Depuis le temps où je terminais mes études d’ingénieur dans la zone viticole Fitou-Corbières-Minervois à arpenter les vignes, établir les essais sur le terrain et suivre les vinifications séparées, de la cave aux jurys de dégustation, j’ai conservé un intérêt constant pour le monde de la vigne et du vin, bien que jamais à titre professionnel. Une fois à la retraite j’ai pris l’initiative de partager avec mes proches mes connaissances et mes sensations à propos de ce breuvage qui a accompagné pendant des millénaires la marche en avant de la civilisation occidentale.
Dans notre verre
Ça y est ! La bouteille est sur la table, nous savons maintenant qu’elle est le fruit de multiples soins apportés par le vigneron depuis la plantation de la vigne, jusqu’à la vinification en cave, l’élevage et l’embouteillage. Nous avons l’intuition que les caractéristiques, les qualités du breuvage qui nous est proposé sont en rapport avec les traitement que la vendange a reçu. Pour l’analyser, pour décrire ces caractéristiques organoleptiques nous n’avons que nos sens : la vue, l’odorat , le goût.
Notre premier contact avec le vin est visuel. En tout premier, c’est le cépage qui va influer sur la couleur du vin; par exemple, les cabernets sauvignons donnent des robes plus intenses que le pinot noir. La robe du vin évolue ensuite avec l’âge. Un vin jeune, rouge violacé, va évoluer vers le rouge orangé, et prendre ensuite des teintes tuilées, tout en perdant de son intensité. Les blancs vont prendre des teintes dorées avec l’âge et les vins liquoreux deviennent ambrés. L’oxydation provoque également un certain brunissement.
La phase olfactive permet de découvrir le nez du vin et les arômes qui le composent. Il faut inspirer une une première fois en laissant le verre immobile, puis une seconde fois, après avoir fait légèrement tourner le vin dans le verre. L’odorat nous renseigne sur le taux d’alcool , et surtout sur les arômes . Il peut nous alerter sur des défauts : acidité acétique ( vinaigre), goût de bouchon … Le repérage des arômes est complété par la sensation en bouche , précisément avec le phénomène de rétro-olfaction qui stimule les récepteurs olfactifs de l’arrière-nez.
La phase gustative vous renseignera définitivement sur le vin. En introduisant une petite quantité de vin afin de permettre sa diffusion dans la totalité de l’espace buccal, en aspirant un peu d’air pour brasser le contenu et remonter ainsi les composés volatils jusqu’aux fosses nasales puis en repérant, après la déglutition, la persistance en bouche.
Comment classer nos sensations?
· Le sucre : C’est la saveur la plus primitive (appréciée dès les premiers jours de la vie d’un nourrisson). La sensation sucrée est amplifiée par l’alcool. Par conséquent, un vin au titre alcoolique plus élevé nous paraîtra plus sucré. Le sucré donne à la fois des éléments de souplesse, de gras et moelleux.
· L’alcool : Le temps n’est plus où l’on trouvait quelque sympathique «piquette», aux teintes violacées, titrant au grand maximum 10°, en général mal vinifiée, dont la conservation était très aléatoire. La légende voulait qu’elle fasse des centenaires ….- sauf cirrhose et autre ulcère d’estomac-. Depuis, un taux d’alcool d’au moins 12° est devenu la norme, un taux supérieur apparaissant comme un gage de qualité et de conservation en vue de la garde. Les taux élevés dépendent de l’exposition, se retrouvent plutôt dans la viticulture méridionale et sur des cépages comme le grenache et le muscat.
· L’Acidité : ça peut être un défaut , lorsque la bactérie du vinaigre « aceto-bacter », stimulée par la présence d’oxygène dans le cas d’une mauvaise conservation, produit de l’acide acétique. A l’inverse, l’acidité peut être naturelle, en provenance de la grappe elle-même (acide malique, tartrique, citrique…). Dans ce cas, elle confère de la légèreté et de la vivacité aux vins (particulièrement les blancs). Une acidité trop élevée peut être la marque d’une vendange trop précoce, sur des raisins trop verts.
· L’astringence : ce n’est pas une saveur mais une sensation physique dans la bouche – L’astringence provoque l’assèchement de la bouche et des gencives ainsi qu’une impression de rugosité (langue râpeuse). Elle provient de la propriété qu’ont les protéines à se complexer sous l’effet des tanins (polyphénols), surtout présents dans les vins rouges. L’amylase salivaire est une protéine qui réagit fortement avec les composés astringents et provoque cette sensation d’assèchement dans la bouche.Les tanins sont présents dans tous les vins rouges, à des doses très variables : très taniques : les vins du sud-Ouest (les Cahors à base de Malbec) . Peu taniques ( les beaujolais à base de Gamay, Les rouges de Centre Loire: Reuilly ci-contre). La vinification , et notamment la durée de macération influent beaucoup sur la présence des tanins. Le vieillissement modifie et adoucit les tanins.
L’Amertume :Dans le vin, une légère amertume ajoute à la complexité et à la persistance gustative. Toutefois, une trop grande amertume est considérée comme un défaut. Elle provient généralement des pépins de raisins dans le cas d’une extraction trop forte au pressurage.
Les arômes : Ils se perçoivent à la fois par le nez et l’arrière-bouche. Ce sont vraiment les marqueurs d’un cru, de sa personnalité et de son expression. On les classe en trois catégories selon leur origine. Les arômes primaires sont déjà présents dans le raisin ( exemple: le muscat) . Les secondaires sont produits par les levures pendant la fermentation ( ex: banane, ananas…). Les arômes tertiaires apparaissent pendant l’élevage (Tanins du chêne des barriques, ou micro-oxydation du vin)L’équilibre d’un vin : Pour un rouge il faut tenir compte de trois paramètres : acidité, alcool , structure tanique. Pour un blanc ce sont deux paramètres : l’acidité et l’alcool, avec la variante du sucre pour les demi-secs ou les liquoreux.
La structure du vin : La structure d’un vin rouge lui est apportée par ses tannins, c’est l’ossature du vin. L’intensité de la couleur annonce aussi la structure du vin. Pour les vins rouges, une couleur profonde présage en général un vin plutôt corsé, riche en tannins tandis qu’une couleur faible suggère un vin léger. Ainsi, plus un vin rouge est structuré plus sa propension à bien vieillir est prometteuse.
Alors, prêts pour la dégustation ? La priorité à vos sensations. Partir d’elles puis essayer de leur donner un nom, un qualificatif (et pas l’inverse).
Vous vous sentez un peu perdu(e) dans le vocabulaire foisonnant et complexe des dégustateurs ?
Rassurez-vous, vous n’êtes pas seuls : Un sondage réalisé en 2013 révèle que les consommateurs n’apprécient pas le langage suranné voire prétentieux des notes de dégustation : 55% des sondés déclarent que les descripteurs utilisés par les dégustateurs professionnels ne les aident pas à comprendre le goût du vin, deux tiers d’entre eux considèrent que les descriptions mentionnées sur la contre-étiquette ne correspondent pas à leur propre analyse sensorielle, 91 % d’entre eux affirment ne pas consulter les critiques spécialisées avant de choisir un vin. Précision : il s’agit d’un sondage auprès d’un public de 1 000 consommateurs britaniques réalisé en ligne par One Pollet publié par le Télégraph
Alors, fiez-vous à vos sens ! A votre Santé !
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