Willie à l’ANPE

la-meilleure-part.1237395449.jpgWillie c’est un personnage  d’un roman dont on a beaucoup parlé  : La meilleure part des hommes (prix de Flore 2008) de Tristan Garcia qui s’inspire de l’histoire récente du mouvement homosexuel. J’y ai porté un intérêt particulier du fait que j’avais connu personnellement quelques acteurs de cette aventure. Avec Jean, fondateur de la revue le gai pied, premier magazine de la galaxie gay, Gérard et Nicolas, je vivais en 1977 en communauté, seul hétéro au milieu d’une joyeuse bande d’homos.

Le temps était au militantisme, déclinant pour moi en politique, bouillonnant pour ces amis impliqués dans le GLH , Groupe de Libération des Homosexuel, tendance PQ (?) Politique et Quotidien.C’était effectivement la fraction la plus politique du mouvement , la plus « sérieuse » en quelque sorte. Pas de « folles » excentriques ou de supermâles musclés en tenue de cuir (du moins en public …)

Et puis , la communauté s’est dissoute, on s’est perdu de vue.

actup.1237399881.jpgAprès la joie de l’affirmation et de la sexualité libérée, ce furent les années SIDA. Et un nouveau militantisme contre la maladie et sa prise en compte par la société, avec la fondation d’Act Up, et le lancement du Sidaction, dont on fête le quinzième anniversaire ce week-end. Je ne raconterai pas ces années, car je m’en étais éloigné et le livre finalement, à travers l’histoire de trois personnages, en donne une bonne vision.

Laissons la présentation du bouquin à son auteur :

Dominique Rossi, ancien militant gauchiste, fonde à la fin des années quatre-vingt le premier grand mouvement de lutte et d’émancipation de l’homosexualité en France. Willie est un jeune paumé, écrivain scandaleux à qui certains trouvent du génie. L’un et l’autre s’aiment, se haïssent puis se détruisent sous les yeux de la narratrice et de son amant, intellectuel médiatique, qui passent plus ou moins consciemment à côté de leur époque. Nous assistons avec eux au spectacle d’une haine radicale et absolue entre deux individus, mais aussi à la naissance, joyeuse, et à la fin, malade, d’une période décisive dans l’histoire de la sexualité et de la politique en Occident. Ce conte moral n’est pas une autofiction. C’est l’histoire, que je n’ai pas vécue, d’une communauté et d’une génération déchirées par le Sida, dans des quartiers où je n’ai jamais habité. C’est le récit fidèle de la plupart des trahisons possibles de notre existence, le portrait de la pire part des hommes et – en négatif – de la meilleure. 

 

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Le second intérêt que j’ai porté à ce livre réside au chapitre 19 ( dont les bonnes feuilles se trouvent ICI) . Il se trouve que Willie, artiste marginal, un temps célèbre, est inscrit à l’ANPE. A sa grande surprise, il reçoit un jour une convocation pour un entretien avec un conseiller de l’agence. Que va-t-il faire ? Profil bas en feignant de s’intéresser aux propositions de son conseiller ? Non ! plutôt jouer le grand jeu de la « folle » délirante, dont le pauvre conseiller ANPE devient la victime innocente.  S’en suivent quelques scènes rocambolesques où Willie va mettre sens dessus dessous l’agence et ses employés. La fantaisie et le comique sont  au plus haut, même si quelquefois je me retrouvais en imagination à la place du malheureux Jean-Philippe Bardotti, conseiller acculé à la démission pour échapper à la comédie finalement cruelle de son demandeur d’emploi.

Le livre rapporte ensuite les efforts des militants, dont dominique Rossi, fondateur de Stand Up (Act Up en réalité) pour développer la prévention contre le SIDA. Mais au fil des ans , une nouvelle génération, dont Willie,  récuse ces priorités et vient contester les leaders historiques . C’est sur cette toile de fond que se développe l’hostilité grandissante entre Dominique et Willie, jadis amants, désormais ennemis jusqu’à la tombe.

Au terme de cette histoire, l’auteur, empruntant la voix de la narratrice, s’interroge : d’un coté des  » êtres humains dont toute l’importance est exhibée, sous forme de faits, de réalisations, de discours parce qu’ils parlent, parce qu’ils agissent et qu’ils travaillent… » de l’autre coté ceux « dont toute la valeur, toute la vie, est à l’intérieur » que seule une proximité bienveillante permet de découvrir. C’est plutôt à ces derniers, aux Willie que l’auteur reconnaît la meilleure part des hommes.

Une question grave qui s’adresse à chacun de nous, lecteurs.

C’est le moment de faire un don pour le SIDACTION

 

3 commentaires sur “Willie à l’ANPE

  1. Norbert,
    Il n’y a plus que de jeunes « commerciaux » à pôle-emploi, le demandeur d’emploi étant un produit de consommation maintenant. On le passe au code barre, et si ça sonne, oups, pas bon pour lui : renvoi immédiat.
    La proximité bienveillante est une espèce en voie de disparition…

    Je pense bien à toi
    Silvy

    J’aime

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