Danièle avait bien envie de découvrir le Charlevoix, sur la rive Nord du Saint-Laurent , en aval de Québec, mais finalement c’est Geneviève, soutenue par Claire, son amie, qui l’a emporté avec son programme de découverte de la rive sud. Première étape Lévis, en face de Québec, où justement résident ses parents. Il pleuvait très fort ce 23 juin lorsque nous avons quitté Montréal et la pluie nous a accompagnés pendant tout le trajet vers Lévis.
Arrivés dans les parages, il fallait d’abord se restaurer. Direction une fromagerie qui faisait également restauration, comme souvent au Québec. Une occasion de goûter la « poutine » élaborée sur place. On ne peut pas dire qu’on connaît le Québec sans avoir goûté cette spécialité à base de tomme fraîche de vache (du cheddar frais joliment appelé fromage couic-couic), de frites bien grillées et d’une sauce brune abondante .C’est à Breakeyville, dans les faubourgs lointains de Lévis que se trouve la maison des parents, cachée derrière les arbres dans un lotissement plutôt voué à la pelouse rase et aux massifs de fleurs.
Une originalité que revendique Benoît, le père de Geneviève, dont la famille est installée depuis plusieurs générations dans le bourg, au bord de la Chaudière, la rivière qui rejoint un peu plus loin le Saint-Laurent et que parcourait son ancêtre draveur (ceux qui transportent et trient les bois sur les cours d’eau). Micheline, son épouse, est originaire de Baie Comeau (plus en aval, sur la rive Nord) d’une famille de coureurs des bois, notamment pour ramener des fourrures de renard argenté d’Anticosti. Dans ces familles, typiques de la conquête pacifique de ces terres sauvages de la nouvelle France, on a oublié l’origine, l’identité, le point de chute du premier migrant fondateur. Reste un goût vivace pour la nature et les grands espaces.
Breakeyville fut fondée en 1909 par John Breakey qui reçut la concession de toute la région. Il employa plusieurs personnes dans le transport du bois et dans son moulin de sciage. Malgré les années de crise économique des années 1930, la drave sur la rivière faisait vivre plusieurs familles.
Un peu plus loin les chutes de la rivière Chaudière sont une étape touristique incontournable, avec un parcours très bien aménagé.Une partie du débit est détourné au profit de la production d’électricité depuis 1900 mais ça reste très impressionnant. On pêche toujours dans la rivière malgré la pollution générée par la catastrophe du Lac Mégantic (2013 – un énorme train de produits pétroliers déraille, à l’origine de 47 morts, d’incendies géants et de pollution massive).
Le lendemain, nous reprenons la route 132 que nous ne quitterons plus jusqu’au terme de notre circuit. Elle ne s’éloigne guère des rives du Saint-Laurent qui s’élargit de plus en plus. Nous découvrons les vastes étendues des « battures », inconnues plus en amont vers Montréal, ces espaces plats envahis d’herbe verte, à peine recouverts par les très grandes marées.
A marée basse ce sont d’autres étendues qui se découvrent , envahies d’algues qui permettent quelquefois de rejoindre les iles.
Le soleil est largement revenu lorsque nous approchons de Kamouraska, notre étape pour la nuit.
Kamouraska, coté agricole… C’est dans la région, à Sainte-anne de la Pocatière que fut crée la première école d’agriculture en 1859 « pour enseigner les bonnes pratiques et éviter l’émigration vers les Etats-Unis ».
La frontière américaine est à quelques kilomètres, le long des Appalaches, cette chaîne basse qui court de Terre-Neuve au nord, jusqu’au centre de l’État de l’Alabama au sud des Etats Unis.
Kamouraska, c’est un petit village de villégiature apprécié des notables de Quebec et Montréal, avec ses splendides résidences secondaires donnant sur la mer.
Geneviève nous avait expliqué que Kamouraska est aussi le titre d’un roman d’Anne Hébert (publié au Seuil en 1970) primé et désormais étudié dans les écoles. Un film en a été tiré. Un roman « de fureur et de neige », bien noir pour un aussi riant village , où la solitude de l’hiver, dans les années 1830, devait modifier bien des choses. Norbert et moi, nous empressons de le lire.
Mais pour l’instant nous profitons de la fin de la journée pour nous promener sur le bord de mer, à la lumière du soleil couchant. Nos pas nous mènent vers la jetée, autrefois poumon économique du village, où tout le commerce s’effectuait sur le fleuve, longtemps délaissée, récemment réhabilitée grâce à une souscription citoyenne.
La prochaine étape est prévue à Rivière du Loup où Claire nous a retenu un AirBNB au centre ville. Là aussi la rivière passe dans de grandes chutes au milieu d’un vaste parc arboré. Nous faisons une belle promenade qui nous amène dans un ancien verger qui donne encore des fruits, malgré l’ensauvagement.
Le soir nous amène vers l’embarcadère. Nous attendons le spectacle du dernier aller-retour du traversier qui fait la liaison avec Saint-Siméon, sur l’autre rive. Nous admirons le coucher de soleil (le plus beau du monde après ceux de Hawaï, proclament les dépliants touristiques !) en dégustant des sandwichs au homard dans un restaurent de motards très fréquenté.
Notre destination finale c’est le parc National du Bic. Notre gîte au bord du Havre surpasse tous les hébergements que nous avons testés dans ce périple . Tout en bois , construit par des anglophones qui l’ont vendu après le premier référendum (1980, après les élections de 1976 qui amènent le Parti Québécois au pouvoir), comme beaucoup d’autres qui craignaient désormais ne plus être chez eux dans un Québec souverain. C’est la maison rouge ci-dessous.
Le Havre du Bic, c’est toute une histoire: L’installation des pilotes, seuls à même de guider les gros navires dans les passages difficiles du Saint-Laurent, la venue des premiers touristes dans les années 1920, facilitée par l’arrivée du train, les chemins de contrebande pour alimenter depuis Saint Pierre et Miquelon une Amérique prohibitionniste, les marins basques qu s’aventuraient au-delà de Terre Neuve et de ses morues pour venir s’installer jusque sur ces terres.
C’est surtout le Parc national. Un des plus petits, mais un des plus riches. Plein de golfes, d’îles, de presqu’îles, changeant toutes les six heures au gré des marées, il abrite une colonie importante de phoques et des eiders à duvet qui nichent au large sur l’île Biquette, interdite aux promeneurs. Les grands ongulés y ont aussi leurs habitudes comme ces cerfs de Virginie pas vraiment farouches Et puis cette vue du premier étage du Gîte lorsque le havre se remplit au rythme de la marée haute, on se croirait sur un bateau.
Le lendemain, laissant la réserve à ses alternances de marées, nous étions à 600km de Montréal, il était temps de rentrer.
Un motel charmant au bord du fleuve nous rapproche de Québec. Nous repassons à Lévis. Nous sommes pile en face de Québec. Pourquoi ne pas laisser la voiture et emprunter le traversier qui nous amène direct centre ville, juste au pied du château Frontenac ? Rien de plus simple !
Cette belle matinée tourne vite à la grisaille et à la pluie qui nous accompagnera sur l’autoroute jusqu’à Montréal, bloquée dans les embouteillages des départs en vacances.
Un beau périple ! Merci à Geneviève qui nous l’a concocté : 3000km au bout du compte. Il faut savoir qu’au Canada on n’a rien sans faire beaucoup de km.
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De rien!
J’ai encore tout pleins d’itinéraires pour vous lors des prochains voyages… Gros bisous!
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