre. Demi-sec : de 33 à 50 g/litre. Doux : plus de 50 g/litre.
La notion de marque, primordiale en Champagne, n’est pas en cohérence avec la notion de terroir habituellement consacrée dans la définition des appellations en France. Elle a pour effet de gommer systématiquement les particularités de chaque terroir. Elle a cependant l’avantage d’assurer la garantie, pour le consommateur, de retrouver un gout constant résultant de l’assemblage minutieux de vins de zones de production et de millésimes différents.
Sur les 324 crus (qui correspondent aux territoires des communes) que compte l’appellation, seuls 17 ont droit à l’appellation Grand Cru et 43 à celle de premier cru.
Quelques vignerons ont pris le parti de s’affranchir de la pratique de l’assemblage et recherchent ainsi le maximum d’expression du terroir.
Le territoire de l’appellation est très vaste et composite :
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Les différents crus du champagne
Les champagnes sont classés par rapport à la provenance des raisins, à leur sélection et au traitement qu’ils subissent en cave.
- Brut sans année (BSA) Il s’agit d’un champagne élaboré à partir de cépages, d’années et de régions différentes pour maintenir le goût typique de la marque aussi constant que possible. Mêlant en général un tiers de chardonnay, un tiers de pinot noir et un tiers de pinot meunier, il est élevé 18 mois en cave avant d’être mis en vente.
- Champagne millésimé Composé exclusivement de raisins d’une même année, il combine les cépages et les régions, et doit avoir vieilli au moins trois ans en cave. Son goût peut donc varier d’un millésime à l’autre. Selon les marques, seules les bonnes années sont millésimées.
- Grand cru Champagne provenant des seules communes classées à 100 %, celles qui possèdent les meilleurs terroirs.
- Premier cru Champagne provenant de communes dont le classement est compris entre 90 et 99 %.
- Cuvée spéciale, Brut réservé, Brut premier, Grande réserve : Ces mentions n’ont aucune signification réglementaire. Elles correspondent à une démarche purement commerciale des grandes maisons.
- Blanc de blancs Champagne élaboré exclusivement à partir de raisins de cépage chardonnay (raisin blanc à jus blanc). Le goût est généralement plus fin et le prix plus élevé.
- Blanc de noirs Champagne blanc, plus charpenté, issu de raisins noirs à jus blanc (pinot noir et pinot meunier).
- Champagne rosé Il s’obtient en ajoutant à du champagne ordinaire un vin rouge de la région (en général le Bouzy), ou en laissant macérer un temps la peau des pinots lors de la vinification.
- Brut, sec ou demi-sec Presque tous les champagnes sont bruts. Pour mériter cette appellation, ils ne doivent pas contenir plus de 15 g de sucre (de canne de préférence ou de vin vieux) par litre. Les proportions sont de 17 à 35 g/litre pour le sec et de 33 à 50 g/litre pour le demi-sec. Un champagne doux en contiendra plus de 50 g/litre.
Savoir lire les étiquettes
Le champagne est le seul vin AOC pour lequel la mention d’appellation d’origine n’est pas obligatoire. En revanche, l’étiquette doit indiquer la raison sociale de l’élaborateur (c’est-à-dire celui qui effectue la prise de mousse ou, au minimum, le dégorgement) et son statut. Il peut produire lui-même ses raisins ou les acheter à un producteur situé dans l’appellation.
RM. Récoltant-manipulant. Vigneron qui cultive ses vignes, vinifie sa récolte et élabore lui-même son champagne. Il l’embouteille sous son propre nom ou sa propre marque
RC. Récoltant-coopérateur. Viticulteur qui confie ses raisins à la coopérative et les récupère après la seconde fermentation en bouteille. Il commercialise ensuite ses champagnes sous son nom ou celui de sa marque.
NM. Négociant-manipulant. Société qui achète des raisins à des vignerons, les vinifie et élabore son champagne à partir de cette matière première. Dans certains cas achète les bouteilles sur lattes avant vieillissement et remuage.
CM. Coopérative de manipulation. C’est une cave à laquelle les adhérents apportent leurs raisins. Elle se charge de les presser, de les vinifier puis d’élaborer les assemblages. Tout ou partie de ces bouteilles peut être vendu sous le nom de la coopérative ou une marque commune
SR. Société de récoltants. Groupement de producteurs qui commercialisent souvent sous une marque commune.
MA. Marque d’acheteur. Marque de détaillant qui commercialise un champagne dont il n’est pas l’élaborateur
Choisir son champagne
Brut sans année, millésime, champagnes de marque ou de producteurs , vous avez compris que le monde du Champagne est complexe (Il existe aujourd’hui 284 maisons de négoce auxquelles il faut rajouter les 43 coopératives et les 4722 producteurs indépendants). Alors pour se retrouver dans cette jungle sans vider votre compte en banque, faites confiance aux guides des vins : Parker , Hachette, Gault et Millau…
Les autres méthodes
La méthode de la clairette de Die, du Diois 
et de la vallée de la Drôme. Elaborée à partir de muscat (au moins 75%)et de Clairette blanche. La première fermentation-en cuve- est arrêtée par le froid. on ne rajoute pas de sucre. La seconde fermentation s’effectue en bouteille à basse température. Après la prise de mousse, au bout de quatre mois minimum, on vidange les bouteilles à froid et sous pression, pour effectuer une filtration des levures . Entretemps les bouteilles ont été rincées et sont prêtes à recevoir à nouveau leur contenu, toujours sous pression. Il n’y a ainsi aucune perte du gaz d’origine. Le taux d’alcool est de 7 à 9 °. L’étiquette porte la mention « Tradition »
On trouve aussi des Clairettes élaborées selon la méthode champenoise. Elles sont signalées comme « Brut » sur l’étiquette.
La méthode de la cuve close
La prise de mousse, après apport de sucre et de levure, ne se réalise pas en bouteille mais dans une cuve sous pression.
Pour compenser la perte de dioxyde de carbone naturel pendant la mise en bouteille l’ajout de CO2 alimentaire est autorisé. Cette méthode est utilisée pour fabriquer les SEKT allemands ( les allemands sont de gros consommateurs et de gros producteurs – principalement à base de vins importés- de vins effervescents) et tchèques, les vins sardes , des cidres et les prosecco…. Elle est également appelée méthode italienne en Italie.
Les crémants
de Bourgogne, d’Alsace, de Touraine, de Loire…) sont des vins effervescents mousseux obtenus par méthode traditionnelle (alias « méthode champenoise » en Champagne) dans une aire d’appellation particulière. Même procédé que le Champagne mais n’ont pas le droit à l’appellation « Champagne»
la blanquette de Limoux
dite brute est obtenue selon la méthode traditionnelle «champenoise ». Pour la blanquette de Limoux dite méthode ancestrale la fermentation est entièrement naturelle dans la bouteille sans transvasement. Le cépage est principalement le Mauzac. Le taux d’alcool est autour de 7°.
Les bulles : un succès universel
Depuis l’époque où dom Pérignon (un moine bénédictin de l’abbaye d’Hautvillers) a importé de Limoux la méthode de la prise de mousse du vin et l’a adaptée sous le label « méthode champenoise », les vins effervescents ont conquis les moments de fête . En 2012 ce sont 2,5 milliards de bouteilles qui ont été consommées aux quatre coins de la planète dont près de 50% de champagne !
Pour finir, je vais vous faire une confidence : Je n’aime pas le Champagne, surtout certaines bouteilles aux bulles grossières et agressives, sur la base d’un vin clairet et toujours un peu acide. En revanche une petit Clairette, simple et fruitée me fera plaisir, au coeur de l’été !
Et puis on attend l’effervescent que nous promet Jean, notre ami viticulteur en attendant que sa vigne pousse et porte sa première vendange!
Très instructif, j’attends la suite. Merci.
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Super et très bien détaillé. Mais pourquoi avoir omis notre Cerdon et autre Montagnieu ? Tous deux en fermentation « basse température » ils donnent de biens agréables vins d’apéritifs peu alcoolisés !
A bientôt pour la suite… et le meilleur pour 2014.
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Au temps pour moi, JB . Il faut dire que le sujet est déjà copieux ! J’ai une tendresse particulière pour le Montagnieu . j’y ai passé toutes mes vacances d’enfance. Et sa roussette à la fermentation naturelle m’a laissé de vifs souvenirs. Mais, dans le temps c’était un peu la loterie, car la fermentation en bouteille se révélait aléatoire. Mais quelle fraicheur, quelle délicatesse ! De nos jours, Franck Peillot qui est le dernier viticulteur professionnel de la commune utilise, à ma connaissance, plutôt la méthode champenoise.
D’accord pour le Cerdon, un rosé effervescent naturel qui mérite d’être cité .
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